Je descendrais jusque dedans ton centre
AU SEIGNEUR frère FRANÇOIS DE CHANTELOUVE, chevalier de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem, frère G. Vigerius, mineur au convent de Libourne, désire humble salut.
Monsieur, connaissant que dès votre premier âge avez eu en singulière recommandation ceux qui portent bonne affection aux lettres, et lieux qui sont parés et embellis de belles et riches Bibliothèques, où tous auteurs sont recueillis : encore plus maintenant. Et pour en parler à la vérité, Dieu m’ayant tant favorisé que de vous voir en cette florissante, et tant renommée ville de Paris (où pour ce temps j’étais continuant mes études) certaines affaires vous y ayant conduit n’avez été si soigneux (bien que n’ayez rien omis en la diligence de vos négoces qui vous concernaient de si près) que ne vous soyez soucié encore plus affectueusement que jamais à connaître et hanter les doctes pour avec eux communiquer : et même, voir les plus anciennes et fameuses Librairies de France, témoins en sont un bon nombre de vénérables Docteurs, et belle compagnie de Gentilshommes qui vous y accompagnent : tant pour le grand Zèle et affection qu’ils vous voient porter aux amateurs de bonnes sciences, que conséquemment aux Lettres. (Comme nous en font foi une infinité de bonnes œuvres par votre industrie mises en lumière : desquelles ne doivent être privés les nobles esprits.) Et afin que vos labeurs ne fussent vains, vous reprenant le chemin de Gascogne, pour vous retirer en votre maison (pour encore appliquer votre noble esprit au labeur de quelque bon œuvre) ne fissiez cas de faire mettre lesdites œuvres en évidence, vous contentant seulement d’en avoir avec vos voisins la fruition et le plaisir. Mais pensant à part moi, et sachant le dire de la vérité devoir avoir lieu, qu’il ne faut que la chandelle soit mise sous le muid, mais sur le chandelier, afin qu’elle luise par la maison : je n’ai fait difficulté (ce que de longtemps je cherchais, pour faire toujours fleurir votre honneur et louange) de faire mettre votre labeur en lumière : M’assurant qu’il sera autant bien reçu des gaillards esprits et hommes doctes qu’on pourrait souhaiter. Et si les lecteurs y trouveront les joyeux devis des Muses, les gaillards assauts du Mascaret sur les rivières bordelaises, la permission de la puce sautelant par les lits au milieu des chaleurs estivales, d’où ils pourront tirer un grand contentement. Par quoi monsieur vous ne trouverez mauvais si j’ai usé d’une si grand’ hardiesse que de mêler parmi vos doctes labeurs, cette Épître, tant mal polie et agencée, car l’obligation, de laquelle je me sens être votre humble obligé, pour les biens reçus des nobles maisons de Pomiers et Chantelouve m’a commandé ce faire, vous suppliant très humblement la recevoir d’aussi bonne volonté que je vous la présente.
De Paris ce 30 de Septembre 1576.
Frère G. VIGERIUS,
in François de Chantelouve,
Tragédie de Pharaon et autres oeuvres
poétiques,
Paris, 1576, n.p.
[Gallica, NUMM-670624, PDF_7_8]
(texte modernisé).
Liens
Édition en ligne
* On peut lire en ligne le texte de La Tragédie de feu Gaspard de Coligny, avec introduction sur la vie et l’œuvre de Chantelouve, travail produit par le département de français de l’Université d’Exeter.
Liens non valides au 10/11/24.
En ligne le 19/10/05.
Dernière révision le 10/11/24.