Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

AVec les lis, les œillets mêliés

N’égalent point le pourpre de sa face :
Ni l’or filé ses cheveux ne surpasse,
Ore tressés et ore déliés.

De ses coraux en voûte repliés
Naît le doux ris qui mes soucis efface :
Et çà et là partout où elle passe,
Un pré de fleurs s’émaille sous ses pieds.

D’ambre et de musc sa bouche est toute pleine.
Que dirai plus ? J’ai vu dedans la plaine,
Lorsque plus fort le ciel voulait tancer,

Cent fois son œil, qui des Dieux s’est fait maître,
De Jupiter rasséréner la dextre,
Jà jà courbé pour sa foudre élancer.

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de Muret

Avec les lis.) Il raconte les mer­veil­leux ef­fets de la di­vine beau­té de sa dame. Mê­liés.) Mê­lés. Mot Ven­dô­mois. Ni l’or filé.) Ain­si dit un Ita­lien nom­mé An­to­nio Fran­ces­co Ri­nie­ri,

Polito or puro al Sol fiammeggia in vano
Al par de be capegli, hor cinti, hor sciolti.

Un pré de fleurs.) Sem­blable est la fic­tion d’Hé­siode par­lant de Vé­nus,

Ἐκ δ᾽ ἔβη αἰδοίη καλὴ θεός, ἀμφὶ δὲ ποίη
Ποσσὶν ὕπο ῥαδινοῖσιν ἀέξετο.

Jà jà courbé.) Ce geste de Ju­pi­ter se cour­bant pour plus roide lancer la foudre, est divi­ne­ment dé­crit au cin­quième des Odes,

Adonc le Père puissant,
Qui d’os et de nerfs s’efforce
Ne mit en oubli la force
De son foudre punissant.
Mi-courbant son sein en bas,
Et dressant bien haut le bras
Contre eux guigna sa tempête,
Laquelle en les foudroyant,
Sifflait aigu, tournoyant
Comme un fuseau, sur leur tête.

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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 21/09/08.
Dernière révision le 10/03/22.