Salomon CERTON (1552-v. 1620)
Elle au dedans chantait…
Paris, Abel L’Angelier, 1604.

[…] 
Elle au dedans chantoit de sa voix doucereuse,
Et sur son mestier d’or tissoit industrieuse
Vn ouurage gentil, meslant ainsi ses chants
Pour tromper son trauail. Là verdissent les champs,
Et les hautes forests le bel antre enuironnent,
Et leur feuille plaisante eternelles y donnent :
Le peuplier noir feuillu, & l’odorant Cypres,
Et les aulnes hautains s’esleuent tout aupres.
Là les oyseaux faisoient leurs nids & leurs logettes.
Là voloient à l’entour les nocturnes choüettes,
Le hydeux chat-huant, & l’esperuier gentil,
Et la noire corneille à l’importun babil,
D’autres oyseaux encor vne quantité grande
Voloit le long des eaux, rauissante & gourmande,
Ses ayles allongeant, & courant goulument
Aux poissons ecaillez. Là rampoit doucement
A l’entour de la grotte au fondz du roc cauee
La vigne doucereuse, & la feuille esleuee
Sur le rocher mousseux gaiement verdissoit,
Et le raisin pendant soubs elle florissoit.
Quatre plaisans ruisseaux leurs ondes argentees
Au trauers la forest rouloient precipitees
Et par diuers endroits, & comme ils deualloient
D’vn meslange plaisant leur murmure mesloient :
Les prez estoient parez d’œillets & violettes,
Les belles fleurs paignoient les plaisantes herbettes
Et les champs s’esmailloient. Tel Dieu mesme y viendroit
Voyant vn lieu si beau qui plaisir y prendroit.

[…] 

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[…] 
Elle au dedans chantoit de ſa voix doucereuſe,
Et ſur ſon meier dor tiſſoit induſtrieuſe
Vn ouurage gentil, meſlant ainſi ſes chants
Pour tromper ſon trauail. Là verdiſſent les champs,
Et les hautes foreſts le bel antre enuironnent,
Et leur feuille plaiſante eternelles y donnent :
Le peuplier noir feuillu, & lodorant Cypres,
Et les aulnes hautains seſleuent tout aupres.
Là les oyſeaux faiſoient leurs nids & leurs logettes.
Là voloient à lentour les nocturnes choüettes,
Le hydeux chat-huant, & leſperuier gentil,
Et la noire corneille à limportun babil,
Dautres oyſeaux encor vne quantité grande
Voloit le long des eaux, rauiſsante & gourmande,
Ses ayles allongeant, & courant goulument
Aux poiſsons ecaillez. Là rampoit doucement
A lentour de la grotte au fondz du roc cauee
La vigne doucereuſe, & la feuille eſleuee
Sur le rocher mouſseux, gaiement verdiſsoit
Et le raiſin pendant ſoubs elle floriſsoit.
Quatre plaiſans ruiſſeaux leurs ondes argentees
Au trauers la foreſt rouloient precipitees
Et par diuers endroits, & comme ils deualloient
Dvn meſlange plaiſant leur murmure meſloient :
Les prez eſtoient parez dœilletsviolettes,
Les belles fleurs, paignoient les plaiſantes herbettes
Et les chãps seſmailloient. Tel Dieu meſme y viendroit
Voyant vn lieu ſi beau qui plaiſir y prendroit.

[…] 

 

En ligne le 08/08/23.
Dernière révision le 27/11/24.