Ô Doux parler, dont l’appât doucereux
Nourrit encor la
faim
de ma mémoire,
Ô front,
d’Amour
le Trophée
et la gloire,
Ô ris
sucré,
ô baisers
savoureux :
Ô
cheveux
d’or,
ô coteaux
plantureux
De lis,
d’œillets,
de Porphyre,
et d’ivoire :
Ô feux
jumeaux
dont le ciel
me fit boire
À si
longs
traits
le venin
amoureux.
Ô
vermillons, ô
perlettes
encloses,
Ô diamants,
ô lis
pourprés de roses,
Ô chant
qui peux les plus durs émouvoir,
Et dont l’accent dans les
âmes
demeure :
Et dea beautés
reviendra jamais
l’heure
Qu’entre mes bras
je vous puisse r’avoir ?
Ô doux parler.) Le Poète absent de sa Dame, remémore particulièrement aucunes de ses beautés, et souhaite les revoir. L’appât doucereux. Il dit nourrir la faim de sa mémoire par l’appât doucereux du doux parler de sa Dame : C’est-à-dire qu’il paît son esprit de la souvenance du parler d’icelle. Trophée. Ainsi disait-on anciennement, quand on avait revêtu quelque arbre ébranché des dépouilles de l’ennemi, pour monument de victoire. Et se dit en grec tropaion, parce qu’on avait de coutume de le dresser pour avoir tourné l’ennemi, lorsqu’il se mettait en fuite, qu’ils appelaient tropèn. Coteaux plantureux. Le sein abondant en ces couleurs, qu’il représente par les lis, œillets, porphyre, et ivoire. Feux jumeaux. Les yeux, par lesquels il dit à longs traits avoir bu le venin amoureux : ce qui se fait, parce que les rayons des yeux de la Dame sont comme voituriers de son esprit, et par la rencontre qu’ils font avecque les rayons de l’amant, se mêlant parmi eux se conduisent à son cœur, et de leur esprit étranger empoisonnent l’esprit de celui, qui est outré. Apulée fait très bien à ce propos, disant, isti oculi tui per meos oculos ad intima delapsi præcordia, acerrimum meis medullis commovent incendium. Le Ciel. Selon les Astrologues, qui disent les corps inférieurs être gouvernés par les célestes. Boire. Telle manière de parler est en l’Épigramme Grec,
’Ophthalmoi, teo mechris aphussete nektar erôtôn,
Kalleos akrètou dzôropotai thrasees.
Vermillons. Les Lèvres. Perlettes, diamants. Les dents. Lis pourprés de roses. Blanches et vermeilles joues. Dea. Tel est le Deh des Italiens. Reviendra jamais l’heure. Ainsi commence un Sonnet de Pétrarque,
O dolci sguardi, o parolette accorte,
Hor sia mai’ l di, ch’io vi riverggia, &
oda ?
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[texte modernisé]
[R]
En ligne le 21/09/08.
Dernière révision le 21/01/21.