Le bruit d’une eau qui flotte en la roche rebelle
Et la font qui distille en argentin gourgout
[…] L’Amour, […] il y en a infinis qui le blâment, le rejettent, et ne l’ont en nulle estime : et infinis autres qui ne pensent qu’il n’y ait rien en ce monde de meilleur ni de plus louable. Dont combien les premiers sont errants en leur fantaisie, la raison le montre clairement : de tant que si nous voulons donner définition à l’amour, nous trouverons que ce n’est autre chose, qu’un désir de jouir avec parfaite union de la chose aimée : comme se pourrait dire de celui qui aimant la bonne grâce, la vertu, ou le savoir d’une personne, ne tâcherait de se fréquenter, et pratiquer amoureusement, pour pouvoir incorporer ses louables parties à sa propre condition […]
Amour […] dont la plupart des ignorants qui ne savent la nature de sa majesté, interprétant ce plaisir selon leur asinopensée, en donnent le jugement qui appartient à la brutalité d’une bestiale imagination, qui les aveugle si fort, qu’ils ne peuvent pénétrer jusques au fond de la divinité de l’Amour : lequel en effet ne comprend en soi qu’un désir de divine composition (si ainsi dire se peut) excluant comme venin mortifère toute vilaine tache ou appétit bestial. […]
De Rome ce dernier jour de
Février
mil cinq cent septante deux.
Étienne DU TRONCHET,
Lettres amoureuses, Lyon, 1595,
épître dédicatoire (extrait), n.p.,
[Gallica, NUMM-79141, PDF_7_8]
(texte modernisé).
En ligne le 14/05/05.
Dernière révision le 11/11/23.