Je m’égare souvent en un antre désert
FLAMINIO DE BIRAGUE.
Le nom de Flaminio de Birague est plus connu que celui de Bretin [1], mais il n’est pas plus distingué sur le Parnasse. La naissance n’augmente pas les talents. Birague sorti d’une famille illustre de Milan, qui avait toujours suivi le parti de la France, était peut-être le premier de son nom qui se fût amusé à faire la cour aux Muses Françaises, mais il n’en reçut que des faveurs très médiocres. Il était neveu du célèbre René de Birague, qui fut successivement Ambassadeur au Concile de Trente, Garde des Sceaux sous Charles IX et Chancelier de France, et qui étant devenu veuf de Valence Balbiane, fut promu au Cardinalat en 1578. Flaminio eut pour père Charles de Birague, frère de ce Cardinal, Conseiller d’État, et Chevalier des Ordres du Roi en 1580. Je ne sais de quelle famille était sa mère : dans les poésies qu’il lui adresse, il ne la nomme jamais que Madame de Birague. Pour lui, il ne prend point d’autre qualité que celle de Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.
Il aima passionnément une Demoiselle qu’il nomme Marie, et à qui il a consacré la plus grande partie de ses poésies. Le reste ne contient que quelques Sonnets, des Quatrains et Huitains, et une Élégie assez longue où il déplore le temps que ses amours lui ont fait perdre, et le peu de satisfaction qu’il y a trouvé : c’était ce qu’il aurait dû prévoir avant de s’y engager ; mais la prévoyance et la passion sont ennemies, et se trouvent rarement ensemble. La plupart de ses Sonnets sont adressés aux Princes et aux Dames les plus distinguées de son temps par leur naissance. La sienne pouvait le mettre en liaison avec les uns et les autres. Il ne dit rien dans toutes ces pièces, qui mérite d’être observé. Plusieurs sont adressées au Cardinal de Birague, son oncle, et c’est à lui que tout le recueil est dédié : c’était manquer, ce semble, à la décence, de faire présent à un Cardinal de tant de poésies amoureuses. Ronsard, Blaise de Vigenère, et Blanquet, Poète Français, Secrétaire du Roi, ont aussi les hommages du Poète. Flaminio avait lu avec trop de respect et de docilité les ouvrages du premier ; il l’avait choisi pour modèle, et il n’en a pris que le galimatias et l’obscurité. Les éloges qu’il accorde à quelques Auteurs de son siècle ne sont pas non plus preuve de son goût ; je vous en rapporterais pour exemple son Sonnet à Blaise de Vigenère, sur sa traduction de Tite-Live, si ses vers n’étaient pas trop mauvais pour être cités.
Parmi quelques Épitaphes qui font partie du même recueil, telles que celle de Valence Balbiane, femme du chancelier de Birague, de Louis de Birague, Lieutenant pour le Roi en Piémont, et un petit nombre d’autres, on lit celle de Jean de Laval, Marquis de Nesles, qui avait épousé Françoise de Birague, fille unique de René de Birague, le même que je viens de vous nommer. Cette Épitaphe n’est qu’un jeu de mots, peu convenable à ce genre de pièce :
Passant penses-tu pas de passer le passage
Qu’en mourant j’ai passé ?
pense le même pas :
Si tu n’y penses bien, de vrai tu n’es pas sage,
Car possible, demain passeras au trépas.
Le recueil des poésies de Flaminio de Birague porte le titre de premières Œuvres ; mais je n’en ai point vu d’autres, et Du Verdier ne cite que celles dont je viens de parler. On lit au commencement quelques pièces en vers Latins adressées à l’Auteur par Édouard Du Monin [2], et d’autres en Français par différents Écrivains. Ce sont des éloges, et rien de plus.
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XII, 1748, pp. 370-373
[Gallica, NUMM-50655, PDF_373_376].
Notes
[1] La « vie » de Birague succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle de Philibert Bretin.
[2] L’édition des Premières Œuvres poétiques de Birague décrite par l’abbé Goujet est l’édition de 1581, comme il appert dans le catalogue, p. 475 du tome XII [PDF_478]. L’édition en ligne sur Gallica est celle de 1585 et ne comporte pas de vers liminaires latins de Du Monin.
En ligne le 30/11/08.
Dernière révision le 10/10/24.