N’est-il pas mieux séant
d’un cagnard margeollet
Voir en casaque rouge un vaillant Argollet
Que de rester oisif au profond d’une ville
Sardanapalisant l’amour de quelque fille ?
CLAUDE DE PONTOUX.
Claude de Pontoux qui félicitait, sans doute, trop légèrement son ami Turrin d’avoir trouvé une parfaite Amie [1], était de Chalon en Bourgogne, né d’une famille noble.
Mon doux pays, Chalon ma belle Ville,
dit-il dans un de ses Sonnets,
Et penses-tu que je te veuille
ôter
L’honneur qu’un jour je te dois apporter ?
Il a renfermé presque toute l’histoire de sa vie dans cet autre Sonnet.
Bourgogne, France, et l’Amour
et la Muse
Me fit, me tint, me ravit, m’amusa,
Petit, grandet, jouvenceau, puis usa
Mes plus beaux ans auprès d’une Méduse
Jà quelque peu de doctrine
confuse
Ornait mon chef, quand l’Amour s’opposa
Devant mes yeux, et par eux embrasa
Mon pauvre cœur, qui dedans le feu s’use.
France me prit encor plein de vergogne
Entre le sein de ma mère Bourgogne,
Puis me sevrant, me montre à l’Univers.
Amour me vit d’un trop libre
courage,
Me prit, et puis me mettant en servage,
M’apprit la Danse et la Muse des vers.
Il ne faut qu’un court Commentaire pour expliquer ce Sonnet, et suppléer à ce qu’il ne dit pas. Pontoux distingue la Bourgogne de la France, apparemment parce que la première a eu longtemps des Maîtres particuliers. Il fut envoyé pour faire ses études dans quelque Université de France, peut-être à Paris où il est certain qu’il a fait quelque séjour. Il fit de grands progrès dans les Humanités et dans la langue Grecque, et se tourna ensuite du côté de la Médecine. Il se fit même recevoir Docteur en cette faculté : mais ses ouvrages témoignent qu’il exerça peu cette profession. Les guerres civiles l’ayant obligé de se retirer à Dole en Franche-Comté, il y connut une Demoiselle qu’il aima, et dont il se forma une idée si avantageuse, qu’il la nomma par excellence l’Idée. Ce fur pour elle qu’il composa la plus grande partie de ses poésies, où il se plaint presque toujours des rigueurs de sa maîtresse.
Le voyage qu’il fit en Italie ne diminua presque rien de la force de sa passion. Il avoue cependant qu’il y fit de nouvelles amours, et qu’il y trouva moins de contradiction. Mais son Idée était toujours présente à son esprit. Ces nouvelles amours l’amusaient, la première passion l’occupait. Il l’entretint par cette multitude de Sonnets, d’Odes, de Chansons, et autres petites pièces qui coulaient de sa plume avec rapidité, qu’il lisait ou qu’il envoyait à ses amis, et dont il fit une partie à Rome, à Padoue, à Venise, et dans les autres villes d’Italie que l’ennui plus que la curiosité l’engageait de parcourir. Plusieurs des Sonnets sont en Italien, et prouvent que l’Auteur avait bien appris cette langue.
[…]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XII, 1748, pp. 322-325
[Gallica, NUMM-50655, PDF_325_328].
Notes
[1] La « vie » de Pontoux succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle de Claude Turrin, dans laquelle est transcrit un sonnet de Pontoux sur son séjour en Italie.
En ligne le 17/09/05.
Dernière révision le 23/06/23.