Qu’aliéné
d’imagination,
Et transformé par son
impression
Je suis ma Dame, et ne suis plus
moi-même.
(1598-1659)
AMADIS JAMYN
Amadis Jamyn naquit à Chaource, diocèse de Troyes. Il fut en sa jeunesse page de Pierre de Ronsard, comme le témoigne le même Ronsard (1) dans une de ses Élégies et dans le poème qu’il lui adresse, qu’il intitule la Salade et qui commence ainsi :
Lave ta main, qu’elle soit
belle et nette,
Suis-moi de près, apporte une serviette
Pour la salade, Amadis, et faisons
Part à nos ans des fruits de la saison.
Et le reste qui vaut mieux que ce commencement. Claude Binet témoigne la même chose dans la vie de Ronsard, lorsqu’il dit que ce grand poète l’avait nourri page et avait pris un grand soin de le faire instruire. Il ne démentit pas aussi les belles espérances que son docte maître avait conçues de sa suffisance, car comme il fut sorti hors de page, il fit paraître de si belles lumières d’esprit dans les vers qu’il adressa au Roi Charles IX, que ce prince qui aimait passionnément les bonnes lettres et les hommes savants, le prit en singulière affection et le fit son valet de chambre, puis secrétaire de Sa Majesté et son lecteur ordinaire.
Ô heureux temps, où le seul mérite donnait de l’honneur et du crédit, et où les hommes de lettres rencontraient la fortune dans leurs études, sans être obligés de l’aller chercher dans les antichambres des grands et des princes, et d’augmenter le nombre de ces lâches courtisans qui ne sont savants que dans les tendresses et que dans de petits compliments cent fois étudiés et cent fois renouvelés. Le temps est si cher et si précieux à un homme de lettres, qu’il ne saurait conserver cette qualité s’il ne fuit ce que les autres cherchent. Je veux dire s’il ne fuit souvent le grand monde qui consomme la plus noble partie de son temps, et s’il n’embrasse la solitude, comme la Muse des belles inventions et la plus claire source des sciences. Et pendant ce temps-là, vous, ô grands du monde ! ô puissances de la terre ! travaillez pour leur fortune, puisqu’ils travaillent pour votre gloire !
Les premiers écrits qu’Amadis Jamyn publia furent les arguments en prose des quatre fameux livres de la Franciade de Ronsard (2), avec quelques sonnets qu’il composa sur ce nouvel ouvrage, et imprimés pour la première fois à Paris, l’an 1572. Ce petit échantillon de son esprit le fit connaître et estimer de son siècle, et pour le faire connaître au nôtre, qui ne prend guère la peine de consulter ce qui est plus vieux que lui, je mettrai ici la fin d’un de ces sonnets :
Qui dira maintenant, si par toute
l’Europe
Florit le chœur divin des sœurs de Calliope,
Que l’auteur de leur être est le grand
Jupiter ?
Hé ! qui n’entend crier les Muses par la
France ?
Jupiter ne se doit notre père vanter,
Le cerveau de Ronsard nous a donné naissance.
Ses œuvres poétiques consistent en deux volumes, dont le premier est divisé en cinq livres.
Le premier des cinq est un recueil de plusieurs poésies dédiées à la reine Catherine de Médicis, au roi Charles IX, au roi Henry III, son frère, et à Marguerite de France, reine de Navarre, et à quelques autres princes et princesses, poésies dont la plupart méritent bien d’être lues, tant pour leur diversité polie qu’à cause de l’histoire du temps, puisqu’elles en contiennent les événements les plus illustres.
[…]
« Amadis Jamyn par
Guillaume Colletet »,
Œuvres poétiques de Amadis Jamyn,
avec une introduction par Charles Brunet,
Paris, 1879, pp. 13-17
[Gallica, NUMM-6140980, PDF_18_22]
(texte modernisé).
Notes
(1) Premier Livre des poèmes.
(2) Voir la vie de Ronsard, Binet ou Colletet.
…lors
d’artère en
artère,
De nerfs en nerfs ce mot me traversa
En ligne le 03/10/10.
Dernière révision le 29/09/24.