Amor mi sprona in vn
tempo, & affrena,
Assecura e spauenta, arde, & agghiaccia,
Gradisce, e sdegna, a se mi chiama, e scaccia,
Hor mi tien in speranza, & hor in pena:
Hor alto, hor basso il mio cor lasso
mena,
Onde’l vago desir
perde la traccia,
E’l suo sommo
piacer par che li spaccia,
D’error si nouo
la mia mente è piena.
Vn amico pensier le mostra il guado,
Non d’acqua, que
per gliocchi si resolua,
Da gir tosto, oue spera esser contenta:
Poi, quasi maggior forza indi la suolua,
Conuien ch’altra
via segua, e mal suo grado
A la sua longa, e mia morte consenta.
D’un
coup amour m’éperonne
et réfrène,
M’assure en peur,
et me brûle en la glace,
Veut et ne veut,
m’appelle et puis
me chasse,
Puis en plaisir, et puis me
tient en peine.
Et
haut et bas mon esprit tant pourmène,
Que le désir
trop vague y perd la trace,
Dont son plaisir souverain
en déchasse,
Tant mon âme est
de nouuel erreur pleine.
Quoiqu’un
penser ami le gué lui montre,
Non du ruisseau
résolu en l’œil
nôtre :
Ains où attend
en bref d’être
contente.
Mais
plus grand force à l’heure
la fourvoie,
Et maugré elle,
ensuivant autre voie,
Faut
qu’à
sa peine, et à ma mort consente.
J’espère
et crains, je me tais et
supplie,
Or je suis glace, et ores
un feu chaud,
J’admire
tout, et
de rien ne me chaut,
Je me délace, et
puis je me relie.
Rien ne me plaît sinon ce qui
m’ennuie,
Je suis vaillant, et le
cœur me défaut,
J’ai
l’espoir
bas,
j’ai le courage
haut,
Je doute Amour, et si je le
défie.
Plus je me pique,
et plus je suis rétif,
J’aime
être libre, et
veux être captif,
Cent fois je meurs, cent
fois je prends naissance.
Un Prométhée en
passions je suis,
Et pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien je fais ce que je puis.
Je vis, je meurs : je me
brûle et me noie.
J’ai chaud
extrême en endurant froidure :
La vie m’est et
trop molle et trop dure.
J’ai grands
ennuis entremêlés de
joie :
Tout à un coup je ris
et je larmoie,
Et en plaisir maint gref tourment j’endure :
Mon bien s’en va,
et à iamais il dure :
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me
mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis quand je crois ma joie
être certaine,
Et être au haut de mon désiré
heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Amour en même instant
m’aiguillonne et
m’arrête,
M’assure et me
fait peur, m’ard
et me va glaçant,
Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
Me fait victorieux, et marche sur ma tête.
Ores bas, ores haut, jouet de
la tempête,
Il va comme il lui plaît ma navire
élançant :
Je pense être échappé quand je suis
périssant,
Et quand j’ai
tout perdu je chante ma conquête.
De ce qui plus me plaît je
reçois déplaisir :
Voulant trouver mon cœur, j’égare
mon désir :
J’adore une
beauté qui m’est
toute contraire.
Je m’empêtre
aux filets dont je me veux garder :
Et voyant en mon mal ce qui me peut aider,
Las ! je l’approuve
assez, mais je ne le puis faire.
Tout
à coup je me sens en tristesse et en joie,
Et à un
même instant rempli d’aise
et languir
Brûler et
renglacer et puis vivre et mourir
Suivre le droit chemin
égaré de ma voie.
Heureux
et malheureux, rire et puis je larmoie
Mon séjour et ma
peine, ensemblement nourrir
La
contrariété devant mes yeux s’offrir
Un tantale
altéré et dans l’eau
je me noie.
N’est-ce
pas endurer et de jour et de nuit :
Ainsi amour cruel
tristement me conduit,
Quand
j’espère
un malheur un bonheur se
présente.
Et
lorsque je m’assure
être prochain du port
Je me vois
entourné des courriers de la mort,
Et d’autant
éloigné de mon heureuse attente.
VOuloir
m’épronne, et l’aveugle me guide,
Plaisir m’attire, usance me transporte,
Espoir m’allèche, et vanité me porte,
Penser m’abuse, et l’attente me bride,
Rigueur m’oppresse, et
captif si je cuide
Pour sortir hors m’approcher de la porte,
Soin me retire, et le temps me conforte,
Le désir m’enfle, et le sort me tient vide.
Ma joie est fausse, et ma douleur
certaine,
Ma peine est vraie, et ma douceur est vaine,
Mes sens sont vifs, et ma raison est morte.
Ainsi mon âme est sans
cesse occupée
Des passions qui la tiennent campée :
Depuis cinq ans je vis en telle sorte.
AMour
en même instant me pique et me ramène.
Il m’assure, il
m’étonne,
il me brûle et me glace,
Il m’agrandit,
m’abaisse,
il m’appelle,
il me chasse.
Il me nourrit d’espoir,
et me crève de peine.
Ores haut, ores bas, mon cœur
lassé il traîne
Dont mon actif vouloir s’égare
de sa place.
Et ce bon seigneur veut (quoi que soit qu’il
se fasse)
Dont mon âme pensive est d’erreur
toute pleine.
Un penser mien ami, lui montre bien le
port
Non de l’eau
quand des yeux distillante ressort,
D’être
tôt où il croit
qu’elle serait
contente :
Mais il l’ôte
de là par un plus grand effort,
Et faut d’autre
côté sans y être confort,
Que fuyant sa langueur à ma mort il consente.
effets opposés que l’amour produit en son âme.
Amour m’éperonne et me tire le frein en même temps, me tranquillise et m’épouvante, me brûle et me gèle, m’agrée et me dédaigne, m’appelle à soi et me chasse ; tantôt il me tient en espoir, et tantôt en peine.
Tantôt il élève ou rabaisse mon cœur fatigué ; ainsi le désir errant abandonne la piste, et il semble que son suprême plaisir lui déplaise, si nouvelle est l’erreur dont mon âme est remplie.
Un penser ami vient lui montrer le gué, non pour traverser l’eau qui se résout par mes yeux, mais pour arriver promptement où elle espère être satisfaite.
Puis, comme si une force supérieure l’arrachait de là, il faut qu’elle suive une autre voie, et que contre son gré, elle obéisse à sa longe et consente à ma mort.
D’un
coup amour m’éperonne
et réfrène,
M’assure en peur,
et me brûle en la glace,
Veut et ne veut,
m’appelle et puis
me chasse,
Puis en plaisir, et puis me
tient en peine.
Et
haut et bas mon esprit tant pourmène,
Que le désir
trop vague y perd la trace,
Dont son plaisir souverain
en déchasse,
Tant mon âme est
de nouuel erreur pleine.
Quoiqu’un
penser ami le gué lui montre,
Non du ruisseau
résolu en l’œil
nôtre :
Ains où attend
en bref d’être
contente.
Mais
plus grand force à l’heure
la fourvoie,
Et maugré elle,
ensuivant autre voie,
Faut
qu’à
sa peine, et à ma mort consente.
J’espère
et crains, je me tais et
supplie,
Or je suis glace, et ores
un feu chaud,
J’admire
tout, et
de rien ne me chaut,
Je me délace, et
puis je me relie.
Rien ne me plaît sinon ce qui
m’ennuie,
Je suis vaillant, et le
cœur me défaut,
J’ai
l’espoir
bas,
j’ai le courage
haut,
Je doute Amour, et si je le
défie.
Plus je me pique,
et plus je suis rétif,
J’aime
être libre, et
veux être captif,
Cent fois je meurs, cent
fois je prends naissance.
Un Prométhée en
passions je suis,
Et pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien je fais ce que je puis.
Je vis, je meurs : je me
brûle et me noie.
J’ai chaud
extrême en endurant froidure :
La vie m’est et
trop molle et trop dure.
J’ai grands
ennuis entremêlés de
joie :
Tout à un coup je ris
et je larmoie,
Et en plaisir maint gref tourment j’endure :
Mon bien s’en va,
et à iamais il dure :
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me
mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis quand je crois ma joie
être certaine,
Et être au haut de mon désiré
heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Amour en même instant
m’aiguillonne et
m’arrête,
M’assure et me
fait peur, m’ard
et me va glaçant,
Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
Me fait victorieux, et marche sur ma tête.
Ores bas, ores haut, jouet de
la tempête,
Il va comme il lui plaît ma navire
élançant :
Je pense être échappé quand je suis
périssant,
Et quand j’ai
tout perdu je chante ma conquête.
De ce qui plus me plaît je
reçois déplaisir :
Voulant trouver mon cœur, j’égare
mon désir :
J’adore une
beauté qui m’est
toute contraire.
Je m’empêtre
aux filets dont je me veux garder :
Et voyant en mon mal ce qui me peut aider,
Las ! je l’approuve
assez, mais je ne le puis faire.
Tout
à coup je me sens en tristesse et en joie,
Et à un
même instant rempli d’aise
et languir
Brûler et
renglacer et puis vivre et mourir
Suivre le droit chemin
égaré de ma voie.
Heureux
et malheureux, rire et puis je larmoie
Mon séjour et ma
peine, ensemblement nourrir
La
contrariété devant mes yeux s’offrir
Un tantale
altéré et dans l’eau
je me noie.
N’est-ce
pas endurer et de jour et de nuit :
Ainsi amour cruel
tristement me conduit,
Quand
j’espère
un malheur un bonheur se présente.
Et
lorsque je m’assure
être prochain du port
Je me vois
entourné des courriers de la mort,
Et d’autant
éloigné de mon heureuse attente.
VOuloir
m’épronne, et l’aveugle me guide,
Plaisir m’attire, usance me transporte,
Espoir m’allèche, et vanité me porte,
Penser m’abuse, et l’attente me bride,
Rigueur m’oppresse, et
captif si je cuide
Pour sortir hors m’approcher de la porte,
Soin me retire, et le temps me conforte,
Le désir m’enfle, et le sort me tient vide.
Ma joie est fausse, et ma douleur
certaine,
Ma peine est vraie, et ma douceur est vaine,
Mes sens sont vifs, et ma raison est morte.
Ainsi mon âme est sans
cesse occupée
Des passions qui la tiennent campée :
Depuis cinq ans je vis en telle sorte.
AMour
en même instant me pique et me ramène.
Il m’assure, il
m’étonne,
il me brûle et me glace,
Il m’agrandit,
m’abaisse, il
m’appelle,
il me chasse.
Il me nourrit d’espoir,
et me crève de peine.
Ores haut, ores bas, mon cœur
lassé il traîne
Dont mon actif vouloir s’égare
de sa place.
Et ce bon seigneur veut (quoi que soit qu’il
se fasse)
Dont mon âme pensive est d’erreur
toute pleine.
Un penser mien ami, lui montre bien le
port
Non de l’eau
quand des yeux distillante ressort,
D’être
tôt où il croit
qu’elle serait
contente :
Mais il l’ôte
de là par un plus grand effort,
Et faut d’autre
côté sans y être confort,
Que fuyant sa langueur à ma mort il consente.
effets opposés que l’amour produit en son âme.
Amour m’éperonne et me tire le frein en même temps, me tranquillise et m’épouvante, me brûle et me gèle, m’agrée et me dédaigne, m’appelle à soi et me chasse ; tantôt il me tient en espoir, et tantôt en peine.
Tantôt il élève ou rabaisse mon cœur fatigué ; ainsi le désir errant abandonne la piste, et il semble que son suprême plaisir lui déplaise, si nouvelle est l’erreur dont mon âme est remplie.
Un penser ami vient lui montrer le gué, non pour traverser l’eau qui se résout par mes yeux, mais pour arriver promptement où elle espère être satisfaite.
Puis, comme si une force supérieure l’arrachait de là, il faut qu’elle suive une autre voie, et que contre son gré, elle obéisse à sa longe et consente à ma mort.
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En ligne le
01/11/18.
Dernière révision le 25/05/24.