René BRETONNAYAU (?-?)
Au delà les confins…
Paris, Abel L’Angelier, 1583.

[…] 

Au delà les confins du Thracien Borée,
Où tout heureuse vit la gent hyperborée,
Entre deux monts jumeaux rondement blanchissants,
Mais commençant ensemble, ensemble finissant,
À l’albâtre de qui la neige porte envie
Au-dessous d’une mer blanchissament unie,
Ou si c’est une plaine, une plaine de lait
S’élève mollement un petit moncelet
Sur la cime duquel l’étroit d’une antre s’ouvre,
Que l’ombrage venant des deux montagnes couvre.
Ce Tertre écartelé dure en toute saison
Mignonnement touffu d’un verdoyant gazon
Fleuri de cent couleurs, épais d’herbe menue,
Renaissante plus dru, plus elle est retondue
De pâquerette blanche, et de jaune souci,
De cornue ancolie, et de pensée aussi,
De muguet à la fleur ensemble jaune et pâle,
Et de tant d’autres fleurs que Nature y étale.
Le ver Assyrien n’a le fil de soiele brin si subtil,
Que l’herbe foisonnant en ce tertre fertil.
La chaleur de l’été jamais ne l’a fanie :
La froideur de l’hiver jamais ne l’a ternie :
L’auton n’y a soufflé, ni le ciel courroucé
Effroyable n’y a jamais son feu lancé.
Philomène toujours son Itys y soupire :
Et toujours s’y égaye un gracieux zéphyre :
Des douceurs, Jupiter ravi d’un lieu si beau,
Ore en semblance d’homme, ore en guise d’oiseau,
Souvent en masque y vient, et bête aime mieux être
Que Dieu pour visiter ce Paradis terrestre.
Et ce lieu lui plaît tant qu’il se transforme encor,
Pour venir l’arroser, en belles gouttes d’or.
J’ai vu, j’ai vu souvent sa main levée et prête
À élancer son trait, guignant l’inique tête :
Il n’eut si tôt son œil vers ce vallée délicieuse consacrée à Apollon près du mont OlympeTempé tourné,
Qu’il défronce son front, son bras n’a plus tonné.
Et afin que toujours à l’arroser on prenne la peinepeine,
Il l’a commis en garde au dieu de Lampsacène,
Qui roide et fort s’emploie à le bien cultiver
Le jour comme la nuit, l’été comme l’hiver.
[…] 
Mais, ô Dieu qu’est ceci ! ah qu’est-ce que je sens ?
Qui ravisseur m’enlève et dérobe à mes sens ?
[…] 
C’est c’est je ne sais quoi, c’est une joie extrême
Qui m’affole et chatouille et ravit en moi-même.
Si n’aperçois-je rien, fantôme que veux-tu ?
Ah ! je sens bien que c’est, une étrange vertu,
Un ensorcèlement qui part de cette roche,
Attirant doux celui qui doucement s’approche
De ce mont Jumelet : ainsi qui nage en l’eau
De la font fontaine où la nymphe Salmacis s’unissant à Hermaphrodite devint avec lui un être des deux sexesSalmacide éprouve son cerveau
Hautain s’aliéner, et tandis qu’il se pâme
Et son corps ?hidre et sa voix changer en homme-femme.
Aussi quiconque touche ou voit ce petit mont,
Gros, touffu, rebondi, long, étroitement rond,
D’invisibles liens, sans voir, se sent étreindre
Et de donner dedans sans contrainte contraindre.

[…] 

On peut cliquer sur certains mots pour voir les épithètes de Maurice de La Porte
 
 

[…] 

Au delà les confins du Thracien Borée,
Où tout heureuse vit la gent hyperborée,
Entre deux monts jumeaux rondement blanchissants,
Mais commençant ensemble, ensemble finissant,
À lalbâtre de qui la neige porte envie
Au-dessous dune mer blanchissament unie,
Ou si cest une plaine, une plaine de lait
Sélève mollement un petit moncelet
Sur la cime duquel létroit dune antre souvre,
Que lombrage venant des deux montagnes couvre.
Ce Tertre écartelé dure en toute saison
Mignonnement touffu dun verdoyant gazon
Fleuri de cent couleurs, épais dherbe menue,
Renaissante plus dru, plus elle est retondue
De pâquerette blanche, et de jaune souci,
De cornue ancolie, et de pensée aussi,
De muguet à la fleur ensemble jaune et pâle,
Et de tant dautres fleurs que Nature y étale.
Le ver Assyrien na le fil de soiele brin si subtil,
Que lherbe foisonnant en ce tertre fertil.
La chaleur de lété jamais ne la fanie :
La froideur de lhiver jamais ne la ternie :
Lauton ny a soufflé, ni le ciel courroucé
Effroyable ny a jamais son feu lancé.
Philomène toujours son Itys y soupire :
Et toujours sy égaye un gracieux zéphyre :
Des douceurs, Jupiter ravi dun lieu si beau,
Ore en semblance dhomme, ore en guise doiseau,
Souvent en masque y vient, et bête aime mieux être
Que Dieu pour visiter ce Paradis terrestre.
Et ce lieu lui plaît tant quil se transforme encor,
Pour venir larroser, en belles gouttes dor.
Jai vu, jai vu souvent sa main levée et prête
À élancer son trait, guignant linique tête :
Il neut si tôt son œil vers ce vallée délicieuse consacrée à Apollon près du mont OlympeTempé tourné,
Quil défronce son front, son bras na plus tonné.
Et afin que toujours à larroser on prenne la peinepeine,
Il la commis en garde au dieu de Lampsacène,
Qui roide et fort semploie à le bien cultiver
Le jour comme la nuit, lété comme lhiver.
[…] 
Mais, ô Dieu quest ceci ! ah quest-ce que je sens ?
Qui ravisseur menlève et dérobe à mes sens ?
[…] 
Cest cest je ne sais quoi, cest une joie extrême
Qui maffole et chatouille et ravit en moi-même.
Si naperçois-je rien, fantôme que veux-tu ?
Ah ! je sens bien que cest, une étrange vertu,
Un ensorcèlement qui part de cette roche,
Attirant doux celui qui doucement sapproche
De ce mont Jumelet : ainsi qui nage en leau
De la font fontaine où la nymphe Salmacis s’unissant à Hermaphrodite devint avec lui un être des deux sexesSalmacide éprouve son cerveau
Hautain saliéner, et tandis quil se pâme
Et son corps ?hidre et sa voix changer en homme-femme.
Aussi quiconque touche ou voit ce petit mont,
Gros, touffu, rebondi, long, étroitement rond,
Dinvisibles liens, sans voir, se sent étreindre
Et de donner dedans sans contrainte contraindre.

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En ligne le 27/11/24.
Dernière révision le 27/11/24.