Francesco PETRARCA (1304-1374)

NE per sereno cielo ir uaghe stelle

ne par tranquillo mar legni spalmati
ne per campagne caualieri armati
ne per bei boschi allegre fere & snelle
ne daspectato ben fresche nouelle
ne dir damore instili alti & ornati
ne tra chiare fontane & uerdi prati
dolce cantare honeste donne & belle

N e altro sara mai chalcor magiunga
si seco il seppe quella sepellire
che sola agliocchi miei fu lume et speglio
Noia me el uiuer si grauosa & lunga
chi chiamoil fine per lo grande desire
di riueder chui non ueder ful meglio

Avignon, B. Bonhomme, 1555, II, XXVI, pp. 215-216 [←Gallica].

Au ciel n’y ha estoiles, tant soient belles,
Ne par la mer bois froissez ou glissans,
Ne par les champs Cheualiers reluisans,
Ne d’attendu plaisir fresches nouuelles:

Ne par forestz courir feres rebelles,
N’ouir d’amours chants ornés & duisans,
Ne jouuenceaux par prais & lieux plaisans
Long d’un ruisseau auecques damoiselles,

Ne cas aucun est, qui triste, ou ioyeux
Face mon cœur: tant l’ha enseueli
Celle qui fut lumiere de mes yeulx.

Tant las de uiure est mon corps affoibli,
Que ueulx & ueulx mourir, seul pour reuoir
Ce qu’a mes yeulx mieux eust ualu ne uoir.

Paris, G. Corrozet & A. L’Angelier, 1550, XCVI, f° E1r° [←Gallica].

Ny par les bois les Driades courantes,
Ny par les champs les fiers scadrons armez,
Ny par les flotz les grands vaisseaux ramez,
Ny sur les fleurs les abeilles errantes,

Ny des forestz les tresses verdoyantes,
Ny des oiseaux les corps bien emplumez,
Ny de la nuit les flambeaux allumez,
Ny des rochers les traces ondoyantes,

Ny les piliers des sainctz temples dorez,
Ny les palais de marbre elabourez,
Ny l’or encor’, ny la perle tant clere,

Ny tout le beau, que possedent les cieulx,
Ny le plaisir pouroit plaire à mes yeulx,
Ne voyant point le Soleil, qui m’eclere.

Paris, veuve Maurice de La Porte, 1552, p. 30 [←Gallica].

Ny voyr flamber au point du iour les roses,
Ny lis planté sus le bord d’vn ruisseau,
Ny chant de luth, ny ramage d’oyseau,
Ny dedans l’or les gemmes bien encloses.

Ny des zephyrs les gorgettes descloses,
Ny sur la mer le ronfler d’vn vaisseau,
Ny bal de Nymphe au gazouilliz de l’eau,
Ny de mon cuœur mille metamorphoses.

Ny camp armé de lances herissé,
Ny antre verd de mousse tapissé,
Ny les Syluains qui les Dryades pressent,

Et ia desia les dontent a leur gré,
Tant de plaisirs ne me donnent qu’vn Pré,
Ou sans espoyr mes esperances paissent.

Les Poèmes, Premier livre, L’Aimée,
Bordeaux, Simon Millanges, 1576, Sonnets, f° 39r°v° [←Gallica].

Ni voir le peuple espais, qui troupe a qui troupe arriue,
Ni d’ouïr au reflot le murmure des eaux,
Ni voir sur l’eau ramer mille & mille vaisseaux,
Ni la fraischeur qu’on prend au bord de cete riue.

Ni de voir promener la briguade lassiue,
Qu’Amour tient en ses rets, de mille damoiseaux,
Ni pouuoir s’esjouïr de mille esbats nouueaux,
Celà ne peut flater la loi qui nous captiue.

Dure & cruelle loi, qui contre mon desir
Me fait d’vn entretien desrober ton plaisir,
Pour couurir ton larcin fait en chose plus grande.

Dure & cruelle loi, qui te contraint aussi
De faindre, pour cacher ton amoureux souci,
A autre Saint qu’au tien, adresser ton offrande.

Gramont, Ni dans le ciel serein… (1842)   ↓   ↑   ⇑  →t.m.
Poésies de Pétrarque, « Après la mort de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CCLXXI, p. 210 [←Gallica].

rien ne peut conso­ler sa douleur

Ni dans le ciel serein la marche des errantes étoiles ; ni sur une mer tran­quille celle des bateaux gou­dron­nés ; ni le pas­sage des cava­liers armés à tra­vers la cam­pagne, ou des bêtes allègres et bon­dis­santes à tra­vers de beaux bois ;

Ni de fraîches nou­velles d’un bien que l’on at­tend ; ni les récits d’amour en style noble et choisi ; ni, par­mi les lim­pides fon­taines et les prés ver­doyants, les doux chants des dames chastes et belles ;

Ni rien enfin ne se trou­ve­ra jamais qui puisse at­teindre à mon cœur ; si bien le sut avec elle en­se­ve­lir celle qui fut seule pour mes yeux le foyer de lu­mière ain­si que le mi­roir.

Vivre m’est un ennui si pé­nible et si long que j’in­voque le tré­pas, à cause du grand dé­sir qui me tient de revoir celle qu’il eût mieux valu ne pas voir.

























Avignon, B. Bonhomme, 1555, II, XXVI, pp. 215-216 [←Gallica].

Au ciel n’y ha estoiles, tant soient belles,
Ne par la mer bois froissez ou glissans,
Ne par les champs Cheualiers reluisans,
Ne d’attendu plaisir fresches nouuelles:

Ne par forestz courir feres rebelles,
N’ouir d’amours chants ornés & duisans,
Ne jouuenceaux par prais & lieux plaisans
Long d’un ruisseau auecques damoiselles,

Ne cas aucun est, qui triste, ou ioyeux
Face mon cœur: tant l’ha enseueli
Celle qui fut lumiere de mes yeulx.

Tant las de uiure est mon corps affoibli,
Que ueulx & ueulx mourir, seul pour reuoir
Ce qu’a mes yeulx mieux eust ualu ne uoir.

Paris, G. Corrozet & A. L’Angelier, 1550, XCVI, f° E1r° [←Gallica].

Ny par les bois les Driades courantes,
Ny par les champs les fiers scadrons armez,
Ny par les flotz les grands vaisseaux ramez,
Ny sur les fleurs les abeilles errantes,

Ny des forestz les tresses verdoyantes,
Ny des oiseaux les corps bien emplumez,
Ny de la nuit les flambeaux allumez,
Ny des rochers les traces ondoyantes,

Ny les piliers des sainctz temples dorez,
Ny les palais de marbre elabourez,
Ny l’or encor’, ny la perle tant clere,

Ny tout le beau, que possedent les cieulx,
Ny le plaisir pouroit plaire à mes yeulx,
Ne voyant point le Soleil, qui m’eclere.

Paris, veuve Maurice de La Porte, 1552, p. 30 [←Gallica].

Ny voyr flamber au point du iour les roses,
Ny lis planté sus le bord d’vn ruisseau,
Ny chant de luth, ny ramage d’oyseau,
Ny dedans l’or les gemmes bien encloses.

Ny des zephyrs les gorgettes descloses,
Ny sur la mer le ronfler d’vn vaisseau,
Ny bal de Nymphe au gazouilliz de l’eau,
Ny de mon cuœur mille metamorphoses.

Ny camp armé de lances herissé,
Ny antre verd de mousse tapissé,
Ny les Syluains qui les Dryades pressent,

Et ia desia les dontent a leur gré,
Tant de plaisirs ne me donnent qu’vn Pré,
Ou sans espoyr mes esperances paissent.

Les Poèmes, Premier livre, L’Aimée,
Bordeaux, Simon Millanges, 1576, Sonnets, f° 39r°v° [←Gallica].

Ni voir le peuple espais, qui troupe a qui troupe arriue,
Ni d’ouïr au reflot le murmure des eaux,
Ni voir sur l’eau ramer mille & mille vaisseaux,
Ni la fraischeur qu’on prend au bord de cete riue.

Ni de voir promener la briguade lassiue,
Qu’Amour tient en ses rets, de mille damoiseaux,
Ni pouuoir s’esjouïr de mille esbats nouueaux,
Celà ne peut flater la loi qui nous captiue.

Dure & cruelle loi, qui contre mon desir
Me fait d’vn entretien desrober ton plaisir,
Pour couurir ton larcin fait en chose plus grande.

Dure & cruelle loi, qui te contraint aussi
De faindre, pour cacher ton amoureux souci,
A autre Saint qu’au tien, adresser ton offrande.

Gramont, Ni dans le ciel serein… (1842)   ↓   ↑   ⇑ o
Poésies de Pétrarque, « Après la mort de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CCLXXI, p. 210 [←Gallica].

rien ne peut conso­ler sa douleur

Ni dans le ciel serein la marche des errantes étoiles ; ni sur une mer tran­quille celle des bateaux gou­dron­nés ; ni le pas­sage des cava­liers armés à tra­vers la cam­pagne, ou des bêtes allègres et bon­dis­santes à tra­vers de beaux bois ;

Ni de fraîches nou­velles d’un bien que l’on at­tend ; ni les récits d’amour en style noble et choisi ; ni, par­mi les lim­pides fon­taines et les prés ver­doyants, les doux chants des dames chastes et belles ;

Ni rien enfin ne se trou­ve­ra jamais qui puisse at­teindre à mon cœur ; si bien le sut avec elle en­se­ve­lir celle qui fut seule pour mes yeux le foyer de lu­mière ain­si que le mi­roir.

Vivre m’est un ennui si pé­nible et si long que j’in­voque le tré­pas, à cause du grand dé­sir qui me tient de revoir celle qu’il eût mieux valu ne pas voir.

























textes originaux
[R]

 

En ligne le 24/10/20.
Dernière révision le 02/04/24.