Ò passi sparsi,
ò pensier vaghi, e pronti,
Ò tenace memoria, ò fiero ardore,
Ò possente desire, ò debil core,
Ò occhi miei, occhi non già, ma fonti.
Ò fronde, honor de le famose
fronti,
Ò sola insegna al gemino valore,
Ò faticosa vita, ò dolce errore,
Che mi fat’ir cercando piagge, e monti,
Ò bel viso,
ou’Amor insieme pose
Gli sproni, e’lfreno, ond’ê mi
punge, e volue,
Com’a lui piace, e calcitrar non vale,
Ò anime gentili, &
amorose,
S’alcuna hà’l mondo, e voi nude ombre, e
polue,
Deh restate a veder, qualè’l mio male.
Ô Pas épars, ô pensées soudaines,
Ô
âpre ardeur, ô mémoire tenante,
Ô cœur
débile, ô volonté puissante,
Ô vous mes yeux,
non plus yeux mais fontaines.
Ô
branche honneur des vainqueurs capitaines,
Ô seule enseigne
aux poètes duisante,
Ô douce erreur,
qui sous vie cuisante,
Me fait aller cherchant et
monts et plaines,
Ô
beau visage où amour met la bride,
Et
l’éperon, dont il me point et guide,
Comme il lui
plaît, et défense y est vaine,
Ô
gentils cœurs et âmes amoureuses,
S’il en fut onc,
et vous ombres peureuses
Arrêtez-vous,
pour voir quelle est ma peine.
O
uiua fiamma , o miei sospiri ardenti ,
O miserabil duol ,
o spirti lassi ,
O pensier d’ogni
speme ignudi & cassi ,
O strali nel mio cor fieri
& pungenti ;
O
bei desir de l’honorate menti ,
O uane imprese , o
dolorosi passi ,
O selue , o
piaggie , o fonti , o fiumi , o
sassi ,
O spietata cagion de miei
tormenti :
O
gloriosi allori , o uerdi mirti ,
O luogo un tempo
à me dolce , & giocondo ,
Oue io gia sparsi dilettoso
canto ;
O
uoi leggiadri & amorosi spirti ,
S’alcun uiue qua
giu nel basso mondo ,
Pieta ui prenda del mio
acerbo pianto .
Ô
faible Esprit,
chargé de tant de peines,
Que ne veux-tu sous la
Terre
descendre ?
Ô
Cœur ardent, que
n’es-tu mis en cendre ?
Ô tristes yeux,
que n’êtes-vous fontaines ?
Ô
bien douteux ! ô
peines trop certaines !
Ô doux savoir,
trop amer à comprendre !
Ô
Dieu, qui fais, que tant
j’ose entreprendre,
Pourquoi rends-tu mes
entreprises vaines ?
Ô
jeune Archer,
Archer, qui n’as
point d’yeux,
Pourquoi si droit as-tu
pris ta visée ?
Ô vif flambeau,
qui embrases les Dieux,
Pourquoi
as-tu ma froideur attisée ?
Ô face
d’Ange ! ô cœur de
Pierre
dure !
Regarde au moins le
tourment, que j’endure.
Ô traits fichés
dans le but de mon âme,
Ô folle emprise, ô pensers repensés,
Ô vainement mes jeunes ans passés,
Ô miel, ô fiel, dont me repaît Madame.
Ô chaud, ô froid,
qui m’englace et m’enflamme,
Ô prompts désirs d’espérance
cassés,
Ô douce erreur, ô pas en vain tracés,
Ô monts, ô rocs, que ma douleur entame.
Ô Terre, ô mer,
chaos, destins et cieux,
Ô nuit, ô jour, ô Mânes
stygieux,
Ô fière ardeur, ô passion trop
forte :
Ô vous Démons, et
vous divins Esprits,
Si quelque amour quelquefois vous a pris,
Voyez pour Dieu quelle peine je porte.
Ô
pas en vain perdus ! ô espérances vaines !
Ô trop puissant
désir ! ô par trop faible cœur !
Ô trop flatteuse
amour ! ô trop âpre langueur !
Ô mes yeux, non
plus yeux, mais de pleurs deux fontaines !
Ô
soulas peu certains, tristesses trop certaines !
Ô pour si claire
foi, trop aveugle rigueur !
Ô
grâces, ô beautés, dont la belle vigueur
En vigueur entretient
toujours fraîches mes peines !
Ô
souhaits, ô soupirs, ô pensers, ô
regrets !
Ô
prés, campagnes, eaux, ô roches, ô
forêts !
Ô
déesses, ô dieux, de la terre et de
l’onde.
Ô
ciel, ô terre, ô mer ! ô dieu qui luis
le jour,
Déesse qui la
nuit, voyez-vous autre amour
Qui fasse qu’en
Amant tant de tristesse
abonde ?
Ô longs désirs,
ô espérances vaines,
Tristes soupirs et larmes coutumières
À engendrer de moi maintes rivières,
Dont mes deux yeux sont sources et fontaines :
Ô cruautés,
ô durtés inhumaines,
Piteux regards des célestes lumières :
Du cœur transi ô passions premières,
Estimez-vous croître encore mes peines ?
Qu’encor Amour sur moi son
arc essaie,
Que nouveaux feux me jette et nouveaux dards :
Qu’il se dépite, et pis qu’il pourra
fasse :
Car je suis tant navrée en
toutes parts,
Que plus en moi une nouvelle plaie,
Pour m’empirer ne pourrait trouver place.
Ô sot désir trop
vainement perdu,
Ô lourd discours d’une vague pensée,
Ô espérance en rien
récompensée,
Ô temps volage à crédit
dépendu,
Ô âme, ô
sens pour néant éperdu,
Ô foi par moi trop follement jurée,
Ô liberté sans profit conjurée,
Ô frêle bien longuement attendu,
Ô cieux cruels, ô
grossière nature,
Ô fier destin, ô perverse influence,
Ô plaie étrange, ô étrange
pointure,
Ô peu d’esprit,
ô peu de connaissance,
Si ce bien-là pour qui ce mal j’endure
S’évanouit dès lors de sa naissance.
Ô pas épars,
ô penser vagabond,
Ô souvenir constant, ô fière ardeur,
Ô fort désir, ô imbécile
cœur,
Ô mes yeux, yeux non, mais fontaines sont.
Ô Dame, qui me fais hausser
le front,
Ô seule enseigne au Poétique cœur,
Ô vie trop peineuse, ô doux erreur,
Qu’aller me fais par plaines et par mont.
Ô beau regard auquel
l’amour a mis
L’épron, et frein, dont il me tourne, et pique,
Comme il lui plaît, sans pouvoir résister.
Ô vous gentils, et amoureux
esprits,
Vous ombres ? qu’on voit par le monde errer,
Voyez l’ennui que me donne Angélique.
Ô vive et sainte flamme,
ô mes soupirs ardents,
Ô misérable deuil, ô folle outrecuidance,
Ô pensers dénués de leur longue
espérance,
Ô traits qui dans mon cœur devenez plus
cuisants :
Ô divines beautés
sources de mes tourments,
Ô beaux désirs vainqueurs de ma jeune constance,
Ô bel astre ascendant de ma triste naissance,
Ô sœurs qui dévidez le filet de mes
ans :
Ô fleuves, ô
forêts, ô déserts, ô fontaines,
Ô beaux lieux où jadis je soulageais mes peines,
Ô Myrtes, ô Lauriers, ô gracieux
appâts :
Ô Mânes qui errez
parmi l’ombre éternelle,
Si quelque souvenir reste après le trépas,
Au moins prenez pitié de ma douleur cruelle.
Ô
guerre, ô paix, ô prise, ô
délivrance,
Ô clair Titan, ô Lune, ô feux divers,
Ô jour, ô nuit, ô cris, ô Lyre,
ô vers,
Ô pas, ô soins, ô peur, ô
assurance.
Ô faux espoirs, ô
désir, ô souffrance,
Ô braise, ô glace, ô sort, ô
maux pervers,
Ô pleurs, ô ris, ô pensements ouverts,
Ô joie, ô deuil, ô trompeuse apparence.
Ô gens, ô champs,
ô bois, ô gais Oiseaux,
Ô drus Poissons, ô fleuves, ô ruisseaux,
Ô prés, ô fleurs, ô rocs,
ô monts, ô plaines.
Ô froid, ô chaud,
ô mer, ô terre, ô Cieux,
Ô vous Démons, ô Chaos
Stygieux :
Voyez pour Dieu le comble de mes peines !
il est le plus malheureux des amants.
Ô pas épars ; ô pensers errants et fugitifs ; ô tenace mémoire ; ô cruelle ardeur ; ô puissants désirs ; ô faible cœur ; ô mes yeux, qui n’êtes plus des yeux, mais des fontaines ;
Ô feuillage, honneur des illustres fronts, enseigne unique que suit la double valeur ; ô pénible existence, ô douce erreur, qui me faites parcourir les plaines et les monts ;
Ô visage charmant où l’Amour a placé à la fois les éperons et le frein dont il me pique et me dirige comme il lui plaît, sans qu’il serve à rien de regimber ;
Ô nobles âmes amoureuses, s’il en est encore au monde, et vous, ombres nues dont les corps sont devenus poussière, arrêtez-vous de grâce, et voyez quels maux sont les miens.
Ô Pas épars, ô pensées soudaines,
Ô
âpre ardeur, ô mémoire tenante,
Ô cœur
débile, ô volonté puissante,
Ô vous mes yeux,
non plus yeux mais fontaines.
Ô
branche honneur des vainqueurs capitaines,
Ô seule enseigne
aux poètes duisante,
Ô douce erreur,
qui sous vie cuisante,
Me fait aller cherchant et
monts et plaines,
Ô
beau visage où amour met la bride,
Et
l’éperon, dont il me point et guide,
Comme il lui
plaît, et défense y est vaine,
Ô
gentils cœurs et âmes amoureuses,
S’il en fut onc,
et vous ombres peureuses
Arrêtez-vous,
pour voir quelle est ma peine.
O
uiua fiamma , o miei sospiri ardenti ,
O miserabil duol ,
o spirti lassi ,
O pensier d’ogni
speme ignudi & cassi ,
O strali nel mio cor fieri
& pungenti ;
O
bei desir de l’honorate menti ,
O uane imprese , o
dolorosi passi ,
O selue , o
piaggie , o fonti , o fiumi , o
sassi ,
O spietata cagion de miei
tormenti :
O
gloriosi allori , o uerdi mirti ,
O luogo un tempo
à me dolce , & giocondo ,
Oue io gia sparsi dilettoso
canto ;
O
uoi leggiadri & amorosi spirti ,
S’alcun uiue qua
giu nel basso mondo ,
Pieta ui prenda del mio
acerbo pianto .
Ô
faible Esprit,
chargé de tant de peines,
Que ne veux-tu sous la
Terre
descendre ?
Ô
Cœur ardent, que
n’es-tu mis en cendre ?
Ô tristes yeux,
que n’êtes-vous fontaines ?
Ô
bien douteux ! ô
peines trop certaines !
Ô doux savoir,
trop amer à comprendre !
Ô
Dieu, qui fais, que tant
j’ose entreprendre,
Pourquoi rends-tu mes
entreprises vaines ?
Ô
jeune Archer,
Archer, qui n’as
point d’yeux,
Pourquoi si droit as-tu
pris ta visée ?
Ô vif flambeau,
qui embrases les Dieux,
Pourquoi
as-tu ma froideur attisée ?
Ô face
d’Ange ! ô cœur de
Pierre
dure !
Regarde au moins le
tourment, que j’endure.
Ô traits fichés
dans le but de mon âme,
Ô folle emprise, ô pensers repensés,
Ô vainement mes jeunes ans passés,
Ô miel, ô fiel, dont me repaît Madame.
Ô chaud, ô froid,
qui m’englace et m’enflamme,
Ô prompts désirs d’espérance
cassés,
Ô douce erreur, ô pas en vain tracés,
Ô monts, ô rocs, que ma douleur entame.
Ô Terre, ô mer,
chaos, destins et cieux,
Ô nuit, ô jour, ô Mânes
stygieux,
Ô fière ardeur, ô passion trop
forte :
Ô vous Démons, et
vous divins Esprits,
Si quelque amour quelquefois vous a pris,
Voyez pour Dieu quelle peine je porte.
Ô
pas en vain perdus ! ô espérances vaines !
Ô trop puissant
désir ! ô par trop faible cœur !
Ô trop flatteuse
amour ! ô trop âpre langueur !
Ô mes yeux, non
plus yeux, mais de pleurs deux fontaines !
Ô
soulas peu certains, tristesses trop certaines !
Ô pour si claire
foi, trop aveugle rigueur !
Ô
grâces, ô beautés, dont la belle vigueur
En vigueur entretient
toujours fraîches mes peines !
Ô
souhaits, ô soupirs, ô pensers, ô
regrets !
Ô
prés, campagnes, eaux, ô roches, ô
forêts !
Ô
déesses, ô dieux, de la terre et de
l’onde.
Ô
ciel, ô terre, ô mer ! ô dieu qui luis
le jour,
Déesse qui la
nuit, voyez-vous autre amour
Qui fasse qu’en
Amant tant de tristesse
abonde ?
Ô longs désirs,
ô espérances vaines,
Tristes soupirs et larmes coutumières
À engendrer de moi maintes rivières,
Dont mes deux yeux sont sources et fontaines :
Ô cruautés,
ô durtés inhumaines,
Piteux regards des célestes lumières :
Du cœur transi ô passions premières,
Estimez-vous croître encore mes peines ?
Qu’encor Amour sur moi son
arc essaie,
Que nouveaux feux me jette et nouveaux dards :
Qu’il se dépite, et pis qu’il pourra
fasse :
Car je suis tant navrée en
toutes parts,
Que plus en moi une nouvelle plaie,
Pour m’empirer ne pourrait trouver place.
Ô sot désir trop
vainement perdu,
Ô lourd discours d’une vague pensée,
Ô espérance en rien
récompensée,
Ô temps volage à crédit
dépendu,
Ô âme, ô
sens pour néant éperdu,
Ô foi par moi trop follement jurée,
Ô liberté sans profit conjurée,
Ô frêle bien longuement attendu,
Ô cieux cruels, ô
grossière nature,
Ô fier destin, ô perverse influence,
Ô plaie étrange, ô étrange
pointure,
Ô peu d’esprit,
ô peu de connaissance,
Si ce bien-là pour qui ce mal j’endure
S’évanouit dès lors de sa naissance.
Ô pas épars,
ô penser vagabond,
Ô souvenir constant, ô fière ardeur,
Ô fort désir, ô imbécile
cœur,
Ô mes yeux, yeux non, mais fontaines sont.
Ô Dame, qui me fais hausser
le front,
Ô seule enseigne au Poétique cœur,
Ô vie trop peineuse, ô doux erreur,
Qu’aller me fais par plaines et par mont.
Ô beau regard auquel
l’amour a mis
L’épron, et frein, dont il me tourne, et pique,
Comme il lui plaît, sans pouvoir résister.
Ô vous gentils, et amoureux
esprits,
Vous ombres ? qu’on voit par le monde errer,
Voyez l’ennui que me donne Angélique.
Ô vive et sainte flamme,
ô mes soupirs ardents,
Ô misérable deuil, ô folle outrecuidance,
Ô pensers dénués de leur longue
espérance,
Ô traits qui dans mon cœur devenez plus
cuisants :
Ô divines beautés
sources de mes tourments,
Ô beaux désirs vainqueurs de ma jeune constance,
Ô bel astre ascendant de ma triste naissance,
Ô sœurs qui dévidez le filet de mes
ans :
Ô fleuves, ô
forêts, ô déserts, ô fontaines,
Ô beaux lieux où jadis je soulageais mes peines,
Ô Myrtes, ô Lauriers, ô gracieux
appâts :
Ô Mânes qui errez
parmi l’ombre éternelle,
Si quelque souvenir reste après le trépas,
Au moins prenez pitié de ma douleur cruelle.
Ô
guerre, ô paix, ô prise, ô
délivrance,
Ô clair Titan, ô Lune, ô feux divers,
Ô jour, ô nuit, ô cris, ô Lyre,
ô vers,
Ô pas, ô soins, ô peur, ô
assurance.
Ô faux espoirs, ô
désir, ô souffrance,
Ô braise, ô glace, ô sort, ô
maux pervers,
Ô pleurs, ô ris, ô pensements ouverts,
Ô joie, ô deuil, ô trompeuse apparence.
Ô gens, ô champs,
ô bois, ô gais Oiseaux,
Ô drus Poissons, ô fleuves, ô ruisseaux,
Ô prés, ô fleurs, ô rocs,
ô monts, ô plaines.
Ô froid, ô chaud,
ô mer, ô terre, ô Cieux,
Ô vous Démons, ô Chaos
Stygieux :
Voyez pour Dieu le comble de mes peines !
il est le plus malheureux des amants.
Ô pas épars ; ô pensers errants et fugitifs ; ô tenace mémoire ; ô cruelle ardeur ; ô puissants désirs ; ô faible cœur ; ô mes yeux, qui n’êtes plus des yeux, mais des fontaines ;
Ô feuillage, honneur des illustres fronts, enseigne unique que suit la double valeur ; ô pénible existence, ô douce erreur, qui me faites parcourir les plaines et les monts ;
Ô visage charmant où l’Amour a placé à la fois les éperons et le frein dont il me pique et me dirige comme il lui plaît, sans qu’il serve à rien de regimber ;
Ô nobles âmes amoureuses, s’il en est encore au monde, et vous, ombres nues dont les corps sont devenus poussière, arrêtez-vous de grâce, et voyez quels maux sont les miens.
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modernisés
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En ligne le
14/02/16.
Dernière révision le 03/06/24.