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Sur chacun pas
contourner je ne cesse
Mon corps fâché, que je porte à grand peine :
Lors prends confort de votre air qui le mène
Un peu plus outre, et dis : ô grand' détresse !
Puis repensant au départ, qui me presse,
Au long chemin à la vie incertaine,
Là je m'arrête, et étant hors d'haleine,
Les yeux en bas contre mes pieds je dresse.
Alors m'assaut sur mes tristes complaintes
Un doute tel. Comment ces membres peuvent
Loin de leur âme ainsi vivre heures maintes ?
Mais me répond amour : qu'ainsi se trouvent
Privilégiés les serfs des damoiselles,
Du tout franchis des qualités mortelles.
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ARGUMENT selon
Philieul : Ayant laissé Madame Laure au port de Durance,
Pétrarque retournant vers Avignon se revirait tous les coups
devers Durance, avec regret très grand, pource qu'il savait que
lui-même s'en irait en Italie, & parle à sa dame
encore
que absente fût. |
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JE me tourne en arrière
à chacun de mes pas
D'un corps lent abattu qu'à grand peine je porte
Alors je prends votre air qui un peu me conforte,
Et dis outre passant, Mon Dieu que je suis las.
Puis songeant aux doux biens par un peu de soulas,
Et au long cheminer de ma vie peu forte,
Je m'arrête sur pied d'une pensée morte,
Et mes yeux (lamentant) je ferme contrebas.
Lors j'argumente ainsi au milieu de mes plains :
Comme se peut-il faire que ces membres lointains
Qu'ils sont de leurs esprits puissent longuement vivre ?
Ains amour me répond, ami ne t'en complains
De privilèges tels tous vrais amants sont pleins
D'humaines qualités s'ils ont le cœur délivre.
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Je retourne
mes pieds en arrière à tous pas
Avec le corps lassé, qu'à grand peine je porte
La masse, et lors votre air mon haleine conforte,
Me faisant passer outre et dire, hélas, hélas.
Puis pensant que je laisse un tant miellé
soulas,
Ce que mon long chemin, et mon bref vivre importe,
Étonné je fais halte ayant la face morte,
Et je porte ma vue en larmoyant en bas.
La doute à soi se mêle au plaindre qui
m'accable,
Comment le corps sera de l'esprit séparable :
Et comment loin de moi vivre il pourra longtemps.
Amour lors me répond, n'as-tu pas souvenance,
Qu'un privilège à part outre toute puissance
Humaine, tient en vie, et soutient les amants.
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»» texte original
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COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Le Poète s'étant mis au chemin suivant
l'adieu de la chanson précédente, déclare, comment
lui fut ennuyeux & dur le départir, se tournant en
arrière à toute heure, tant lui déplut laisser
derrière l'aimée face de Mme Laure. |
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