Comprenant tout
tu es tout incompréhensible
ISAAC HABERT.
Suzanne Habert eut pour frère Isaac Habert [1]. Il était né à Paris, aussi bien que sa sœur, et dans la suite il devint Valet de Chambre et Secrétaire du roi Henri III. Dans sa jeunesse, il avait demeuré dans la maison de Guy de Saint Gelais, Seigneur de Lansac, Chevalier de l’Ordre du roi, Capitaine de cinquante hommes d’armes de ses Ordonnances, Vice-Amiral en Guyenne, Gouverneur pour sa Majesté des Villes de Bourg et Blaye [a]. Habert dit que ce fut dans les conversations fréquentes qu’il eut avec ce Seigneur, qu’il prit du goût pour l’éloquence et la philosophie. Sa reconnaissance pour M. de Lansac éclate dans le premier recueil de ses œuvres poétiques, qu’il publia en 1582, à l’âge de vingt-deux ans, comme il le marque dans un Sonnet qu’il adresse à son livre :
Deux fois dix ans accomplissaient mon
âge
Lorsque tu fus de mon âme enfanté ;
Deux ans après, pauvre, nu, éventé,
En divers lieux tu fus faire voyage, &c.
Ainsi il faut mettre la naissance d’Isaac Habert vers l’an 1560 supposé que l’édition de ses poésies faite en 1582 soit la première.
Il eut un second motif qui le porta à faire imprimer ce premier volume de ses poésies ; c’était de faire connaître l’amour qu’il avait eu, soit pour celle qu’il épousa, soit pour quelque autre Iris qu’il avait tendrement aimée. Il ne chante presque en effet que l’amour dans les deux livres qui composent ce recueil.
[…]
S’il n’avait que 22 ans lorsqu’il donna ce premier recueil de ses poésies, il ne devait en avoir que 25 lorsqu’il fit imprimer en 1585 ses trois livres des Météores, avec quelques autres œuvres poétiques. Cependant la matière principale de ce second recueil, et la manière dont elle est traitée, annoncent un âge plus avancé, et un écrivain beaucoup plus versé qu’on ne l’est pour l’ordinaire à cet âge-là dans les matières philosophiques et physiques. Quoi qu’il en soit, c’est au Roi qu’Habert a dédié ce nouveau recueil. L’Épître dédicatoire est en Vers, et ne roule presque encore que contre l’envie et les envieux ; c’était trop rebattre ce sujet, qui ne devait pas d’ailleurs intéresser le Roi. Ses Météores sont en vers héroïques. Habert nous expose ainsi son dessein.
Je veux chanter les corps qui prennent
leur naissance
Aux régions de l’air, la pluie et le frimas,
La manne, la rosée, et les grêleux amas
En tombant arrondis…
Le foudre, les éclairs, l’effroyable tonnerre
Et le soufre empierré dans le nuage cuit,
Les tourbillons rouants, la Comète qui luit
Aux longs rayons flammeux, les étoiles léchantes
Les rivages des eaux, que l’on appelle Ardents,
Les soupirs animés enserrés au dedans
Des plaines et des monts, dont la sortie et fuite
Ont par maints tremblements mainte Ville détruite.
Je dirai puis après comme en l’air pluvieux
Sur le front de la nue apparaît l’arc des Cieux
Vis à vis du Soleil, et comme sa peinture
De diverses couleurs émaille sa voûture,
D’où vient qu’en temps serein dedans le
Ciel paraît
Un long chemin de lait, et ce grand feu qui croît
En forme de clochers, de chèvres enflammées,
De larmes, de tisons, de boules allumées.
[…]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XIII, 1752, pp. 53-57
[Gallica, NUMM-50656, PDF_79_83]
(texte modernisé).
Notes
[1] La « vie » d’Isaac Habert succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle de son père Pierre Habert, qui se termine par l’évocation de la vie savante et pieuse de sa sœur Suzanne.
[a] Note marginale : « Préf. des œuvr. poët. d’Is. Hab. »
Liens
Compte rendu de lecture
* On peut lire un compte rendu de lecture, par Roland Guillot, de l’édition critique des Amours et Baisers d’Isaac Habert publiée par Nathalie Mahé chez Droz en 1999, paru dans la revue Réforme, Humanisme, Renaissance, (volume 50, 2000) en ligne sur Persee, portail de publication électronique de revues scientifiques en sciences humaines et sociales.
Liens valides au 07/07/23.
Tout doit quelque jour périr
même la voûte céleste
En ligne le 04/05/08.
Dernière révision le 07/07/23.