Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

AVec les fleurs et les boutons éclos
Le beau printemps fait printaner ma peine,
Dans chaque nerf, et dedans chaque veine
Soufflant un feu qui m’ard jusques à l’os.

Le Marinier ne compte tant de flots,
Quand plus Borée horrible son haleine,
Ni de sablons l’Afrique n’est si pleine,
Que de tourments dans mon cœur sont enclos.

J’ai tant de mal, qu’il me prendrait envie
Cent fois le jour de me trancher la vie
Minant le fort où loge ma langueur,

Si ce n’était que je tremble de crainte
Qu’après la mort ne fût la plaie éteinte
Du coup mortel qui m’est si doux au cœur.

«««  Commen­taires  »»»
de Muret

Avec les fleurs.) Il dit, que le prin­temps lui renou­velle sa dou­leur : et qu’il sent un si grand nombre de maux, que cent fois le jour il lui pren­drait envie de se tuer, si n’était qu’il craint, que la mort même ne puisse mettre fin à sa peine [ce com­men­taire semble erro­né : Ron­sard ne craint-il pas au con­traire que la mort puisse mettre fin à sa peine ? Muret donne à « ne » dans « je tremble de crainte / Qu’après la mort ne fût la plaie éteinte » (second ter­cet) valeur de né­ga­tion, alors qu’il peut s’agir d’un ex­plé­tif. Ce ter­cet final pour­rait s’en­tendre comme celui de « Ce ne sont qu’haims… » : « …fasse Amour, que mort encore j’aie / L’aigre dou­ceur de l’amou­reuse plaie, / Que vif je porte au plus beau de mon cœur. »]. Printa­ner. Rever­dir. Hor­rible. Hor­ri­bler, est rendre hor­rible. Mot inven­té par l’au­teur. Il en a usé aus­si en l’Ode de la paix. L’Afrique. Laquelle est tou­tefois mer­veil­leu­se­ment sablon­neuse. Catulle :

Quam magnus numerus Libyssæ arenæ
Lasarpiciferis iacet Cyrenis.

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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 24/03/11.
Dernière révision le 27/04/20.