J’étais tout seul entier en mon essence
Au paradis de l’amour de moi-même
Guillaume Des Autels
Guillaume Des Autels pouvait dire, avec plus de raison que Sylvain [a], que les Muses ne lui avaient guère appris qu’à composer les plus folles chansons : l’Amour est l’objet principal de ses poésies. Le Père Nicéron dit que ce Poète était né à Montcenis en Bourgogne : il s’est trompé. Des Autels dit lui-même en plusieurs endroits de ses ouvrages, qu’il naquit à Charolles. Ce fut vers 1529 puisque son portrait marque qu’il avait vingt-quatre ans en 1553. Il était fils de Syacre des Autelz, Écuyer, dont il a fait cette épitaphe [Amoureux Repos, PDF_172] :
Apprends, passant, quel fruit avec son
los
Porte vertu : celui duquel les os
Gisent ici, la suivit tout son âge :
Qui en mourant laissa à son fils seul
La pauvreté, les affaires, le deuil,
Et bon renom, pour tout son héritage.
Guillaume avait cependant une terre à Vernoble dans le Charolais, mais qui était apparemment d’un modique revenu, puisqu’il l’appelle son petit champ, non tant riche que noble. Ce lieu était situé fort près de Bissy, puisque le château de ce nom pouvait être vu de Vernoble [Amoureux Repos, PDF_169].
Mon petit Champ non tant riche, que
noble,
Tu m’es autant, voire plus, cher tenu,
Que si en toi je recueillais, Vernoble,
D’un Persien Règne le revenu.
Tu es à moi de mes aïeux venu :
Et d’un humble œil tu vois réveremment
Du haut Bissy l’orgueilleux
bâtiment.
Cette proximité faisait d’autant plus de plaisir au Seigneur de Vernoble qu’elle lui donnait lieu de fréquenter souvent les Seigneurs de Bissy, et en particulier Pontus de Tyard, dont il était proche parent, et qui avait, comme lui, la même inclination pour la poésie. C’est ce qu’il dit dans une Ode qu’il adressa au dernier.
Notre grande similitude
D’affection et d’étude,
Et ton superbe Bissy,
Approché si près d’ici,
Qu’il peut voir la révérence
Que lui fait ma demeurance ;
Et de Nature la loi,
qui d’une même semence,
D’assez proche conséquence,
A produit et toi et moi.…
Étienne ton ayeul, frère
D’Anne, mère de ma
mère, &c.
Des Autels étudia le Droit à Valence en Dauphiné ; mais il ne paraît pas qu’il ait jamais fait un grand usage de cette science. La Poésie Latine et Française l’occupait plus que l’étude des Lois. Ce fut durant son séjour à Valence, qu’il fit à l’imitation du Pantagruel de Rabelais, un petit ouvrage qu’il intitula : Fanfreluche & Gaudichon, mythistoire Baragouine de la valeur de dix Atomes pour la recréation de tous Fanfreluchistes. Ce livre fut imprimé depuis à Lyon en 1559 et l’on en a encore quelqu’autre édition. L’Auteur de la Bibliothèque de Romans le traite de Livre gaillard, facétieux & satyrique (T. 2, p. 257). L’avait-il lu ? Tout m’y a paru extrêmement plat et fade ; il ne ressemble en rien au Pantagruel de Rabelais ; et si c’en est une copie, c’en est certainement une fort mauvaise. [R]
L’Auteur était à Lyon lorsque Joachim Du Bellay passa par cette Ville pour aller à Rome, et il ne manqua pas de profiter de cette occasion pour chanter dans une Ode [b] les louanges du voyageur, et lui souhaiter toute sorte de prospérités [Amoureux Repos, PDF_173_174]. Ce fut vers le même temps qu’il alla à Romans en Dauphiné, dont il a fait aussi l’éloge dans une Ode. Cette Ville lui plaisait cependant moins par elle même que par la connaissance qu’il y avait faite d’une Demoiselle, pour laquelle il se sentit une forte inclination. Il l’appelle Denyse (Amour. Rep. Sonn. 75), et ne la qualifie jamais autrement que sa sainte. Cette fille avait vingt ans en 1553 comme on le voit par son portrait, que Des Autels fit graver à côté du sien au-devant de son amoureux repos ; et cette date s’accorde avec ce qu’il dit dans le même ouvrage, qu’elle était née le 16 Février de l’année en laquelle se fit la Ligue de Cambrai, c’est-à-dire, en 1533 (Ib. Sonn. 35). [R]
Il avait quitté le Dauphiné, lorsqu’il fit imprimer en 1553, l’ouvrage que je viens de citer, puisqu’il dit, au commencement, qu’il y avait déjà trois ans qu’il était éloigné de sa sainte. Il était même engagé dans les liens du mariage, ayant épousé Jeanne de la Bruyère, à qui il adresse une de ses Épigrammes, à la fin du même livre, dans laquelle il lui promet de ne plus écrire d’amours [Amoureux Repos, PDF_171]. Il n’avait pas été oisif depuis son retour, comme on le voit par sa dispute avec Louis Meigret sur l’orthographe et la prononciation Française. Je vous ai rendu compte ailleurs de cette dispute où la vivacité se montra beaucoup plus que la raison. La Croix-du-Maine dit que Des Autels traduisit Lucrèce en vers Français : cette traduction n’a jamais paru. Il ajoute que l’Auteur vivait encore en 1570. Il aurait pu dire qu’il était encore au monde en 1576 puisqu’on lit un Sonnet de sa façon à la tête de la Gélodacrye de Claude de Pontoux, qui fut imprimé ladite année.
[…]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome 12, 1748, pp. 343-347
[Gallica, NUMM-50655, PDF_346_350]
(texte modernisé).
[a] La « vie » de Guillaume Des Autels succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle d’Alexandre Sylvain.
[b] « une Ode » : le poème en question est un sonnet.
Je me plains, dame, et me plains
seulement
De toi, de moi, du ciel, et de la mort.
Liens
Éditions en ligne
* On peut télécharger le fichier PDF d’une transcription, par G. de Sauza, de la Harangue au peuple François de Des Autels (1560) depuis une page du Groupe Renaissance et Âge Classique de l’Université Lumière Lyon 2.
* Une transcription, par Donatella Salvetti (1947-2002), de la Mitistoire barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon (édition de 1574) est disponible en ligne, avec une introduction à la vie et à l’œuvre de Des Autels.
Liens valides au 12/06/18.
Je cours dévôt
à rames et à voiles
À la beauté qui fait honte aux étoiles
En ligne le 12/12/04.
Dernière révision le 30/05/23.