Commencer par dire les innombrables étoiles du ciel, et les poissons dans la mer, et les fleurs au printemps, et les grains de sable du désert… — accumuler les innombrables avant de commencer à parler : quoi de mieux pour suggérer qu’on a beaucoup à dire, beaucoup d’amour, beaucoup de peine, et qui tient en trois mots. On peut supposer que ce lieu commun des innombrables, est l’un des plus fréquents de la littérature universelle de tous les temps [1].
Associé à la structure accumulative du préambule, qui a pour fonction de retarder l’apparition du sens complet de la phrase, et donc d’en produire l’attente chez le lecteur (la Rhétorique françaises d’Antoine Fouquelin, seconde édition, 1557, nomme sustentation, et la Rhétorique française de René Bary, 1665, suspension, des procédés qui s’en rapprochent), on le rencontre fréquemment dans la littérature antique gréco-latine et les littératures modernes européennes, en particulier au seizième siècle [2]. […]
Notes
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[1] On
peut lire, au format image, sur le site de
l’Université de Mannheim,
une page
en latin de Paolo Manuzio (1603) sur l’hyperbole des
innombrables, citant Plutarque, Homère,
Ovide, et un
commentaire d’Aristote.
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[2] Le
procédé
rhétorique du préambule
n’est presque pas
répertorié dans les
études littéraires
françaises, ni dans la tradition, ni dans la
modernité.
Dans les études germaniques en revanche est pris en
compte le priamel, du mot latin præambulum.
Bibliographie
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Vuilleumier, Florence, « Les Amours
de Pierre de Ronsard : sources ou modèles
d’invention », Ronsard
/ Les Amours de Cassandre, sous la direction de
Michel Simonin, Klincksieck, « Parcours
critique », 1997, pp.150-170.
« Le
nombre des neutrinos dans l’univers est si
grand que celui des grains de sable du Sahara ne suffirait pas
à en donner une image. »
J.-F. Augereau et St. Foucart,
" Le neutrino, particule fugace et
singulière, tient salon à Paris ",
Le Monde, 16 juin 2004.
« Celui
qui n’a pas fait ses comptes avec la
féminité n’a pas fait
ses comptes avec la nature, ni avec
l’univers »,
propos d’Albert Memmi rapporté
par Cath. Simon,
" Albert Memmi, marabout sans tribu ",
Le Monde, 16 juin 2004.
« Il
y a tant de grains de sable qu’il ne doit pas en rester
beaucoup qui n’existent pas »,
Eric Chevillard, L’Autofictif,
jeudi 6 octobre 2016.