Divine poésie ou bien sinistre prose ?…
FERDINAND DE GRAMONT.
À la Noël 1897, est mort M. le comte Ferdinand de Gramont, père de notre éminent confrère Louis de Gramont.
M. Ferdinand de Gramont avait publié plusieurs volumes de vers : les Sextines, le Chant du passé, Olim, et un grand nombre d’autres ouvrages. Il avait été très lié avec Balzac, pour qui il avait composé les blasons des personnages aristocratiques de la Comédie humaine, et qui lui avait dédié la Muse du Département.
M. de Gramont était né en 1812.
C’était un vrai poète, un des derniers de l’antique Pléïade. M. de Gramont était d’une époque où l’on tenait plus à la qualité qu’à la quantité. Il y a cinquante ans, dix sonnets suffisaient pour vous rendre célèbre ; aujourd’hui, c’est à peine si dix volumes peuvent vous faire connaître.
[…]
M. de Gramont était un homme de race militaire, et la virilité de sa pensée donnait souvent à l’accent de sa poésie quelque chose de stoïquement inconsolable. Né d’un père vendéen, ami de Charette, victime fière et pure de la fidélité au souvenir, il nous dit, dans les Chants du Passé, tous les regrets de sa jeunesse :
Je comptais retrouver cette
épouse de fer
Que de ma destinée une erreur a disjointe :
Épée ! on peut sur toi reposer ses
amours !
Car, sanglante ou ternie, un éclair à ta pointe,
Pour répondre au regard se redresse toujours.
Ainsi, comme il les chante, ces héros de la Vendée et de la Bretagne ! Comme il admire son roi et comme il l’aime !
M. de Gramont ne s’amusait pas seulement à tordre et à assouplir cette ferme langue française qui reste toujours dure comme de l’acier – même quand on en fait de la dentelle – il rimait aussi en langue italienne qu’il maniait avec une morbidesse fleurie digne de Pétrarque, et qui convenait si bien à sa nature ingénieuse et à sa pensée affinée.
C’était plus qu’un poète qui jouait avec la difficulté, c’était plus qu’un archaïste supérieur, c’était un poète pour son propre compte.
[…]
Émile Massard,
Le Feu Follet,
tome XI, n° 8, août 1900,
pp. 431-432
[Gallica, NUMM-5516264, PDF_431_432].
En ligne le 16/07/10.
Dernière révision le 23/09/21.