HORACE (65-8 av. J.-C.)
Non semper imbres… (Odes, II, 9)
Paris, Claude Micard, 1584, ff. 47v° & 48v° [←Gallica].

Ad Valgium

Non semper imbres nubibus hispidos
Manant in agros, aut mare Caspium

Vexant inæquales procellæ
Vsque: nec Armeniis in oris

Amice Valgi stat glacies iners
Menses per omnes: aut aquilonibus

Querceta Gargani laborant,
Et foliis viduantur orni.

Tu semper vrges flebilibus modis
Mysten ademptum: nec tibi vespero

Surgente decedunt amores,
Nec rapidum fugiente solem.

At non ter aeuo functus amabilem
Plorauit omnes Antilochum senex

Annos: nec impubem parentes
Troilon, aut Phrygiæ sorores

Fleuere semper. Desine mollium
Tandem querelarum: & potius noua

Cantemus Augusti trophæa
Cæsaris, & rigidum Niphaten,

Medumque flumen gentibus additum
Victis, minores voluere vortices:

Intraque præscriptum Gelonos
Exiguis equitare campis.

Lyon, Sulpice Sabon, 1544, dizain CCCLVII, p. 163 [←Gallica].

Tousiours n’est pas la mer Egée trouble,
Et Tanais n’est point tous temps gelé:
Mais le malheur, qui mon mal me redouble,
Incessamment auecques luy meslé
S’encheinɇ ensemblɇ, & ainsi congelé
Me fait ardoir tant inhumainement,
Que quand par pleurs ie veulx soubdainement
Remedier a si grand’ amertume:
Voulant ma flammɇ estaindrɇ aulcunement,
Plus ie l’estains, & plus fort ie l’allume.

Paris, veuve Maurice de La Porte, 1552, Sonnets, p. 74 [←Gallica].

Tousiours des bois la syme n’est chargée,
Soubz les toysons d’vn hyuer éternel,
Tousiours des Dieux le fouldre criminel
Ne darde en bas sa menace enragée.

Tousiours les ventz, tousiours la mer d’Egée
Ne gronde pas d’vn orage cruel:
Mais de la dent d’vn soing continuel,
Tousiours tousiours ma vie est oultragée.

Plus ie me force à le vouloir tuer,
Plus il renaist pour mieux s’esuertuer
De féconder vne guerre en moymesme.

O fort Thebain, si ta serue vertu
Auoit encor ce monstre combatu,
Ce seroit bien de tes faitz le treiziesme.

Les Amours augmentées, « À Mellin de Saint-Gelais »,
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553, pp. 247-248 [←Gallica].

TOuiours ne tempeste enragée,
Contre ses bords la mer Egée,
Et touiours l’orage cruel
Des vens, comme vn foudre ne gronde
Elochant la voute du Monde
D’vn soufflement continuel:

Touiours l’hiuer de neiges blanches,
Des Pins n’enfarine les branches:
Et du haut Apennin, touiours
La gréle le dos ne martelle,
Et touiours la glace eternelle
Des fleuues ne bride le cours:

Touiours ne durent orgueilleuses
Les Pyramides sourcilleuses,
Contre la faus du tans vainqueur:
Aussi ne doit l’ire felonne,
Qui de son fiel nous empoisonne,
Durer touiours dedans vn cœur.

Rien sous le ciel ferme ne dure:
Telles lois la sage Nature
Arresta dans ce monde, alors
Que Pyrrhe épandoit sus la terre
Nos aieus conceus d’une pierre

S’amolissante en nouueaus cors.

[…] 

Poitiers, les Marnef et Bouchet, frères, 1555, pp. 27-28 [←Gallica].

[…] 

le chœvr.

Tou–iours le vant tempêtant,
Sur la Mer AEgée,
Ne va l’onde tourmantant
De rage enragée :

Et de l’eau fiere l’effort
Qui tanse sa riue,
N’empêche tou–iours qu’au port
La barque n’arriue.

Mais la tranquilité suit
En son ranc l’orage,
Et tou–iours sur Mer ne bruit
La vanteuse rage.

Le Iour chassé de la Nuit
Fait place à la Lune,
Puis encor le Soleil luit
Chassant la Nuit brune.

Sous le Ciel les choses sont
Toutes inconstantes,
Et par ranc vont & reuont
Leur ordre chang’antes.

Mais Médée ta rigueur
Constante demeure
Et prant nouuelle vigueur
Croissant d’heure en heure.

[…] 

Paris, Vincent Sertenas, 1557, sonnet VIII, f° 5r° [←Gallica].

Tousiours la peste aux Grecs ne decoche Apollon,
Quelque fois il s’esbat à sonner de la lyre,
Quelque fois sur la mer bon vent a le nauire
Et tousiours ne court pas vn oraige felon,

Tousiours l’honneur des champs ne despouille Aquilon
Quelque fois vn printemps nous rameine Zephire,
Tosiours ne tonne pas aux montagnes d’Epire.
Et quelque fois le ciel est sans nul tourbillon.

Les deux freres iumeaulx l’vn apres l’autre viuent,
Et les saisons de l’an par ordre s’entresuyuent
Comme le clair iour suyt la tenebreuse nuict:

Bref toute chose au monde ou se change ou se passe,
Si ce n’est le malheur qu’vn Rousseau ne pourchasse
Qui tousiours sans repos me tourmente et me suyt.

La Bergerie, « Ode à la paix » [strophes 1-2],
Paris, Gilles Gilles, 1565, pp. 13-14 [←Gallica].

Laisse le ciel belle Astree,
En France tant desiree,
Vien faire icy ton seiour,
A ton tour,
Assez les flammes ciuiles
Ont couru dedans nos villes,
Sous le fer, & la fureur,
Assez la palle famine,
Et la peste & la ruïne,
Ont ébranlé ton bonheur.

Le rocher, ny la tempeste,
Tousiours ne pend sur la teste
Du pillote pallissant,
Fremissant,
La nüe espaisse en fumee,
Tousiours ne se fand armee
De feu, de souffre, & d’éclair,
Quelquefois apres l’orage
Elle fourbist le nuage,
Et le rend luysant & clair.

[…] 

Œuvres en rime, Les Amours, Diverses Amours,
Paris, Lucas Breyer, 1573, livre I, f° 175r° [←Gallica].

Ore de mal en bien se veut tourner la chance,
Qui par vn trop long temps a duré contre moy:
Il faut vne autre fois essayer si ma foy
Pourroit bien rencontrer heureuse recompense.

Tousiours la mer grondant contre vn vaisseau ne tance:
L’air serain du fort temps chasse le triste effroy,
Et le Printemps l’Hyuer : le retour doux & coy
De l’amiable paix suit des guerres l’outrance.

Tousiours le flot contraire à ma nef ne sera,
Mais bien tost vn bon vent ses voiles enflera,
Qui la fera surgir à son port desirable.

Tel doux espoir me vient de la gaye douceur,
Qui me rit fauorable en cest œil rauisseur,
De viure autant heureux qu’ay vescu miserable.

Paris, Guillaume Chaudière, 1574, III, 77, f° 67r° [←Gallica].

TOusiours au plain des champs ne tombe le malheur
Tousiours Ceres ne pert ses cheueux aux campagnes
Tousiours n’est foudroyé le pampre des montagnes
Et tousiours l’arbre n’est despouillé de sa fleur.

Tosiours Pales ne pert dans les prez sa couleur
Tousiours ne ment le gland les mois ny les chastaignes
Tousiours ne vient le loup aux camuses compagnes
Et tousiours n’est sur pié le meurtrier ou volleur.

Tousiours l’apparilleur la grange ne despouille
Le gendarme tousiours dans le coffre ne fouille
Et tousiours l’vsurier ne tient son parchemin.
Bref en tous temps le ciel ne darde sur la teste
Du simple vilageois son feu ny sa tempeste
Et en tout temps le mal ne le guette au chemin.

Paris, Mammert Parisson, 1575, Artémis, f° 194v° [←Gallica].

Combien que l’Ocean plein de diuinité
Reçoiue le tribut des ruisseaux & fontaine,
Bien que fleuues & lacs se roulent en sa Plaine,
Le reconnoissant pere à leur eternité:

Pourtant il n’est tousiours superbe ou dépité,
Tousiours encontre l’air il n’enfle son haleine,
Et batant ses deux bords tousiours il ne forcene,
Et n’abysme tousiours le Nauire emporté.

Mais l’orgueil impiteux de tes beautez altieres
Ocean de beauté, s’accroist de mes prieres,
Et du tribut des pleurs & soupirs que i’espans:

Si bien que dessus moy s’exerçant ton Empire
Ta cruauté sans treue, agite, roule, & vire
En tempeste d’amour la file de mes ans.

Les Œuvres poétiques, livre I, « Hymne au Roi » [extrait],
Paris, Abel L’Angelier, 1578, f° 30v° [←Gallica].

[…] 

Rien ne dure tousiours, tout se change & se tourne,
Et le bien & le mal plus d’vn temps ne seiourne:
Tousiours les Aquilons n’esbranlent les rochers,
Tousiours l’ireuse mer n’engloutit les Nochers,
Tousiours l’air espaissi d’orage & de tonnerre
De gresle à petis bons ne refrappe la terre:
Tousiours il ne fait chaut, & tousiours arriuer
On ne voit sur les monts les bruines d’hyuer:
Tousiours le Tout-voyant, de sa dextre puissante
Ne brandit sur noz chefs la foudre punissante:
Et tousiours sa senestre abondante en bon heur,
Ne nous verse les biens dont il est le donneur.

[…] 

Paris, Abel L’Angelier, 1578, II, Amours, XCIX, f° 57v° [←Gallica].

Tousiours de Iupiter le foudroyant tonnerre,
N’escorne estincelant les Rocs fermeplantez:
Tousiours des monts bruslans les gosiers esuentez,
N’emplissent l’air de flame & de cendre la Terre:

Tousiours l’Austre mutin les grands sapins n’atterre,
Tousiours des flots hideux les Cieux ne sont hantez,
Et tousiours des mortels les cueurs espouuentez,
Ne fremissent au choc qu’vn orage desserre:

Tousiours l’alme Soleil loing de noz yeux ne luit,
Tousiours nous ne voyons les horreurs de la nuict,
Et tousiours les enfers ne s’agrauent d’encombres:

Tout change quelquefois dessous le firmament,
Le calme suit l’orage & la clairté les ombres,
Mais mon mal-heureux sort dure eternellement.

Nouvelles Œuvres, Contramours,
Paris, Jean Parant, 1582, Chanson, pp. 187-188 [←Gallica].

Touiour le sein de la pleureuse Hyade,
Le goubeau frais de l’Echanson Troien
Ioignant à soi la baueuse Pleiade,
Ne vont noïant notre val terrien.

Mais à la fin la campagne ecumeuse
Tarit les pleurs d’Electre & de ses sœurs,
Et de Titan la face radieuse
Change en nos près ces moites pleurs en fleurs.

Sur le nocher le mari d’Orithie
Touiour ne bouffe vn gosier briseroc:
L’âpre Mauors, verse-sang, ote-vie
Touiour n’afile vn furieus estoc.

Le temple saint du dieu double visage
N’ouure touiour à Bellone ses huis :
L’oliue en fin de Minerue la sage
Des fiers canons étoupe les pertuis.

Aprés auoir sué par meintes Lunes
Soùs le harnois du boutefeu Amour,
Aiant pleuré tant de nuis importunes
L’Eclipse honteus de mon printanier jour:

En fin en fin sainte Eleutherillide
Demantelant mon gros air epoissi
Ouure l’oreille à ma troupe Aonide
Dardant chez moi vn beau rais eclairci.

[…] 

Anvers, Christofle Plantin, 1583, livre II, p. 91 [←Gallica].

Tovsiovrs le Dieu qui son tonerre gette,
N’attaint les montz d’Epire au long sourcy:
Pour se vanger sans respit, ou mercy,
Phœbus encor les Gregeoys ne sagette.

Courbant son arc, & laschant sa sagette,
Diane aussi l’amour, & le soucy,
De ses foretz, au tempz mesme adoucy
N’est à chasser incessament sugette.

Donques pourquoy mon desastre, & mon soing,
De mal en pis tousiours s’estend plus loing?
Qui peut causer sa rage, & felonie?

C’est mon Destin, qui prolixe & subtil,
De mes trauaus allonge ainsi le fil:
Et moins i’ay d’heur, & plus d’aise me nie!

Les Œuvres poétiques, Amours, livre I,
Paris, Jean Huguetan, 1583, LXXIII, p. 52 [←Gallica].

Le tonnerre pressé d’vn brusque tremblement,
N’eslance pas tousiours sa roideur enflammee,
Le nauire sautant sur la mer agitee
N’est tousiours engoufré par le flot ondoyant:

Les Autans forcenez d’vn rude esbranlement,
N’entremeslent tousiours leur force courroucee,
L’hiuernale blancheur de la neige glacee,
Sur les pins esleuez ne va tousiours roulant.

Ainsi ie ne crois point que l’aigreur soucieuse,
Qui seme dans mon cœur vne humeur douloureuse,
Perseuere tousiours à geiner mes esprits.

Vn temps viendra bien tost qui vuide de misere,
Serenant les eforts de ma tristesse amere,
Apaisera l’horreur du mal qui m’a surpris.

Genève, Jean Durant, 1584, Acte I, pp. 5-6 [←Gallica].

Le Cœur des Soldats.

Tousiours le front de noz Montagnes,
N’est pas de neige enfariné,
Tousiours le fond de nos campagnes
De fleurs on ne voit couronné,
Tousiours un mesme temps ne dure
Apres le chaut vient la froideur,
Apres nostre heur quelque malheur
Nous doit talonner à mesure.

Tousiours la nuict est successiue
A la claire torche du iour,
Bien que la pluye soit tardiue
Si suit elle pourtant tousiour,
Le plus beau temps qui nous serene:
Apres le prin-temps vient l’hiuer,
Apres la faueur arriuer
On voit la disgrace soudaine.

On a veu long temps nos cuirasses
Toutes oisiues pendre aux crocs,
Enrouillees nos coutelaces
Et tout espointez nos estocs,
Il est à craindre que Bellone
Ne rompe nostre longue paix,
Nous en voyons ia les efets
Par les troubles qu’elle nous donne.

[…] 

Paris, Thomas Perier, 1585, Élégies, VI [début], f° 63r° [←Gallica].

DV vagueux Ocean les ondes alterees
,, Ne menacent tousiours les voutes ætherees:
,, Tousiours, des mons Riphe’s les sourcilleux coupeaux
,, De maints floccons négeux ne tissent leurs manteaux,
,, Tousiours du noir Autan la flottante Criniere
,, Ne noye les guerets de Ceres la bletiere.
,, Tousiours on ne voit pas de l’Hyuer les glassons,
,, Ny de l’ardent Esté les vtiles moissons,
,, Le Nocher infernal souuente-fois se lasse,
,, Et outre l’Acheron tousiours Manes ne passe.

En fin l’accez fieureux qui furetoit mes os
Me faisant oublier & repas & repos,
Meine mon mal à riue, & sauué du naufrage
Ie couronne ma poupe en l’asseuré riuage.

[…] 

L’Apollon, « plainte amoureuse » [strophes 2 et 3],
Lyon, Pierre Roussin, 1587, f° 58r° [←Gallica].

[…] 

La mer n’est pas tousjours agitée de flots,
Et tousjours il ne nége aus plus hautes montagnes,
Les vens sont quelque fois au fond de l’air enclos,
Sans cesse le Soleil ne brusle les campagnes:
Mais jamais je ne voi qu’vn dous allegement
Mette fin à mes pleurs, à mon sì grief tourment.

Ce beau Printemps fleuri perdra plus tost ses fleurs,
Plus tost la nuit sera sans estoilles luisantes,
Que je voie secher les torrens de mes pleurs,
Que je voie vne fin de mes peines cuisantes;
Plus tost le feu sera sans aucune chaleur,
Que t’émeuuent les crìs de ma triste douleur.

[…] 

Besançon, Nic. de Moingesse, 1594, CCXXVII, p. 195 [←Gallica].

TOvsiovrs des vens esmeus les soupirs mutinez

Soufflant diuersement ne troublent de Neptune
De contraires effors la demeure commune,
Donnant quelque relasche à leurs cours forcenez:

D’eus mesmes se deffont les mal-heurs obstinez,
Et bien que la vertu demeure tousiours vne
Entre les changemens de l’instable fortune,
Tousiours ne sont heureus les hommes fortunez.

La vertu domte tout & parmi la tourmente
Des accidens mondains tranquille & permanente
Enuoyee en exil ne bouge de son lieu.

Elle luit de soy-mesme & pour la calomnie
Des menteurs mesdisans sa fleur ne chet fanie
Fuyant l’extremité pour loger au milieu.

Les Premières Idées d’Amour, Les Amours d’Europe,
Orléans, Fabian Horot, 1599, II, sonnet 37, p. 64 [←Gallica].

Tousiours le Dieu de l’air forcené de courroux
N’esclatte contre nous l’horreur de son tonnerre,
Tousiours le Chien ardent ne creuasse la terre,
Aeole ne foudroye incessamment sur nous.

Neptune, le principe & le pere de tous,
Boursoufflé ça & là tousiours ne se deserre,
Tousiours le froid hyuer les ondes ne reserre,
Et l’Aurore tousiours ne fuit son vieil espoux.

L’on ne voit rien de seur en ce terrestre monde,
Vne chose fuit l’autre, ainsy qu’vne onde vne onde,
Le ciel mesme inconstant se vire en mille tours.

Ainsin incessamment ie n’auray de la peine,
Si ma maistresse est rude, elle sera humaine,
Or’ le subiect de maux, puis celuy des amours.

Les Œuvres, Le Spirituel, Les Muses célestes,
Poitiers, Jean de Marnef, 1601, f° 236v° [←Gallica].

LA neige n’est tousiours sur le chef des montagnes,
La gresle sans cesser ne fracasse les toicts,
La foudre n’atteinct pas tousiours l’hostel des Rois,
L’eau ne couure en tout temps la face des campagnes.

Mais comme le Soleil des Indes aux Hespagnes,
Puis de l’Hespagne, à l’Inde, & la mere des mois
Vont & viennent par rang, ne luisans à la fois,
La Prime suit la Brume, & vont comme compagnes.

Le mal n’accourt en gresle ainsi l’homme assaillir,
Comme neige l’ennuy ne fait son front pallir,
Et l’eau d’angoisse à mort ne le noye sans cesse.

Mais comme toute chose, a son temps, en saison
Bien nous vient apres mal. Tout ainsi par raison
Apres mon iuste dueil vient ma saincte liesse.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, XVII, f° 5r° [←Gallica].

’’   Toute chose prend fin, tout est suiet au change,
’’Tout se perd dans le cours du destin inconstant,
’’Rien ne se void ça bas de ferme & de constant
’’Que le tans à la fin ne tourne & ne mélange.

L’Yuer pour quelque tans se retire & s’estrange,
L’Austre ne va tousiours dans l’onde grommelant
Le foudre en mesme lieu n’est tousiours éclatant,
Tousiours l’horrible Mars aus combats ne se range.

Le tans dissipe tout: il n’est pin orgueilleus,
Ni Palais si hautain, ni roc tant sourcilleus,
Que la force du tans enfin ne déracine,
Bref l’Automne, l’Esté, l’Yuer & le Printans,
Changent tous de saison, l’âge change le tans,
Mais rien ne peut changer la rigueur d’Ericine.

L’Amour victorieux, Sonnets de l’Harmonie,
Paris, Gilles Robinot, 1609, VII, ff. 124v°-125r° [←Gallica].

Tousiours la nuit obscuremant profonde
N’étreint le iour de son voile oublieus:
Tousiours en mer l’orage imperieus
Contre la riue écumant ne redonde.

Tousiours le vant deça, dela ne gronde
Par les foraîs, tousiours l’ire des Cieus
Ne fait trambler, d’vn soufle iniurieus,
En toutes pars la fabrique du monde.

L’orage atire aprés soy le beau tans:
Le froid Hyuer est suiuy du Printans,
Et l’Eté suit la belle Primeuere:

L’Autone vient sur les pas de l’Eté,
L’Hyuer retourne, ainsi (belle) i’espere
Que mon tourmant se verra limité.

Sedan, Jean Jannon, 1620, I, « veille d’une nuit », p. 19 [←Gallica].

R

SAns fin les vents esmeus n’agitent pas l’eschine
De l’ocean moiteux : & du haut tempestant
N’est l’indignation dans les monts esclatant
Sans fin ses coups, ses feux, sa vengeance diuine :

Il n’est pas dit aussi que celle qui domine
Dessus tes passions, en fin n’aille abatant
Ceste folle hautesse & ce desdain, qui tant
Ta face diminue & ta liesse mine.

Attendant quoy, Amy, vien t’en iusques icy,
Vien auec mes demons, & chasse tout souci :
Au moins tien bonne mine, & ne fay plus l’esclaue.

Maint gay demon t’attend, fantastic & ioyeux,
Et mainte belle Nymphe en chemise se laue,
Afin qu’elle te noye en l’appast de ses yeux.

Paris et Alger, Louis Hachette, 1847, pp. 177 & 179 [←Gallica].

À Valgius

Les pluies ne se déversent pas tou­jours des nuages sur les champs hirsutes, et la mer Cas­pienne, les vents capri­cieux ne la tour­mentent pas tou­jours, et dans les contrées d’Armé­nie non plus,

ami Valgius, ne reste pas figée la glace pa­res­seuse tous les mois de l’année, pas plus que sous les Aqui­lons les chênes du Gar­gan ne va­cillent, ni de leurs feuilles ne sont vi­dés les ornes.

Mais toi, tu pour­suis tou­jours de ta voix plain­tive Mystès qui t’a été ravi ; toi, que Vesper se lève ou qu’il fuie le So­leil hâ­tant son cours, la même pas­sion reste en toi.

Pourtant le vieil­lard qui vé­cut trois vies ne pleura pas toutes ces années son ai­mable Anti­loque ; et l’en­fant Troïlus, ses pa­rents et ses sœurs phry­giennes

ne le pleu­rèrent pas tou­jours. Cesse enfin tes plaintes lan­guis­santes et chan­tons plu­tôt les nou­veaux tro­phées de Cé­sar : et le Ni­phate indo­cile,

et le fleuve de Mé­die ajou­té aux peuples vain­cus, qui roulent des tour­bil­lons amoin­dris, et les Gé­lons qui n’élancent plus leurs chevaux que sur les terres étroites qu’on leur a pres­crites.

























Paris et Alger, Louis Hachette, 1847, pp. 177 et 179 [←Gallica].

À Valgius

Les pluies ne se déversent pas tou­jours des nuages sur les champs hir­sutes, et la mer Cas­pienne, les vents capri­cieux ne la tour­mentent pas tou­jours, et dans les contrées d’Armé­nie non plus,

ami Valgius, ne reste figée la glace pa­res­seuse tous les mois de l’année, pas plus que sous les Aqui­lons les chênes du Gar­gan ne va­cillent, ni de leurs feuilles ne sont vi­dés les ornes.

Mais toi, tou­jours, tu pour­suis de ta voix plain­tive Mys­tès qui t’a été ravi ; toi, que Vesper se lève ou qu’il fuie le So­leil hâ­tant son cours, la même pas­sion reste en toi.

Pourtant le vieil­lard qui vé­cut trois vies ne pleura pas toutes ces années son ai­mable Anti­loque ; et l’en­fant Troïlus, ses pa­rents et ses sœurs phry­giennes

ne le pleu­rèrent pas tou­jours. Cesse enfin tes plaintes lan­guis­santes et chan­tons plu­tôt les nou­veaux tro­phées de Cé­sar : et le Ni­phate indo­cile,

et le fleuve de Mé­die ajou­té aux peuples vain­cus, qui roulent des tour­bil­lons amoin­dris, et les Gé­lons qui n’élancent plus leurs chevaux que sur les terres étroites qu’on leur a pres­crites.

Lyon, Sulpice Sabon, 1544, dizain CCCLVII, p. 163 [←Gallica].

Tousiours n’est pas la mer Egée trouble,
Et Tanais n’est point tous temps gelé:
Mais le malheur, qui mon mal me redouble,
Incessamment auecques luy meslé
S’encheinɇ ensemblɇ, & ainsi congelé
Me fait ardoir tant inhumainement,
Que quand par pleurs ie veulx soubdainement
Remedier a si grand’ amertume:
Voulant ma flammɇ estaindrɇ aulcunement,
Plus ie l’estains, & plus fort ie l’allume.

Paris, veuve Maurice de La Porte, 1552, Sonnets, p. 74 [←Gallica].

Tousiours des bois la syme n’est chargée,
Soubz les toysons d’vn hyuer éternel,
Tousiours des Dieux le fouldre criminel
Ne darde en bas sa menace enragée.

Tousiours les ventz, tousiours la mer d’Egée
Ne gronde pas d’vn orage cruel:
Mais de la dent d’vn soing continuel,
Tousiours tousiours ma vie est oultragée.

Plus ie me force à le vouloir tuer,
Plus il renaist pour mieux s’esuertuer
De féconder vne guerre en moymesme.

O fort Thebain, si ta serue vertu
Auoit encor ce monstre combatu,
Ce seroit bien de tes faitz le treiziesme.

Les Amours augmentées, « À Mellin de Saint-Gelais »,
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553, pp. 247-248 [←Gallica].

TOuiours ne tempeste enragée,
Contre ses bords la mer Egée,
Et touiours l’orage cruel
Des vens, comme vn foudre ne gronde
Elochant la voute du Monde
D’vn soufflement continuel:

Touiours l’hiuer de neiges blanches,
Des Pins n’enfarine les branches:
Et du haut Apennin, touiours
La gréle le dos ne martelle,
Et touiours la glace eternelle
Des fleuues ne bride le cours:

Touiours ne durent orgueilleuses
Les Pyramides sourcilleuses,
Contre la faus du tans vainqueur:
Aussi ne doit l’ire felonne,
Qui de son fiel nous empoisonne,
Durer touiours dedans vn cœur.

Rien sous le ciel ferme ne dure:
Telles lois la sage Nature
Arresta dans ce monde, alors
Que Pyrrhe épandoit sus la terre
Nos aieus conceus d’une pierre

S’amolissante en nouueaus cors.

[…] 

Poitiers, les Marnef et Bouchet, frères, 1555, pp. 27-28 [←Gallica].

[…] 

le chœvr.

Tou–iours le vant tempêtant,
Sur la Mer AEgée,
Ne va l’onde tourmantant
De rage enragée :

Et de l’eau fiere l’effort
Qui tanse sa riue,
N’empêche tou–iours qu’au port
La barque n’arriue.

Mais la tranquilité suit
En son ranc l’orage,
Et tou–iours sur Mer ne bruit
La vanteuse rage.

Le Iour chassé de la Nuit
Fait place à la Lune,
Puis encor le Soleil luit
Chassant la Nuit brune.

Sous le Ciel les choses sont
Toutes inconstantes,
Et par ranc vont & reuont
Leur ordre chang’antes.

Mais Médée ta rigueur
Constante demeure
Et prant nouuelle vigueur
Croissant d’heure en heure.

[…] 

Paris, Vincent Sertenas, 1557, sonnet VIII, f° 5r° [←Gallica].

Tousiours la peste aux Grecs ne decoche Apollon,
Quelque fois il s’esbat à sonner de la lyre,
Quelque fois sur la mer bon vent a le nauire
Et tousiours ne court pas vn oraige felon,

Tousiours l’honneur des champs ne despouille Aquilon
Quelque fois vn printemps nous rameine Zephire,
Tosiours ne tonne pas aux montagnes d’Epire.
Et quelque fois le ciel est sans nul tourbillon.

Les deux freres iumeaulx l’vn apres l’autre viuent,
Et les saisons de l’an par ordre s’entresuyuent
Comme le clair iour suyt la tenebreuse nuict:

Bref toute chose au monde ou se change ou se passe,
Si ce n’est le malheur qu’vn Rousseau ne pourchasse
Qui tousiours sans repos me tourmente et me suyt.

La Bergerie, « Ode à la paix » [strophes 1-2],
Paris, Gilles Gilles, 1565, pp. 13-14 [←Gallica].

Laisse le ciel belle Astree,
En France tant desiree,
Vien faire icy ton seiour,
A ton tour,
Assez les flammes ciuiles
Ont couru dedans nos villes,
Sous le fer, & la fureur,
Assez la palle famine,
Et la peste & la ruïne,
Ont ébranlé ton bonheur.

Le rocher, ny la tempeste,
Tousiours ne pend sur la teste
Du pillote pallissant,
Fremissant,
La nüe espaisse en fumee,
Tousiours ne se fand armee
De feu, de souffre, & d’éclair,
Quelquefois apres l’orage
Elle fourbist le nuage,
Et le rend luysant & clair.

[…] 

Œuvres en rime, Les Amours, Diverses Amours,
Paris, Lucas Breyer, 1573, livre I, f° 175r° [←Gallica].

Ore de mal en bien se veut tourner la chance,
Qui par vn trop long temps a duré contre moy:
Il faut vne autre fois essayer si ma foy
Pourroit bien rencontrer heureuse recompense.

Tousiours la mer grondant contre vn vaisseau ne tance:
L’air serain du fort temps chasse le triste effroy,
Et le Printemps l’Hyuer : le retour doux & coy
De l’amiable paix suit des guerres l’outrance.

Tousiours le flot contraire à ma nef ne sera,
Mais bien tost vn bon vent ses voiles enflera,
Qui la fera surgir à son port desirable.

Tel doux espoir me vient de la gaye douceur,
Qui me rit fauorable en cest œil rauisseur,
De viure autant heureux qu’ay vescu miserable.

Paris, Guillaume Chaudière, 1574, III, 77, f° 67r° [←Gallica].

TOusiours au plain des champs ne tombe le malheur
Tousiours Ceres ne pert ses cheueux aux campagnes
Tousiours n’est foudroyé le pampre des montagnes
Et tousiours l’arbre n’est despouillé de sa fleur.

Tosiours Pales ne pert dans les prez sa couleur
Tousiours ne ment le gland les mois ny les chastaignes
Tousiours ne vient le loup aux camuses compagnes
Et tousiours n’est sur pié le meurtrier ou volleur.

Tousiours l’apparilleur la grange ne despouille
Le gendarme tousiours dans le coffre ne fouille
Et tousiours l’vsurier ne tient son parchemin.
Bref en tous temps le ciel ne darde sur la teste
Du simple vilageois son feu ny sa tempeste
Et en tout temps le mal ne le guette au chemin.

Paris, Mammert Parisson, 1575, Artémis, f° 194v° [←Gallica].

Combien que l’Ocean plein de diuinité
Reçoiue le tribut des ruisseaux & fontaine,
Bien que fleuues & lacs se roulent en sa Plaine,
Le reconnoissant pere à leur eternité:

Pourtant il n’est tousiours superbe ou dépité,
Tousiours encontre l’air il n’enfle son haleine,
Et batant ses deux bords tousiours il ne forcene,
Et n’abysme tousiours le Nauire emporté.

Mais l’orgueil impiteux de tes beautez altieres
Ocean de beauté, s’accroist de mes prieres,
Et du tribut des pleurs & soupirs que i’espans:

Si bien que dessus moy s’exerçant ton Empire
Ta cruauté sans treue, agite, roule, & vire
En tempeste d’amour la file de mes ans.

Les Œuvres poétiques, livre I, « Hymne au Roi » [extrait],
Paris, Abel L’Angelier, 1578, f° 30v° [←Gallica].

[…] 

Rien ne dure tousiours, tout se change & se tourne,
Et le bien & le mal plus d’vn temps ne seiourne:
Tousiours les Aquilons n’esbranlent les rochers,
Tousiours l’ireuse mer n’engloutit les Nochers,
Tousiours l’air espaissi d’orage & de tonnerre
De gresle à petis bons ne refrappe la terre:
Tousiours il ne fait chaut, & tousiours arriuer
On ne voit sur les monts les bruines d’hyuer:
Tousiours le Tout-voyant, de sa dextre puissante
Ne brandit sur noz chefs la foudre punissante:
Et tousiours sa senestre abondante en bon heur,
Ne nous verse les biens dont il est le donneur.

[…] 

Paris, Abel L’Angelier, 1578, II, Amours, XCIX, f° 57v° [←Gallica].

Tousiours de Iupiter le foudroyant tonnerre,
N’escorne estincelant les Rocs fermeplantez:
Tousiours des monts bruslans les gosiers esuentez,
N’emplissent l’air de flame & de cendre la Terre:

Tousiours l’Austre mutin les grands sapins n’atterre,
Tousiours des flots hideux les Cieux ne sont hantez,
Et tousiours des mortels les cueurs espouuentez,
Ne fremissent au choc qu’vn orage desserre:

Tousiours l’alme Soleil loing de noz yeux ne luit,
Tousiours nous ne voyons les horreurs de la nuict,
Et tousiours les enfers ne s’agrauent d’encombres:

Tout change quelquefois dessous le firmament,
Le calme suit l’orage & la clairté les ombres,
Mais mon mal-heureux sort dure eternellement.

Nouvelles Œuvres, Contramours,
Paris, Jean Parant, 1582, Chanson, pp. 187-188 [←Gallica].

Touiour le sein de la pleureuse Hyade,
Le goubeau frais de l’Echanson Troien
Ioignant à soi la baueuse Pleiade,
Ne vont noïant notre val terrien.

Mais à la fin la campagne ecumeuse
Tarit les pleurs d’Electre & de ses sœurs,
Et de Titan la face radieuse
Change en nos près ces moites pleurs en fleurs.

Sur le nocher le mari d’Orithie
Touiour ne bouffe vn gosier briseroc:
L’âpre Mauors, verse-sang, ote-vie
Touiour n’afile vn furieus estoc.

Le temple saint du dieu double visage
N’ouure touiour à Bellone ses huis :
L’oliue en fin de Minerue la sage
Des fiers canons étoupe les pertuis.

Aprés auoir sué par meintes Lunes
Soùs le harnois du boutefeu Amour,
Aiant pleuré tant de nuis importunes
L’Eclipse honteus de mon printanier jour:

En fin en fin sainte Eleutherillide
Demantelant mon gros air epoissi
Ouure l’oreille à ma troupe Aonide
Dardant chez moi vn beau rais eclairci.

[…] 

Anvers, Christofle Plantin, 1583, livre II, p. 91 [←Gallica].

Tovsiovrs le Dieu qui son tonerre gette,
N’attaint les montz d’Epire au long sourcy:
Pour se vanger sans respit, ou mercy,
Phœbus encor les Gregeoys ne sagette.

Courbant son arc, & laschant sa sagette,
Diane aussi l’amour, & le soucy,
De ses foretz, au tempz mesme adoucy
N’est à chasser incessament sugette.

Donques pourquoy mon desastre, & mon soing,
De mal en pis tousiours s’estend plus loing?
Qui peut causer sa rage, & felonie?

C’est mon Destin, qui prolixe & subtil,
De mes trauaus allonge ainsi le fil:
Et moins i’ay d’heur, & plus d’aise me nie!

Les Œuvres poétiques, Amours, livre I,
Paris, Jean Huguetan, 1583, LXXIII, p. 52 [←Gallica].

Le tonnerre pressé d’vn brusque tremblement,
N’eslance pas tousiours sa roideur enflammee,
Le nauire sautant sur la mer agitee
N’est tousiours engoufré par le flot ondoyant:

Les Autans forcenez d’vn rude esbranlement,
N’entremeslent tousiours leur force courroucee,
L’hiuernale blancheur de la neige glacee,
Sur les pins esleuez ne va tousiours roulant.

Ainsi ie ne crois point que l’aigreur soucieuse,
Qui seme dans mon cœur vne humeur douloureuse,
Perseuere tousiours à geiner mes esprits.

Vn temps viendra bien tost qui vuide de misere,
Serenant les eforts de ma tristesse amere,
Apaisera l’horreur du mal qui m’a surpris.

Genève, Jean Durant, 1584, Acte I, pp. 5-6 [←Gallica].

Le Cœur des Soldats.

Tousiours le front de noz Montagnes,
N’est pas de neige enfariné,
Tousiours le fond de nos campagnes
De fleurs on ne voit couronné,
Tousiours un mesme temps ne dure
Apres le chaut vient la froideur,
Apres nostre heur quelque malheur
Nous doit talonner à mesure.

Tousiours la nuict est successiue
A la claire torche du iour,
Bien que la pluye soit tardiue
Si suit elle pourtant tousiour,
Le plus beau temps qui nous serene:
Apres le prin-temps vient l’hiuer,
Apres la faueur arriuer
On voit la disgrace soudaine.

On a veu long temps nos cuirasses
Toutes oisiues pendre aux crocs,
Enrouillees nos coutelaces
Et tout espointez nos estocs,
Il est à craindre que Bellone
Ne rompe nostre longue paix,
Nous en voyons ia les efets
Par les troubles qu’elle nous donne.

[…] 

Paris, Thomas Perier, 1585, Élégies, VI [début], f° 63r° [←Gallica].

DV vagueux Ocean les ondes alterees
,, Ne menacent tousiours les voutes ætherees:
,, Tousiours, des mons Riphe’s les sourcilleux coupeaux
,, De maints floccons négeux ne tissent leurs manteaux,
,, Tousiours du noir Autan la flottante Criniere
,, Ne noye les guerets de Ceres la bletiere.
,, Tousiours on ne voit pas de l’Hyuer les glassons,
,, Ny de l’ardent Esté les vtiles moissons,
,, Le Nocher infernal souuente-fois se lasse,
,, Et outre l’Acheron tousiours Manes ne passe.

En fin l’accez fieureux qui furetoit mes os
Me faisant oublier & repas & repos,
Meine mon mal à riue, & sauué du naufrage
Ie couronne ma poupe en l’asseuré riuage.

[…] 

L’Apollon, « plainte amoureuse » [strophes 2 et 3],
Lyon, Pierre Roussin, 1587, f° 58r° [←Gallica].

[…] 

La mer n’est pas tousjours agitée de flots,
Et tousjours il ne nége aus plus hautes montagnes,
Les vens sont quelque fois au fond de l’air enclos,
Sans cesse le Soleil ne brusle les campagnes:
Mais jamais je ne voi qu’vn dous allegement
Mette fin à mes pleurs, à mon sì grief tourment.

Ce beau Printemps fleuri perdra plus tost ses fleurs,
Plus tost la nuit sera sans estoilles luisantes,
Que je voie secher les torrens de mes pleurs,
Que je voie vne fin de mes peines cuisantes;
Plus tost le feu sera sans aucune chaleur,
Que t’émeuuent les crìs de ma triste douleur.

[…] 

Besançon, Nic. de Moingesse, 1594, CCXXVII, p. 195 [←Gallica].

TOvsiovrs des vens esmeus les soupirs mutinez

Soufflant diuersement ne troublent de Neptune
De contraires effors la demeure commune,
Donnant quelque relasche à leurs cours forcenez:

D’eus mesmes se deffont les mal-heurs obstinez,
Et bien que la vertu demeure tousiours vne
Entre les changemens de l’instable fortune,
Tousiours ne sont heureus les hommes fortunez.

La vertu domte tout & parmi la tourmente
Des accidens mondains tranquille & permanente
Enuoyee en exil ne bouge de son lieu.

Elle luit de soy-mesme & pour la calomnie
Des menteurs mesdisans sa fleur ne chet fanie
Fuyant l’extremité pour loger au milieu.

Les Premières Idées d’Amour, Les Amours d’Europe,
Orléans, Fabian Horot, 1599, II, sonnet 37, p. 64 [←Gallica].

Tousiours le Dieu de l’air forcené de courroux
N’esclatte contre nous l’horreur de son tonnerre,
Tousiours le Chien ardent ne creuasse la terre,
Aeole ne foudroye incessamment sur nous.

Neptune, le principe & le pere de tous,
Boursoufflé ça & là tousiours ne se deserre,
Tousiours le froid hyuer les ondes ne reserre,
Et l’Aurore tousiours ne fuit son vieil espoux.

L’on ne voit rien de seur en ce terrestre monde,
Vne chose fuit l’autre, ainsy qu’vne onde vne onde,
Le ciel mesme inconstant se vire en mille tours.

Ainsin incessamment ie n’auray de la peine,
Si ma maistresse est rude, elle sera humaine,
Or’ le subiect de maux, puis celuy des amours.

Les Œuvres, Le Spirituel, Les Muses célestes,
Poitiers, Jean de Marnef, 1601, f° 236v° [←Gallica].

LA neige n’est tousiours sur le chef des montagnes,
La gresle sans cesser ne fracasse les toicts,
La foudre n’atteinct pas tousiours l’hostel des Rois,
L’eau ne couure en tout temps la face des campagnes.

Mais comme le Soleil des Indes aux Hespagnes,
Puis de l’Hespagne, à l’Inde, & la mere des mois
Vont & viennent par rang, ne luisans à la fois,
La Prime suit la Brume, & vont comme compagnes.

Le mal n’accourt en gresle ainsi l’homme assaillir,
Comme neige l’ennuy ne fait son front pallir,
Et l’eau d’angoisse à mort ne le noye sans cesse.

Mais comme toute chose, a son temps, en saison
Bien nous vient apres mal. Tout ainsi par raison
Apres mon iuste dueil vient ma saincte liesse.

Le Prélude poétique, Les premières Amours d’Erice,
Paris, Gilles Robinot, 1603, XVII, f° 5r° [←Gallica].

’’   Toute chose prend fin, tout est suiet au change,
’’Tout se perd dans le cours du destin inconstant,
’’Rien ne se void ça bas de ferme & de constant
’’Que le tans à la fin ne tourne & ne mélange.

L’Yuer pour quelque tans se retire & s’estrange,
L’Austre ne va tousiours dans l’onde grommelant
Le foudre en mesme lieu n’est tousiours éclatant,
Tousiours l’horrible Mars aus combats ne se range.

Le tans dissipe tout: il n’est pin orgueilleus,
Ni Palais si hautain, ni roc tant sourcilleus,
Que la force du tans enfin ne déracine,
Bref l’Automne, l’Esté, l’Yuer & le Printans,
Changent tous de saison, l’âge change le tans,
Mais rien ne peut changer la rigueur d’Ericine.

L’Amour victorieux, Sonnets de l’Harmonie,
Paris, Gilles Robinot, 1609, VII, ff. 124v°-125r° [←Gallica].

Tousiours la nuit obscuremant profonde
N’étreint le iour de son voile oublieus:
Tousiours en mer l’orage imperieus
Contre la riue écumant ne redonde.

Tousiours le vant deça, dela ne gronde
Par les foraîs, tousiours l’ire des Cieus
Ne fait trambler, d’vn soufle iniurieus,
En toutes pars la fabrique du monde.

L’orage atire aprés soy le beau tans:
Le froid Hyuer est suiuy du Printans,
Et l’Eté suit la belle Primeuere:

L’Autone vient sur les pas de l’Eté,
L’Hyuer retourne, ainsi (belle) i’espere
Que mon tourmant se verra limité.

Sedan, Jean Jannon, 1620, I, « veille d’une nuit », p. 19 [←Gallica].

R

SAns fin les vents esmeus n’agitent pas l’eschine
De l’ocean moiteux : & du haut tempestant
N’est l’indignation dans les monts esclatant
Sans fin ses coups, ses feux, sa vengeance diuine :

Il n’est pas dit aussi que celle qui domine
Dessus tes passions, en fin n’aille abatant
Ceste folle hautesse & ce desdain, qui tant
Ta face diminue & ta liesse mine.

Attendant quoy, Amy, vien t’en iusques icy,
Vien auec mes demons, & chasse tout souci :
Au moins tien bonne mine, & ne fay plus l’esclaue.

Maint gay demon t’attend, fantastic & ioyeux,
Et mainte belle Nymphe en chemise se laue,
Afin qu’elle te noye en l’appast de ses yeux.

























textes originaux
[R]

 

En ligne le 05/10/20.
Dernière révision le 21/12/23.