« Autrefois j’ai fait ces suivants en faveur d’une de mes idoles parlantes :
Ta
beauté,
ta vertu,
ton esprit,
ton maintien
Éblouit,
et défait,
assoupit et
renflamme
Par ses rais,
par penser,
par crainte,
pour un rien
Mes deux yeux,
mon amour,
mes desseins, et
mon âme. »
Étienne Tabourot,
Les Bigarrures du Seigneur des
Accords,
Paris, Jean Richer, 1583,
chapitre XIII, « Des vers
rapportés », f° 131v°
[Gallica, NUMM-70346, PDF_285].
C’est le travail de Jacques Roubaud et de ses amis Pierre Lusson et Pierre Getzler, principalement publié dans les Cahiers de Poétique comparée [1], qu’il faut lire pour prendre la mesure de « cette spirituelle façon d’écrire en vers rapportés, et même de notre temps […] si fréquente et commune », selon l’expression de Tabourot des Accords en 1583.
« Une sorte de croisement symétrique et grammatical », des « phrases de construction grammaticale semblable désarticulées et recomposées », une « invention astucieuse » qui « remonterait peut-être à la fin de l’Antiquité grecque », un « procédé » qui « du Moyen Âge latin […] gagne les poésies française, espagnole, anglaise et allemande des XVIe et XVIIe siècles », selon Ernst Robert Curtius dans La Littérature européenne et le Moyen Âge latin [2].
Notes
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[1] Les
Cahiers de Poétique comparée
ont été publiés sous les auspices de
l’Institut National des Langues et
Civilisations Orientales
(l’INALCO,
c’est-à-dire les Langues’O) de 1973
à 1993. Ils sont
l’émanation, ainsi que la revue
Mezura, du Centre de Poétique comparée
(cercle Polivanov).
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[2] Ernst
Robert Curtius, La Littérature
européenne et le Moyen Âge latin,
traduit de l’allemand par Jean Bréjoux,
Paris, Presses Universitaires de France,
1956 [Presses-Pocket, coll.
« Agora », 1991].
« Je
dors comme un ange, comme une bûche, comme un
bébé : je virevolte, je flambe,
je hurle. »,
Eric Chevillard, L’Autofictif,
dimanche 30 décembre 2018.
« Le
flocon, l’étincelle, ces pétales aussi
annoncent leur fruit, l’avalanche,
l’incendie. »,
Eric Chevillard, L’Autofictif,
vendredi 9 décembre 2022.
« La
poule, c’est la calomnier, ne passe pas tout son
temps à picorer, elle coud, elle
poinçonne, elle tatoue, elle
télégraphie, un
linceul pour le grain, un aller sans retour pour le grain, un
aigle sur le grain, la nouvelle de sa mort au
grain. »,
Eric Chevillard, L’Autofictif,
samedi 20 janvier 2024.