Francesco PETRARCA (1304-1374)
Chi vuol veder… (Canz., 248)
Venise, 1470, f° 92v° [←Gallica].

CHi uuol ueder quantunque po natura

e ciel tra noi uenga a mirar costei
che sola un sol non pur a gliocchi miei
ma almondo cieco che uertu non cura
& uenga tosto per che morte fura
prima imigliori & lascia star i rei
Questa aspectata al regno delli dei
cosa bella mortal passa & non dura

V edra se arriua atempo ogni uertute
ogni bellezza ogni real costume
giunti in un corpo con mirabil tempre
allor dira che mie rime son mute
lingegno offeso dal souerchio lume
ma se piu tarda aura da pianger sempre

Paris, Gilles Corrozet, 1539, sonnet 3, ff. 2v°-3r° [←Gallica].

Qui uouldra ueoir tout ce que peult Nature,
Contempler uienne une qui en tous lieux
Est ung soleil, ung soleil a mes yeulx,
Voire aux ruraulx, qui de uertu n’ont cure.

Et uienne tost, car mort prent (tant est dure)
Premier les bons, laissant les uicieux,
Puis ceste cy s’en ua du reng des dieux:
Chose mortelle & belle bien peu dure.

S’il uient a temps uerra toute beaulte,
Toute uertu, & meurs de royaulte,
Ioinctz en ung corps, par merueilleux secret:

Alors dira que muette est ma ryme,
Et que clarte trop grende me supprime,
Mais si trop tarde aura tousiours regret.

Paris, Étienne Groulleau, 1553, Sonnets, f° 11r° [←Gallica].

Qui voudra voir ensemble apertement
Ce qui fut onc de grace, & gentilesse,
Et de beauté, s’en vienne à ma maistresse
La contempler, mais vienne promptement.

Voye l’or fin qui si parfaitement
Orne son chef, puis ce front qui m’adresse,
Puis ceste bouche, ou la plus grand’ richesse,
De l’Orient est chose exactement.

Ces yeux apres les fleches, retz, & flamme,
Dequoy Amour blesse, prend, & enflamme,
Les cueurs, helas, des dolens bien ̮heureux.

Mais si pitié parmy ces saintes graces
Il rencontroit, ò sort auantureux
Vn plus grand heur ie croy que tu n’embrasses.

Gramont, Quiconque désire voir… (1842)   ↓   ↑   ⇑  →t.m.
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure », sonnet CCX,
Paris, Paul Masgana, 1842, p. 167 [exemplaire personnel].

excellence de sa dame.

Quiconque désire voir tout ce que peuvent la Na­ture et le Ciel ici-bas, vienne contem­pler celle-ci qui est seule un so­leil, non seu­le­ment pour mes yeux, mais pour ce monde aveugle et in­sou­cieux de la ver­tu.

Et qu’il vienne promp­te­ment ; car la Mort en­lève d’abord les meil­leurs, et laisse vivre les mé­chants : cette belle créa­ture atten­due au royaume des Dieux est mor­telle, et elle ne fait que pas­ser sans s’ar­rê­ter.

Il verra, s’il arrive à temps, toute ver­tu, toute beau­té, toute royale ha­bi­tude, réu­nies dans un corps avec une admi­rable har­mo­nie.

Alors il dira que mes rimes sont muettes, l’es­prit étant acca­blé par l’ex­cès de la lu­mière : mais s’il dif­fère da­van­tage, il se pré­pare un éter­nel su­jet de larmes.

























Paris, Gilles Corrozet, 1539, sonnet 3, ff. 2v°-3r° [←Gallica].

Qui uouldra ueoir tout ce que peult Nature,
Contempler uienne une qui en tous lieux
Est ung soleil, ung soleil a mes yeulx,
Voire aux ruraulx, qui de uertu n’ont cure.

Et uienne tost, car mort prent (tant est dure)
Premier les bons, laissant les uicieux,
Puis ceste cy s’en ua du reng des dieux:
Chose mortelle & belle bien peu dure.

S’il uient a temps uerra toute beaulte,
Toute uertu, & meurs de royaulte,
Ioinctz en ung corps, par merueilleux secret:

Alors dira que muette est ma ryme,
Et que clarte trop grende me supprime,
Mais si trop tarde aura tousiours regret.

Paris, Étienne Groulleau, 1553, Sonnets, f° 11r° [←Gallica].

Qui voudra voir ensemble apertement
Ce qui fut onc de grace, & gentilesse,
Et de beauté, s’en vienne à ma maistresse
La contempler, mais vienne promptement.

Voye l’or fin qui si parfaitement
Orne son chef, puis ce front qui m’adresse,
Puis ceste bouche, ou la plus grand’ richesse,
De l’Orient est chose exactement.

Ces yeux apres les fleches, retz, & flamme,
Dequoy Amour blesse, prend, & enflamme,
Les cueurs, helas, des dolens bien ̮heureux.

Mais si pitié parmy ces saintes graces
Il rencontroit, ò sort auantureux
Vn plus grand heur ie croy que tu n’embrasses.

Gramont, Quiconque désire voir… (1842)   ↓   ↑   ⇑   o
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure », sonnet CCX,
Paris, Paul Masgana, 1842, p. 167 [exemplaire personnel].

excellence de sa dame.

Quiconque désire voir tout ce que peuvent la Na­ture et le Ciel ici-bas, vienne contem­pler celle-ci qui est seule un so­leil, non seu­le­ment pour mes yeux, mais pour ce monde aveugle et in­sou­cieux de la ver­tu.

Et qu’il vienne promp­te­ment ; car la Mort en­lève d’abord les meil­leurs, et laisse vivre les mé­chants : cette belle créa­ture atten­due au royaume des Dieux est mor­telle, et elle ne fait que pas­ser sans s’ar­rê­ter.

Il verra, s’il arrive à temps, toute ver­tu, toute beau­té, toute royale ha­bi­tude, réu­nies dans un corps avec une admi­rable har­mo­nie.

Alors il dira que mes rimes sont muettes, l’es­prit étant acca­blé par l’ex­cès de la lu­mière : mais s’il dif­fère da­van­tage, il se pré­pare un éter­nel su­jet de larmes.

























textes originaux
[R]

 

En ligne le 02/04/24.
Dernière révision le 02/04/24.