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C'était
le jour, que le Soleil perdit
Pour la pitié de son facteur clarté,
Quand je fus pris d'amour, et la beauté
De vos yeux, Dame, à son joug me rendit.
Ne me semblait temps qu'amour prétendît
À me frapper : dont j'allais en sûrté,
Hors de ma garde, et dont ma malheurté
Au commun deuil prit sa source et crédit.
Le caut
amour
lors me trouva sans armes,
La voie aussi des yeux au cœur duisante,
Qui par ce coup sont faits ruisseaux de larmes.
Dont peu d'honneur a du fait, s'il s'en vante,
Surprendre ainsi mon âme désarmée,
Et n'oser l'arc montrer à vous armée.
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MAdame ce
jour-là vos très excellents yeux
Me lièrent surpris en leur obéissance
Quand le Soleil voyant son facteur en souffrance,
Fit obscurcir le blond
de son or radieux.
Contre les traits d'amour je ne peux faire mieux :
Car le temps m'empêchait de faire résistance.
Par quoi tout éperdu je changeai l'assurance,
De mon libre repos en désir soucieux.
Amour me prit sans arme et fit à l'œil l'outrage
Et chemin en mon cœur, et depuis un passage
De soupirs jusqu'aux yeux et de pleurs jusqu'au cœur.
Mais en si faible état de me faire dommage
Et à vous tout armée, épargner son bandage,
Ce ne fut point exploit d'honorable vainqueur.
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Au jour que
par pitié de son vrai créateur
Le Soleil de ses rais eut la couleur obscure,
Sans que de m'en garder, Madame, j'avais cure
Vos beaux yeux me liaient de leur grande douceur.
Il ne me semblait temps d'avoir aucune peur,
Ou d'avoir pour les traits d'Amour lors couverture :
Mais j'allais assuré d'une franche posture
Sans soupçon dont me prit la commune douleur.
Amour me trouva faible, et tout
dénué d'armes,
Et voie ouverte au cœur par les yeux, qui aux larmes,
Pour issir sont la porte et un creusé canal.
Mais que
ce lui soit gloire en tel état me prendre
Par l'acier de ses traits je ne le puis comprendre,
Et à vous qui veillez cacher l'arc déloyal.
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»» texte original
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COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Le Poète écrit
par les huit premiers vers de ce Sonnet, le temps et le jour auquel il
s'en
amourait : & avec quelles armes il fut pris au temps qu'il ne
pensait
que telle chose lui pouvait survenir, à savoir au bon vendredi.
Puis
il dit qu'Amour le trouvait désarmé, comme ayant toutes
ses
pensées à Dieu, rien moins que cela pensant, et ayant
laissé
ouverte les voies des sentiments, par où Amour entrait comme par
trahison, puis aux trois derniers il dit et conclut, qu'avec peu
d'honneur Amour le prit, quand il ne se gardait, et qu'à Mme
Laure, qui était bien pourvue contre la concupiscence, il ne
montrait son arc pour la rendre amoureuse, montrant par ledit Sonnet,
qu'il ne suffit d'avoir
les pensées au bien, mais qu'encore il faut soigner de fuir le
mal.
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