Dans un sonnet-portrait pétrarquiste qui énumère les grâces de l’aimée, on aurait presque toujours affaire à un récit : le récit d’une épreuve. Les mouvements du regard, les sens sollicités l’un après l’autre, la succession des phantasmes faisant pierreries ou fleurs des détails du corps de la femme, épiphanies de ses gestes, de ses attitudes et des sons émis par sa bouche, diraient les étapes d’une épreuve dont la réussite coïnciderait pour l’amant avec son renoncement à percevoir et à désirer, avec sa défaite aux pieds de l’aimée belle mais vertueuse, avec sa propre métamorphose en être de vertu. Mais chaque poème n’est finalement le plus souvent qu’un exercice, l’épreuve n’est pas surmontée, ou seulement de façon provisoire, et l’exercice qui tourne court ou qu’on bâcle n’est pas le moins agréable.