Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

CE beau corail, ce marbre qui soupire,
Et cet ébène ornement d’un sourcil,
Et cet albâtre en voûte raccourci,
Et ces saphirs, ce jaspe, et ce porphyre.

Ces diamants, ces rubis, qu’un Zéphyre
Tient animés d’un soupir adouci,
Et ces œillets, et ces roses aussi,
Et ce fin or, où l’or même se mire.

Me sont au cœur en si profond émoi,
Qu’un autre objet ne se présente à moi,
Sinon le beau de leur beau que j’adore :

Et le plaisir qui ne se peut passer
De les songer, penser, et repenser,
Songer, penser, et repenser encore.

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de Muret

Ce beau corail.) Ne dor­mant, ne veil­lant, il ne peut pen­ser en autre chose, qu’aux sin­gu­lières beau­tés de sa dame. Ce beau corail.) Ces lèvres aussi ver­meilles que franc co­rail. Ce marbre qui sou­pire.) Cet esto­mac blanc comme marbre, par­fois agi­té d’un trem­blo­te­ment doux. Et cet ébène.) Ce sour­cil noir. Ébène est un bois odo­rant, qu’on apporte des Indes, ayant par le dehors cou­leur comme de buis : mais fort noir par le dedans. Et cet albâtre.) Ce front blanc comme albâtre. Et ces sa­phirs.) Ces yeux étin­ce­lants. Ce jaspe, et ce por­phyre.) Il si­gni­fie la dé­li­cate peau de sa dame, au tra­vers de la­quelle appa­raissent les veines, comme sur un jaspe, ou sur un por­phyre bien po­li. Qu’un Zé­phyre.) Une souef­fleu­rante ha­leine. Et ces œil­lets.) Cette ver­meille cou­leur. Et ce fin or.) Cette per­ruque do­rée.
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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 24/02/13.
Dernière révision le 26/09/21.