Pace non trouo,
e non hò da far guerra,
E temo, e
spero, &
ardo,
e son vn ghiaccio,
E volo sopra’l
Cielo,
e giaccio in terra,
E nulla stringo, e
tutto’l mondo
abbraccio.
Tal m’hà
in pregion, che non
m’apre, ne
serra,
Ne per suo mi ritien, ne
scioglie il laccio,
E non m’ancide
Amor,
e non mi sferra,
Ne mi vuol viuo, ne me
trahe d’impaccio.
Veggio
senz’occhi,
e non hò lingua,
e grido,
E bramo di perir, e
chieggio aita,
Et hò in odio me stesso,
& amo altrui:
Pascomi di dolor,
piangendo rido:
Egualmente mi spiace morte,
e vita.
In questo stato son Donna per vui.
Paix
je ne trouve, et
n’ai dont faire
guerre :
J’
espère et crains,
je brûle, et si
suis glace :
Je vole au
Ciel,
et gis en basse place :
J’
embrasse tout, et rien je
ne tiens serre.
Tel
me tient clos, qui ne
m’ouvre
n’enserre,
De moi
n’a
cure, et me tourne la
face :
Vif ne me
veut, et
l’ennui ne
m’efface,
Et ne
m’occit
Amour ni ne desserre.
Je
vois sans yeux, sans langue
vais criant :
Périr
désire, et
d’aide
j’ai
envie :
Je hais
moi-même, autrui
j’aime et
caresse :
De
deuil me pais, je lamente
en riant :
Également me
plaisent mort et vie :
En cet état
suis pour vous ma maîtresse.
Paix
je ne trouve, et
n’ai dont faire
guerre,
J’espère
et crains, et
brûlant suis en glace,
Rien je
n’étreins,
et tout le monde embrasse,
Je vole au
ciel, et suis croupant en
terre.
En
prison m’a
tel,
qui n’ouvre ne
serre,
Ne me retient pour
sien, ne
me délace,
D’amour
je vis,
et point ne me fait grâce,
Et ne me
tue, encore moins desserre.
Sans
yeux je vois, et sans
langue je crie,
Je quiers
secours, et de
mourir je prie,
Un autre
j’aime, et à moi je veux mal.
Je
ris en pleurs, et deuil
repaît mon âme,
Et vie et mort me
fâchent par égal :
Voilà
l’état, où suis pour
vous, ma dame.
Je
cherche
Paix,
et ne trouve que Guerre,
Ores j’ai
peur,
ores je ne crains rien,
Tantôt du
mal, et
tantôt j’ai
du bien,
Je vole aux
cieux, et ne bouge de
terre.
Dans
mes désirs l’espérance
j’enserre,
Puis en
l’instant
je lui romps le lien,
J’aime
celui qui m’est
le seul moyen
Du dard pointu qui sans
cesse m’enferre,
Je
vois sans yeux, je cours
sans déplacer,
Libre je
suis, et me sens enlacer
D’un cable
d’or qui le
Soleil égale.
Je
glace au feu, et
brûle dedans l’eau,
Je ris en pleurs et ronge
mon cerveau,
Chantant toujours comme
fait la cigale.
Je
suis en paix et en mortelle guerre :
Je
crains,
j’espère,
j’ards froide
comme glace :
Je vole au
ciel, tout
étendue en terre,
Et rien
n’étreins
de fait et tout
j’embrasse :
En
prison suis qui ne s’ouvre
ne serre :
D’un
même lacs on me lace et délace :
Amour m’enferre
ensemble et me déferre,
M’ayant
donné et puis m’ôtant
sa grâce :
Heur
et malheur me suivent en ma chasse :
Je veux mon bien et
à mon mal je cours :
Également la vie
et mort je fuis :
Voire
la vie et la mort je pourchasse :
Et veux périr et
demande secours :
En tel état pour
Florisel je suis.
Cette prison,
où je suis enserré
Ne me détient,
prisonnier m’environne.
J’ai
liberté,
servitude m’ordonne.
Je romps les ceps, je suis
plus enferré.
Je suis vivant,
douleur m’a
enterré.
J’ai tout
vaincu, un autre se
couronne.
Chaleur me brûle,
à glace m’abandonne,
Plaisir m’étreint, et deuil m’a
desserré.
Sans yeux je vois,
sans langue je me plains.
Tout au plus haut je suis de la prison,
Au plus profond de la fosse complains,
L’ardent
ennui de ma froide poison.
Un autre aimant, je me suis
désaimé.
Ainsi je meurs, vivant sans
être aimé.
Rien
étreindre ne puis,
toute chose j’embrasse :
J’aime
bien d’être
serf,
et cherche liberté,
Je ne bouge de
terre, outre
le ciel je passe,
Je me promets
douceur,
où n’y
a que fierté.
À
tel me suis donné,
qui pour sien ne m’avoue,
D’où
vivre je m’attends,
cela me fait mourir,
Je blâme le plus
fort, ce que plus fort je
loue,
Je demande
remède, et je ne
veux guérir.
Je
me hais,
j’aime
autrui :
je crains, et je
m’assure :
Je suis
feu, je suis
glace : en
fuyant, je poursuis.
Où je me fais
vainqueur, là
vaincu je demeure.
Ce
m’est sucre le
deuil :
la joie ce m’est
suie :
Je meurs si
j’ai
de l’aise, et je
vis de l’ennui :
J’ai
pris en même horreur et la mort et la vie.
Je cherche paix,
et ne trouve que guerre,
Ores j’ai
peur,
ores je ne crains rien,
Tantôt du mal et tantôt j’ai
du bien,
Je vole au ciel et ne bouge de terre.
Au cœur douteux
l’espérance
j’enserre,
Puis tout à coup je lui romps le lien,
Je suis à moi et ne puis être
mien,
Suivant sans fin qui me fuit et m’enferre.
Je vois sans yeux,
je cours sans déplacer,
Libre je suis et me sens enlacer
D’un poil si beau
que l’or
même il égale :
J’englace
au feu, je brûle
dedans l’eau,
Je ris en pleurs, et ronge
mon cerveau,
Chantant toujours comme fait la cigale.
[…]
L’amour
me fait haïr moi-même,
Le bien me fait un mal
extrême,
Et le feu trop chaud me
pâlit,
Le repos
hélas !
me travaille,
Le veiller
m’est
somme, et le lit
M’est
un camp de dure bataille,
Où vivant on
m’ensevelit.
Le
pleurer me plaît,
et le rire
M’apprête
un contraire martyre,
Le repos
m’est
venin et fiel,
Au lieu de paix
j’ai toujours
guerre,
Je vois sans
yeux, et vole au ciel
Sans jamais
départir de terre,
Où jeune je
semble être vieil.
J’espère
et crains d’un
seul courage,
Mon profit
m’apporte
dommage,
Et le jour plus serein qui
luit
Ne m’est
que ténèbre mortelle,
Bref,
j’ai sans fin
soit jour ou nuit
D’un vieil
désir peine nouvelle,
En suivant cella qui me
fuit.
[…]
N’espérer
qu’une
paix, et
vivre en une guerre,
Ne pourchasser ma
grâce et demander merci,
Paraître de
douleur et de joye transi,
M’enlacer
d’un lien qui
jamais ne se serre :
Voler
jusques aux cieux et demeurer en terre,
Me captiver
moi-même, et
m’élargir
aussi,
Chercher mon
passe-temps,
et n’avoir que
souci,
Être plus dur
qu’un
roc, et
plus frêle qu’un
verre :
M’armer
de patience, et enrager
tout vif,
Vivre tantôt
heureux, tantôt
pauvre chétif,
Brûler
à petit feu, et
geler en la glace,
Ma
propre volonté changer en un moment,
Ce sont les passions que
j’endure en aimant
Ma
Flore,
qui m’a pris par
les rais de sa face.
Je ne puis trouver paix et
n’ai
où faire guerre,
J’espère
au désespoir, je
brûle et suis en glace :
Sans pouvoir rien tenir tout le monde
j’embrasse,
Et tel m’a
prisonnier qui ne m’ouvre
ou resserre.
Je vole sur les Cieux et languis en la
terre,
Je forcène d’amour
et jamais ne m’en
lasse.
L’on ne veut que
je vive et moins que je
trépasse,
Et tel ne me veut point qui mon lacs ne desserre.
Je vois sans yeux,
j’ois sourd, et sans langue je crie :
Je cherche ma ruine et le secours je prie,
Je veux mal à moi-même et un chacun
j’honore :
Je me pais de
douleur, pleurant faut que
je rie :
Également me plaît et la mort et la
vie,
Et vous seule causez l’ennui
qui me dévore.
PAix
je ne trouve, et ne puis
faire guerre,
J’espère
et crains,
je brûle, et je
suis glace,
Rien je n’étreins,
et tout ce rond j’embrasse,
Je vole au ciel, et si je
suis en terre,
Je suis captif et si rien ne
m’enserre,
Enrété suis et rien ne
m’entrelace,
Rien je ne veux et si j’aime
la face
De celle-là sur toutes qui
m’enferre,
Je vois sans yeux,
sans cœur me convient vivre,
Le deuil me paît,
le plaisir me veut suivre,
Je veux périr,
l’aide le
cœur m’enflamme,
Autrui me
plaît, et
moi-même m’ennuie,
Également veux la mort et la vie,
En tel état je suis pour vous ma dame.
Je
vis en paix, et crains
mortelle guerre,
Le feu me gèle,
et dans la glace j’ards,
Je suis rétif,
et vole en mille parts,
Je monte au Ciel, et ne
bouge de terre.
Je me fais libre,
et la prison m’enserre,
J’embrasse
tout,
et n’ai
qu’ombrage
épars,
Je deviens chiche, et mes
biens je dépars,
Haine m’assure, amitié me
déterre.
Un même lacs
m’esclave, et
m’affranchit,
Une même eau m’enflamme, et rafraîchit :
Heur, et
malheur,
m’atteignent en
ma chasse.
Je veux
péril, et
secours je poursuis,
Je fuis la mort, et sans
fin je trépasse :
Est-il Amant plus vexé que je suis ?
J’aime
la Paix, et suis
toujours en Guerre,
J’aime
à régner,
et cherche le Tombeau,
Je hais l’Amour,
et rien ne m’est
plus beau,
Je vole au Ciel, et
m’accroupis en
terre.
Dans la prison,
et en liberté j’erre,
Chargé de fers,
et si suis sans fardeau,
J’espère,
et crains, et
brûle dedans
l’eau,
Joyeux et gai, et la
douleur m’enterre.
Je vois bien clair,
aveuglé,
et sans yeux,
Sans langue aussi, je
pénètre les Cieux,
Un autre j’aime
ennemi de moi-même.
L’hiver
je brûle, et
l’Été
meurs de froid,
Voila l’état,
Madame où l’on
me voit,
Pour vous aimer d’une
amitié extrême.
JE n’ai jamais la paix et ne peux faire guerre,
Je crains,
j’espère,
j’ards, j’ai
l’estomac
glacé,
J’embrasse tout
le monde,
et ne tiens rien pressé,
Je vole jusqu’aux
cieux,
et ne bouge de terre.
Telle m’a
en prison, qui ne
m’ouvre ni
serre,
Ni sien me retenant n’a
mon cep délacé.
Amour ne m’occit
pas,
ni vivant délaissé
Ne me tirant d’ennuis
aussi ne me déferre.
Sans langue ni sans yeux je
vois, je crie fort.
Je cherche du secours, je
désire la mort.
Ennemi de moi seul autrui j’adore
et aime.
Je ris en lamentant,
je me pais de douleurs,
Le vivre et le mourir m’est
une chose même,
En cet état m’ont
mis Madame,
vos rigueurs.
TRouver
paix je ne puis, et ne puis
faire guerre,
Je crains,
j’espère,
j’ards, et suis la même
glace :
Je vole sur le ciel, et ne
bouge de terre.
En ne rien étreignant tout le monde j’embrasse.
Tel me tient en prison qui ne
m’ouvre ni
serre :
Ni pour soi me retient, ni
rompt ce qui me lace.
Amour point ne me tue, et
si ne me déferre,
Il ne me veut voir vif, ni
que mort me défasse.
J’étends
sans yeux ma vue, et sans
langue mes cris :
J’enrage de
périr et conferme ma vie.
Je veux mal à moi seul,
et tous me sont amis.
Je me pais de
douleurs, et en pleurant
je ris,
Et tant me plaît la mort comme
j’aime la vie.
Madame c’est
l’état
en quoi vous m’avez
mis.
Je cherche paix et ne trouve que
guerre,
Je suis en feu et si suis tout glacé,
Je n’étreins
rien et tiens tout embrassé
Je vole aux Ciel et ne bouge de terre :
Je suis délivre et
l’on me tient en
serre,
J’aime
être libre et veux être
enlacé,
J’ai un
cœur vif en un corps
trépassé,
Je veux honneur par déshonneur acquerre :
Je vois sans yeux,
je discoure sans voix,
Je veux mourir sans mourir toutefois,
À mon secours un rocher je réclame :
Je me nourris du fruit de mon tourment
Vie et trépas je prise
également,
En tel état je suis pour vous,
madame.
HÉlas je brûle et si je suis de glace !
J’aime
beaucoup et je haïs bien fort ;
Je suis en vie, et je pense
être mort ;
Je vais partout sans bouger d’une
place.
De peur je tremble et je
frémis d’audace ;
Je cherche paix et je trouve discord ;
J’ai la
raison,
on me donne le tort ;
Je sers toujours et n’en
ai point de grâce.
Que puis-je faire en ces
diversités ?
Que dois-je dire en ces
adversités ?
Faut-il me plaindre ou bien faut-il me
taire ?
Plus de constance on montre en se
taisant ;
Mais la douleur se passe en la disant,
Comme par l’eau
la chaleur se modère.
Je n’ai
dont faire guerre, en
vain paix je pourchasse,
Et je crains et j’espère
et j’ards de
glace étant,
Et je m’envole
aux cieux sur la terre
couchant,
Je n’étreins
rien,
pourtant tout le monde j’embrasse.
Tel ne m’ouvre
ni serre, et
en prison me lace,
Ni pour sien me retient, en
ses lacs me tenant,
Et Amour ne me tue, et des
fers ne me prend,
Vif aussi ne me veut, et
mon ennui ne casse.
Sans langue avoir je
crie, aussi je
vois sans yeux,
Et je voudrais périr,
de secours désireux,
J’aime
autrui, et
je porte une haine à
moi-même,
De douleur je me
pais, et en plaignant
je ris,
Ennemi à la vie et à la mort je
suis,
Pour vous dame je vis en cet état extrême.
il dépeint sa misère à sa dame.
Je ne puis trouver la paix et je n’ai pas de quoi faire la guerre ; et je crains, et j’espère ; et je brûle et je suis de glace ; et je m’envole au-dessus du ciel et je rampe sur la terre ; et je ne saisis rien et j’embrasse le monde entier.
Quelqu’un m’a mis dans une prison qu’il ne m’ouvre, ni ne me ferme, et sans me retenir pour sien, il ne détache pas mes liens ; et Amour ne me tue ni ne m’ôte mes fers ; et il ne me veut pas vivant, et il ne me tire pas d’embarras.
Je vois sans yeux ; et je n’ai pas de langue et je crie ; et je désire mourir, et je demande secours ; et je me hais moi-même, et je chéris autrui :
Je me repais de douleur ; je ris en pleurant ; la vie et la mort me déplaisent également. Voilà Madame, l’état, où vous me réduisez.
Paix
je ne trouve, et
n’ai dont faire
guerre :
J’
espère
et crains, je
brûle, et si suis
glace :
Je vole au
Ciel,
et gis en basse place :
J’
embrasse tout, et rien je
ne tiens serre.
Tel
me tient clos, qui ne
m’ouvre
n’enserre,
De moi
n’a
cure, et me tourne la
face :
Vif ne me
veut, et
l’ennui ne
m’efface,
Et ne
m’occit
Amour ni ne desserre.
Je
vois sans yeux, sans langue
vais criant :
Périr
désire, et
d’aide j’ai envie :
Je hais
moi-même, autrui
j’aime et
caresse :
De
deuil me pais, je lamente
en riant :
Également me
plaisent mort et vie :
En cet état
suis pour vous ma maîtresse.
Paix
je ne trouve, et
n’ai dont faire
guerre,
J’espère
et crains, et
brûlant suis en glace,
Rien je
n’étreins,
et tout le monde embrasse,
Je vole au
ciel, et suis croupant en
terre.
En
prison m’a
tel,
qui n’ouvre ne
serre,
Ne me retient pour
sien, ne
me délace,
D’amour
je vis,
et point ne me fait grâce,
Et ne me
tue, encore moins desserre.
Sans
yeux je vois, et sans
langue je crie,
Je quiers
secours, et de
mourir je prie,
Un autre
j’aime, et à moi je veux mal.
Je
ris en pleurs, et deuil
repaît mon âme,
Et vie et mort me
fâchent par égal :
Voilà
l’état, où suis pour
vous, ma dame.
Je
cherche
Paix,
et ne trouve que Guerre,
Ores j’ai
peur,
ores je ne crains rien,
Tantôt du
mal, et
tantôt j’ai
du bien,
Je vole aux
cieux, et ne bouge de
terre.
Dans
mes désirs l’espérance
j’enserre,
Puis en
l’instant
je lui romps le lien,
J’aime
celui qui m’est
le seul moyen
Du dard pointu qui sans
cesse m’enferre,
Je
vois sans yeux, je cours
sans déplacer,
Libre je
suis, et me sens enlacer
D’un
cable d’or qui le
Soleil égale.
Je
glace au feu, et
brûle dedans l’eau,
Je ris en pleurs et ronge
mon cerveau,
Chantant toujours comme
fait la cigale.
Comme la reine Sidonie se sentit grosse d’enfant : et de la naissance de la belle Diane.
[…] Puis exclamait : Je suis en paix et en mortelle guerre : je crains, j’espère, j’ards froide comme glace : je vole au ciel, tout étendue en terre, et rien n’étreins de fait et tout j’embrasse : en prison suis qui ne s’ouvre ne serre : d’un même lacs on me lace et délace : Amour m’enferre ensemble et me déferre, m’ayant donné et puis m’ôtant sa grâce : heur et malheur me suivent en ma chasse : Je veux mon bien et à mon mal je cours : également la vie et mort je fuis : voire la vie et la mort je pourchasse : et veux périr et demande secours : en tel état pour Florisel je suis. Or fit la reine Sidonie (sitôt qu’elle fut relevée de sa gésine) porter sa fille Diane en un château […]
Cette prison,
où je suis enserré
Ne me détient,
prisonnier m’environne.
J’ai
liberté,
servitude m’ordonne.
Je romps les ceps, je suis
plus enferré.
Je suis vivant,
douleur m’a
enterré.
J’ai tout
vaincu, un autre se
couronne.
Chaleur me brûle,
à glace m’abandonne,
Plaisir m’étreint, et deuil
m’adesserré.
Sans yeux je vois,
sans langue je me plains.
Tout au plus haut je suis de la prison,
Au plus profond de la fosse complains,
L’ardent
ennui de ma froide poison.
Un autre aimant, je me suis
désaimé.
Ainsi je meurs, vivant sans
être aimé.
Rien
étreindre ne puis,
toute chose j’embrasse :
J’aime
bien d’être
serf,
et cherche liberté,
Je ne bouge de
terre, outre
le ciel je passe,
Je me promets
douceur,
où n’y
a que fierté.
À
tel me suis donné,
qui pour sien ne m’avoue,
D’où
vivre je m’attends,
cela me fait mourir,
Je blâme le plus
fort, ce que plus fort je
loue,
Je demande
remède, et je ne
veux guérir.
Je
me hais,
j’aime
autrui :
je crains, et je
m’assure :
Je suis
feu, je suis
glace : en
fuyant, je poursuis.
Où je me fais
vainqueur, là
vaincu je demeure.
Ce
m’est sucre le
deuil :
la joie ce m’est
suie :
Je meurs si
j’ai
de l’aise, et je
vis de l’ennui :
J’ai
pris en même horreur et la mort et la vie.
Je cherche paix,
et ne trouve que guerre,
Ores j’ai
peur,
ores je ne crains rien,
Tantôt du mal et tantôt j’ai
du bien,
Je vole au ciel et ne bouge de terre.
Au cœur douteux
l’espérance
j’enserre,
Puis tout à coup je lui romps le lien,
Je suis à moi et ne puis être
mien,
Suivant sans fin qui me fuit et m’enferre.
Je vois sans yeux,
je cours sans déplacer,
Libre je suis et me sens enlacer
D’un poil si beau
que l’or
même il égale :
J’englace
au feu, je brûle
dedans l’eau,
Je ris en pleurs, et ronge
mon cerveau,
Chantant toujours comme fait la cigale.
[…]
L’amour
me fait haïr moi-même,
Le bien me fait un mal
extrême,
Et le feu trop chaud me
pâlit,
Le repos
hélas !
me travaille,
Le veiller
m’est
somme, et le lit
M’est
un camp de dure bataille,
Où vivant on
m’ensevelit.
Le
pleurer me plaît,
et le rire
M’apprête
un contraire martyre,
Le repos
m’est
venin et fiel,
Au lieu de paix
j’ai toujours
guerre,
Je vois sans
yeux, et vole au ciel
Sans jamais
départir de terre,
Où jeune je
semble être vieil.
J’espère
et crains d’un
seul courage,
Mon profit
m’apporte
dommage,
Et le jour plus serein qui
luit
Ne m’est
que ténèbre mortelle,
Bref,
j’ai sans fin
soit jour ou nuit
D’un vieil
désir peine nouvelle,
En suivant cella qui me
fuit.
[…]
N’espérer
qu’une
paix, et
vivre en une guerre,
Ne pourchasser ma
grâce et demander merci,
Paraître de
douleur et de joye transi,
M’enlacer
d’un lien qui
jamais ne se serre :
Voler
jusques aux cieux et demeurer en terre,
Me captiver
moi-même, et
m’élargir
aussi,
Chercher mon
passe-temps,
et n’avoir que
souci,
Être plus dur
qu’un
roc, et
plus frêle qu’un
verre :
M’armer
de patience, et enrager
tout vif,
Vivre tantôt
heureux, tantôt
pauvre chétif,
Brûler
à petit feu, et
geler en la glace,
Ma
propre volonté changer en un moment,
Ce sont les passions que
j’endure en aimant
Ma
Flore,
qui m’a pris par
les rais de sa face.
Je ne puis trouver paix et
n’ai
où faire guerre,
J’espère
au désespoir, je
brûle et suis en glace :
Sans pouvoir rien tenir tout le monde
j’embrasse,
Et tel m’a
prisonnier qui ne m’ouvre
ou resserre.
Je vole sur les Cieux et languis en la
terre,
Je forcène d’amour
et jamais ne m’en
lasse.
L’on ne veut que
je vive et moins que je
trépasse,
Et tel ne me veut point qui mon lacs ne desserre.
Je vois sans yeux,
j’ois
sourd, et sans langue je
crie :
Je cherche ma ruine et le secours je prie,
Je veux mal à moi-même et un chacun
j’honore :
Je me pais de
douleur, pleurant faut que
je rie :
Également me plaît et la mort et la
vie,
Et vous seule causez l’ennui
qui me dévore.
PAix
je ne trouve, et ne puis
faire guerre,
J’espère
et crains,
je brûle, et je
suis glace,
Rien je n’étreins,
et tout ce rond j’embrasse,
Je vole au ciel, et si je
suis en terre,
Je suis captif et si rien ne
m’enserre,
Enrété suis et rien ne
m’entrelace,
Rien je ne veux et si j’aime
la face
De celle-là sur toutes qui
m’enferre,
Je vois sans yeux,
sans cœur me convient vivre,
Le deuil me paît,
le plaisir me veut suivre,
Je veux périr,
l’aide le
cœur m’enflamme,
Autrui me
plaît, et
moi-même m’ennuie,
Également veux la mort et la vie,
En tel état je suis pour vous ma dame.
Je
vis en paix, et crains
mortelle guerre,
Le feu me gèle,
et dans la glace j’ards,
Je suis rétif,
et vole en mille parts,
Je monte au Ciel, et ne
bouge de terre.
Je me fais libre,
et la prison m’enserre,
J’embrasse
tout,
et n’ai
qu’ombrage
épars,
Je deviens chiche, et mes
biens je dépars,
Haine m’assure, amitié me
déterre.
Un même lacs
m’esclave, et
m’affranchit,
Une même eau m’enflamme, et rafraîchit :
Heur, et
malheur,
m’atteignent en
ma chasse.
Je veux
péril, et
secours je poursuis,
Je fuis la mort, et sans
fin je trépasse :
Est-il Amant plus vexé que je suis ?
J’aime la
Paix, et suis
toujours en Guerre,
J’aime
à régner,
et cherche le Tombeau,
Je hais l’Amour,
et rien ne m’est
plus beau,
Je vole au Ciel, et
m’accroupis en
terre.
Dans la prison,
et en liberté j’erre,
Chargé de fers,
et si suis sans fardeau,
J’espère, et crains,
et brûle dedans
l’eau,
Joyeux et gai, et la
douleur m’enterre.
Je vois bien clair,
aveuglé,
et sans yeux,
Sans langue aussi, je
pénètre les Cieux,
Un autre j’aime
ennemi de moi-même.
L’hiver
je brûle, et
l’Été
meurs de froid,
Voila l’état,
Madame où l’on
me voit,
Pour vous aimer d’une
amitié extrême.
JE n’ai jamais la paix et ne peux faire guerre,
Je crains,
j’espère,
j’ards,
j’ai
l’estomac
glacé,
J’embrasse tout
le monde,
et ne tiens rien pressé,
Je vole jusqu’aux
cieux, et ne bouge de
terre.
Telle m’a
en prison, qui ne
m’ouvre ni
serre,
Ni sien me retenant n’a
mon cep délacé.
Amour ne m’occit
pas,
ni vivant délaissé
Ne me tirant d’ennuis
aussi ne me déferre.
Sans langue ni sans yeux je
vois, je crie fort.
Je cherche du secours, je
désire la mort.
Ennemi de moi seul autrui j’adore
et aime.
Je ris en lamentant,
je me pais de douleurs,
Le vivre et le mourir m’est
une chose même,
En cet état m’ont
mis Madame, vos rigueurs.
TRouver
paix je ne puis, et ne puis
faire guerre,
Je crains,
j’espère,
j’ards, et suis la même
glace :
Je vole sur le ciel, et ne
bouge de terre.
En ne rien étreignant tout le monde j’embrasse.
Tel me tient en prison qui ne
m’ouvre ni
serre :
Ni pour soi me retient, ni
rompt ce qui me lace.
Amour point ne me tue, et
si ne me déferre,
Il ne me veut voir vif, ni
que mort me défasse.
J’étends
sans yeux ma vue, et sans
langue mes cris :
J’enrage de
périr et conferme ma vie.
Je veux mal à moi seul,
et tous me sont amis.
Je me pais de
douleurs, et en pleurant
je ris,
Et tant me plaît la mort comme j’aime
la vie.
Madame c’est
l’état
en quoi vous
m’avez mis.
Je cherche paix et ne trouve que
guerre,
Je suis en feu et si suis tout glacé,
Je n’étreins
rien et tiens tout embrassé
Je vole aux Ciel et ne bouge de terre :
Je suis délivre et
l’on me tient en
serre,
J’aime
être libre et veux être
enlacé,
J’ai un
cœur vif en un corps
trépassé,
Je veux honneur par déshonneur acquerre :
Je vois sans yeux,
je discoure sans voix,
Je veux mourir sans mourir toutefois,
À mon secours un rocher je réclame :
Je me nourris du fruit de mon tourment
Vie et trépas je prise
également,
En tel état je suis pour vous,
madame.
HÉlas je brûle et si je suis de glace !
J’aime
beaucoup et je haïs bien fort ;
Je suis en vie, et je pense
être mort ;
Je vais partout sans bouger d’une
place.
De peur je tremble et je
frémis d’audace ;
Je cherche paix et je trouve discord ;
J’ai la
raison,
on me donne le tort ;
Je sers toujours et n’en
ai point de grâce.
Que puis-je faire en ces
diversités ?
Que dois-je dire en ces
adversités ?
Faut-il me plaindre ou bien faut-il me
taire ?
Plus de constance on montre en se
taisant ;
Mais la douleur se passe en la disant,
Comme par l’eau
la chaleur se modère.
Je n’ai
dont faire guerre, en
vain paix je pourchasse,
Et je crains et j’espère
et j’ards de
glace étant,
Et je m’envole
aux cieux sur la terre couchant,
Je n’étreins
rien,
pourtant tout le monde j’embrasse.
Tel ne m’ouvre
ni serre, et
en prison me lace,
Ni pour sien me retient, en
ses lacs me tenant,
Et Amour ne me tue, et des
fers ne me prend,
Vif aussi ne me veut, et
mon ennui ne casse.
Sans langue avoir je
crie, aussi je
vois sans yeux,
Et je voudrais périr,
de secours désireux,
J’aime
autrui, et je porte une
haine à
moi-même,
De douleur je me
pais, et en plaignant
je ris,
Ennemi à la vie et à la mort je
suis,
Pour vous dame je vis en cet état extrême.
il dépeint sa misère à sa dame.
Je ne puis trouver la paix et je n’ai pas de quoi faire la guerre ; et je crains, et j’espère ; et je brûle et je suis de glace ; et je m’envole au-dessus du ciel et je rampe sur la terre ; et je ne saisis rien et j’embrasse le monde entier.
Quelqu’un m’a mis dans une prison qu’il ne m’ouvre, ni ne me ferme, et sans me retenir pour sien, il ne détache pas mes liens ; et Amour ne me tue ni ne m’ôte mes fers ; et il ne me veut pas vivant, et il ne me tire pas d’embarras.
Je vois sans yeux ; et je n’ai pas de langue et je crie ; et je désire mourir, et je demande secours ; et je me hais moi-même, et je chéris autrui :
Je me repais de douleur ; je ris en pleurant ; la vie et la mort me déplaisent également. Voilà Madame, l’état, où vous me réduisez.
textes
modernisés
[R]
En ligne le
11/11/17.
Dernière révision le 19/05/24.