Touchez
Rien vous direz que sans corps il vous touche
Baisez-le vous direz qu’il touche votre bouche
MARIE ET JACQUES DE ROMIEU.
Les Dames Des Roches méritèrent aussi les éloges de Marie de Romieu, Demoiselle d’une famille noble du Vivarais [1]. Dans son Brief discours, en vers, où elle tâche de montrer, que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme, elle apporte en exemple les deux Muses de Poitiers, pour faire voir que les femmes sont aussi capables que les hommes de réussir et de se faire honneur dans l’étude des lettres. Les dames Des Roches sont en ce discours en fort bonne compagnie ; Marie de Romieu les y joignant avec toutes celles de son sexe dont parle l’Histoire Sacrée et Profane, qui se sont illustrées par leurs talents. Et ce n’est pas par ce seul endroit qu’elle s’efforce de prouver sa thèse. Elle trouve dans les femmes plus de douceur, de modestie, de candeur, de bonne foi que dans les hommes. Elle les venge de ce qu’on a coutume de dire contre leur pente à la passion de l’amour, et en rejette tout le mal, tout l’odieux sur l’homme. Elle ôte même à celui-ci la vanité qu’il tire de sa force, de son courage, de sa valeur, en lui opposant plusieurs héroïnes dont les faits d’armes ont encore surpassé ceux des héros les plus renommés.
Marie de Romieu entreprit ce Discours pour répondre à une satire contre les femmes que Jacques de Romieu, son frère, qui était alors à Paris, avait écrite et envoyée à leur oncle Perrinet Des Aubers, homme d’esprit et qui cultivait aussi la littérature dans le Vivarais. Elle adressa ce petit poème à son frère lui-même, par une courte Épître en prose, où l’on voit que la diversité des sentiments n’altérait point leur union. Jacques de Romieu applaudit au zèle de sa sœur, et fit imprimer son poème en 1581 à Paris, le dédiant à Marguerite de Lorraine Duchesse de Joyeuse, parce que la famille de Romieu était depuis longtemps attachée à la maison de Joyeuse.
Jacques joignit au discours de sa sœur, toutes les poésies que celle-ci avait déjà faites, et dont il avait des copies. C’est peu de chose. Ce sont deux Odes, environ 25 Sonnets, une Églogue amoureuse, une Élégie en faveur du Seigneur Gratian Maissonnier, son cousin, passionné de l’amour chaste et honnête de Lucrèce ; l’Épitaphe ou Élégie funèbre contenant l’éloge historique et circonstancié de Jean Chastelier, Seigneur de Milieu, Conseiller du Roi en son Conseil d’État, et Intendant de ses finances ; l’Éloge du Rien, imité du Latin de Jean Passerat, et envoyé pour Étrennes à Madame la Maréchale de Retz, dont l’esprit était très cultivé ; une Énigme, des Stances et autres petites pièces, presque toutes adressées à quelques Demoiselles de la famille de Chastelier ; et une Complainte de la mort de N. S. J. C. Mademoiselle de Romieu a fait encore d’autres poésies que son frère promettait pareillement de mettre au jour, mais qui n’ont point paru. La Croix-du-Maine, qui cite de la même, une Instruction en prose, pour les jeunes Dames, imprimée à lyon en 1573, dit qu’elle vivait encore en 1584.
[…]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XIII, 1752, pp. 272-275
[Gallica, NUMM-50656, PDF_298_301]
(texte modernisé).
Notes
[1] Les « vies » de Marie et Jacques de Romieu prennent place dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à une vingtaine de pages de distance de celles des Dames Des Roches de Poitiers.
Liens
Étude en ligne
* On peut lire en ligne une présentation de la vie et de l’œuvre de Marie de Romieu, par Claude La Charité, sur une page de la Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime (SIEFAR).
Liens valides au 08/03/24.
Textes en ligne
* On peut lire de Marie de Romieu le Bref discours, que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme, transcrit par Claude La Charité, sur une page de L’Officine de Mercure, site de l’atelier « Langue et littérature du XVIe siècle » de l’Université Paris IV.
Liens valides au 08/03/24.
* L’Université du Minnesota avait réalisé une sélection des Œuvres poétiques de Marie de Romieu, archivée aujourd’hui sur web.archive.org. Cette page était inscrite dans un projet de publications en ligne de textes, biographies et bibliographies de femmes écrivains françaises de l’Ancien Régime (early modern french women writers).
Liens valides au 08/03/24.
Le ciel voûté
n’a point tant de luisants brandons,
Comme l’on comptera de féminins mentons
Qui ont abandonné leurs caduques richesses
Et se sont faits au ciel immortelles Déesses.
En ligne le 23/04/05.
Dernière révision le 08/03/24.