Passa la nave mia colma
d’oblio,
Per aspro Mare a meza notte il verno
Infra Scilla,
e Caribdi,
& al gouerno
Siede’l Signor, anzi’l nemico mio:
A ciascun remo vn pensier pronto, e rio,
Che la tempesta, e’l fin par ch’abbi a scherno:
La vela rompe vn vento humido eterno
Di sospir, di speranze, e di desio:
Pioggia di lagrimar, nebbia di sdegni
Bagna, e rallenta le gia stanche sarte,
Che son d’error con ignorantia attorto:
Celansi i duo miei dolci vsati segni:
Morta fra l’onde è la ragion, e l’arte,
Tal, ch’incomincio a desperar del porto.
Comble
d’oubli s’en passe mon navire
Sur âpre mer
d’hiver en la minuit,
Parmi Charybde
et Scylle, où
tout me nuit,
Mon ennemi au gouvernail
empire.
Chacune
rame un dur souci retire,
Qui ni sa mort, ni la
tempête fuit :
Et puis ma voile un vent
rompt et détruit,
Qui par soupirs, espoirs et
désirs tire.
Pluye
de pleurs, nuée de dédains
Baigne et détend
mes cordes et mes voiles,
Que l’ignorance
a tissu de ses mains
Avec
erreur, j’ai pers mes deux étoiles.
Art, et raison sont
jà mises à mort,
Tant que meshui je
despère du port.
Quand le désir de ma haute
pensée
Me fait voguer en mer de ta beauté,
Espoir du fruit de ma grand loyauté
Tient voile large à mon désir haussée,
Mais cette voile ainsi en
l’air dressée,
Pour me conduire au port de privauté,
Trouve en chemin un flot de cruauté,
Duquel elle est rudement repoussée.
Puis de mes yeux la larmoyante pluie,
Et les grands vents de mon soupirant cœur,
Autour de moi émeuvent tel orage,
Que si l’ardeur de ton amour
n’essuie
Cette abondance (hélas) de triste humeur,
Je suis prochain d’un périlleux naufrage.
Mon
navire s’en va tout chargé d’oubliance
Sur une mer
fâcheuse, à minuit, en hiver,
Entre Scylle
et Charybde, ou pour le
gouverner
Mon plus grand ennemi a
pris toute puissance :
À
chacun aviron un penser se balance,
Qui veut et la
tempête et la mort éprouver,
Contre le voile un vent ne
cesse d’étriver
Humide de soupirs, de
désirs, d’espérance.
Une
pluie de pleurs, la nue de malheur
A mouillé et
lâché le voile et le cordage,
Lesquels furent tissus
d’ignorance et d’erreur :
Mes
deux astres jumeaux à moi ne se présentent,
Et l’art et la
raison dans la vague s’absentent,
Si bien que je ne puis
espérer le rivage.
Ma
nef s’en va flottant dessus la mer
d’Amour,
Tantôt bas,
tantôt haut, comme les flots la pressent :
Nulles terres, nuls ports
à mes yeux s’apparaissent,
Rien que mer, rien que ciel
je ne vois à l’entour.
Mes
antennes, mon mat sont émus tout autour,
Du Sers
et de l’Autan,
qui mille assauts leur dressent :
Ma carène
s’effondre, et mes cables s’abaissent,
Et mille épais
brouillards me recèlent le jour.
Jupin
sis en son char ses destriers rouges guide,
Et tonnant,
éclairant, foudroyant par le vide,
Me met devant les yeux la
mort et son effroi.
J’appelle
en vain les Dieux,
déplorant ma fortune,
Mais sourds sont les
Jumeaux, et sourd aussi
Neptune,
La mer, les vents, les
Dieux conjurent contre moi.
description allégorique de sa peine amoureuse.
Ma barque chargée d’oubli vogue au milieu de la nuit, en hiver, sur une mer affreuse entre Scylla et Charybde, et au gouvernail est assis mon Seigneur, naguère mon ennemi ;
À chaque rame est un penser hardi et farouche qui semble se railler de la tempête et de l’issue de ce voyage ; la voile se rompt sous l’effort éternel d’un vent humide et formé de soupirs, d’espérances et de désirs ;
Une pluie de larmes, une neige de dédains baigne et alourdit les cordages déjà fatigués qui sont tissus d’erreur et d’ignorance tordues ensemble ;
Mes deux signaux, qui me guident doucement d’ordinaire, sont maintenant cachés : la raison et l’art ont péri au sein des ondes ; si bien que je commence à désespérer du port.
Mon navire, oublié par
tous, en plein hiver,
Sur la mer tourmentée, au milieu de la nuit,
Vogue entre Charybde et Scylla ; debout, mon maître,
Ou mieux mon ennemi, se tient au gouvernail.
L’inquiétude
ardente et mauvaise qui semble
Braver tempête et mort, manœuvre chaque rame ;
Sous un vent constamment gonflé de longs soupirs
D’espoirs et de désirs, la voile est
déchirée ;
Les larmes en torrent, les
dédains en nuage,
S’en viennent alourdir les haubans fatigués
Et déjà surchargés d’erreur
et d’ignorance.
Mes guides coutumiers disparaissent
tous deux ;
Habileté, raison, sont mortes dans l’orage ;
Je crains de ne jamais arriver à bon port.
Comble
d’oubli s’en passe mon navire
Sur âpre mer
d’hiver en la minuit,
Parmi Charybde
et Scylle, où
tout me nuit,
Mon ennemi au gouvernail
empire.
Chacune
rame un dur souci retire,
Qui ni sa mort, ni la
tempête fuit :
Et puis ma voile un vent
rompt et détruit,
Qui par soupirs, espoirs et
désirs tire.
Pluye
de pleurs, nuée de dédains
Baigne et détend
mes cordes et mes voiles,
Que l’ignorance
a tissu de ses mains
Avec
erreur, j’ai pers mes deux étoiles.
Art, et raison sont
jà mises à mort,
Tant que meshui je
despère du port.
Quand le désir de ma haute
pensée
Me fait voguer en mer de ta beauté,
Espoir du fruit de ma grand loyauté
Tient voile large à mon désir haussée,
Mais cette voile ainsi en
l’air dressée,
Pour me conduire au port de privauté,
Trouve en chemin un flot de cruauté,
Duquel elle est rudement repoussée.
Puis de mes yeux la larmoyante pluie,
Et les grands vents de mon soupirant cœur,
Autour de moi émeuvent tel orage,
Que si l’ardeur de ton amour
n’essuie
Cette abondance (hélas) de triste humeur,
Je suis prochain d’un périlleux naufrage.
Mon
navire s’en va tout chargé d’oubliance
Sur une mer
fâcheuse, à minuit, en hiver,
Entre Scylle
et Charybde, ou pour le
gouverner
Mon plus grand ennemi a
pris toute puissance :
À
chacun aviron un penser se balance,
Qui veut et la
tempête et la mort éprouver,
Contre le voile un vent ne
cesse d’étriver
Humide de soupirs, de
désirs, d’espérance.
Une
pluie de pleurs, la nue de malheur
A mouillé et
lâché le voile et le cordage,
Lesquels furent tissus
d’ignorance et d’erreur :
Mes
deux astres jumeaux à moi ne se présentent,
Et l’art et la
raison dans la vague s’absentent,
Si bien que je ne puis
espérer le rivage.
Ma
nef s’en va flottant dessus la mer
d’Amour,
Tantôt bas,
tantôt haut, comme les flots la pressent :
Nulles terres, nuls ports
à mes yeux s’apparaissent,
Rien que mer, rien que ciel
je ne vois à l’entour.
Mes
antennes, mon mat sont émus tout autour,
Du Sers
et de l’Autan,
qui mille assauts leur dressent :
Ma carène
s’effondre, et mes cables s’abaissent,
Et mille épais
brouillards me recèlent le jour.
Jupin
sis en son char ses destriers rouges guide,
Et tonnant,
éclairant, foudroyant par le vide,
Me met devant les yeux la
mort et son effroi.
J’appelle
en vain les Dieux,
déplorant ma fortune,
Mais sourds sont les
Jumeaux, et sourd aussi
Neptune,
La mer, les vents, les
Dieux conjurent contre moi.
description allégorique de sa peine amoureuse.
Ma barque chargée d’oubli vogue au milieu de la nuit, en hiver, sur une mer affreuse entre Scylla et Charybde, et au gouvernail est assis mon Seigneur, naguère mon ennemi ;
À chaque rame est un penser hardi et farouche qui semble se railler de la tempête et de l’issue de ce voyage ; la voile se rompt sous l’effort éternel d’un vent humide et formé de soupirs, d’espérances et de désirs ;
Une pluie de larmes, une neige de dédains baigne et alourdit les cordages déjà fatigués qui sont tissus d’erreur et d’ignorance tordues ensemble ;
Mes deux signaux, qui me guident doucement d’ordinaire, sont maintenant cachés : la raison et l’art ont péri au sein des ondes ; si bien que je commence à désespérer du port.
Mon navire, oublié par
tous, en plein hiver,
Sur la mer tourmentée, au milieu de la nuit,
Vogue entre Charybde et Scylla ; debout, mon maître,
Ou mieux mon ennemi, se tient au gouvernail.
L’inquiétude
ardente et mauvaise qui semble
Braver tempête et mort, manœuvre chaque rame ;
Sous un vent constamment gonflé de longs soupirs
D’espoirs et de désirs, la voile est
déchirée ;
Les larmes en torrent, les
dédains en nuage,
S’en viennent alourdir les haubans fatigués
Et déjà surchargés d’erreur
et d’ignorance.
Mes guides coutumiers disparaissent
tous deux ;
Habileté, raison, sont mortes dans l’orage ;
Je crains de ne jamais arriver à bon port.
textes
modernisés
[R]
En ligne le
27/03/20.
Dernière révision le 07/07/22.