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VOus qui
oyez en mes rimes
le son
D'iceux soupirs, dont mon cœur
nourrissoie,
Lorsqu'en erreur ma jeunesse passoie,
N'étant pas moi, mais bien d'autre façon :
De vains travaux dont fis rime et chanson,
Trouver m'attends, (mais qu'on les lise et voie)
Non pitié seule, ains excuse en la voie,
Où l'on connaît amour ce faux garçon.
Si vois-je bien maintenant et entends
Que longtemps fus au peuple passetemps,
Dont à part moi honte le cœur me ronge :
Ainsi le fruit de mon vain exercice
C'est repentance, avec honte et
notice
Que ce qui plaît au monde
n'est que songe.
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Vous qui oyez
les chants ici déduits
De ces soupirs, dont mon cœur en détresse
Je nourrissais sus l'erreur de jeunesse,
Quand j'étais homme autre que je ne suis :
Du divers style, où mes pleurs je poursuis :
Du vain espoir, et douleur qui m'oppresse,
Si onc avez senti d'amours la presse,
Me pardonrez par pitié tant d'ennuis.
Mais à présent je vois le bruit qui monte,
Et de mon mal partout presque on devise,
Dont bien souvent de moi-même j'ai honte.
Honte est le fruit de ma vaine entreprise,
Et repentance, et le voir sans mensonge,
Que tout plaisir du monde n'est qu'un songe.
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»» texte original
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ARGUMENT selon
Philieul : En cestui Sonnet le Poète reconnaissant son erreur
use de confession, avec déprécation aux lecteurs, comme
en matière
favorable.
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VOus qui en
vers semés écoutez voix et son
Des soupirs amoureux, pâture de mon cœur
En l'errante jeunesse, et première fureur,
Quand je fus en partie homme d'autre façon.
Ce que je pleure et plains par diverse chanson,
Entre vaine espérance et frivole douleur,
Si quelqu'un a prouvé l'amoureuse
chaleur
J'en espère pitié, non seulement pardon.
Mais ores que je vois que j'ai
servi de conte,
Et de fable vulgaire, en rougissant de honte,
Je regrette à part moi la saison consumée.
Je fais
fruit toutefois, et profit du mécompte
Par un doux repentir, qui m'enseigne et me conte,
Que tout plaisir mondain n'est que songe et fumée.
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VOus qui
prenez plaisir d'ouïr
la résonance
Des soupirs divulgués en vers, dont fut mon cœur
Nourri lorsqu'il était saisi de jeune erreur,
Quand autre homm'
qu'or j'étais d'ans,
de mœurs et
Et du style divers qui fait ma doléance,
[d'usance,
Traitant un vain espoir joint à vaine douleur,
J'attends, outre pardon pitié de mon malheur,
Si par preuve un de vous d'amour a connaissance.
Mais je vois maintenant, que j'ai donné longtemps
Matière de parler au peuple en passetemps,
Dont de moi-même en moi souvent la honte abonde.
Et de ma vanité la vergogne est le fruit,
Avec le repentir, auquel je vois déduit,
Que c'est un songe bref tout ce qui plaît au monde.
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»» texte original
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COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Cestui Sonnet est comme le Proème de toute l'œuvre,
par lequel l'Auteur cherche de gagner la
bénévolence du Lecteur, & d'une heure trouver excuse
& miséricorde, confessant son erreur, disant aux premiers
huit vers, qu'il espère trouver pitié, non seulement
pardon, d'avoir écrit tant des vers amoureux, & cela
auprès de ceux qui savent, que c'est chose humaine
pécher, & qui encore par preuve ont su ce que peut amour :
aux six derniers
vers il confesse son erreur, dont il a honte et repentance, ayant connu
combien sont vaines, & de petite durée les choses humaines.
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