Plutôt apparaîtront
mille et mille soleils,
Dans le centre profond de cette lourde masse,
Plutôt seront toujours les hommes sans courroux,
Tous les pensers plutôt se liront en la face,
Que je puisse jamais aimer autre que vous.
LES DAMES DES ROCHES,
MÈRE ET FILLE.
Les Dames Des Roches, Mère et Fille, ont eu plus de réputation que La Tayssonnière ; mais leur histoire n’en est pas plus connue. Elles étaient de Poitiers, qui s’est fait honneur de leur avoir donné la naissance, et de les avoir possédées pendant tout le temps de leur vie. La Mère se nommait Madeleine Neveu. M. Titon Du Tillet dit dans son Parnasse Français, qu’elle épousa le Sieur Fredonnoit, Seigneur Des Roches ; d’autres avaient dit la même chose avant lui. Mais Madame Des Roches qui a composé elle-même l’Épitaphe de son mari, le nomme François Éboissard, Seigneur de La Villée. Voici ce qu’elle lui fait dire dans son Épitaphe :
Veux-tu savoir, Passant, quel a
été mon être ?
Sache que la nature, et fortune, et les Cieux,
Noble, Riche et Savant autrefois m’ont fait naître,
Me rendant possesseur de leurs dons précieux.
Après avoir vécu
d’une louable vie,
Je fus pris d’un Caterre…
Je fus trente ans Breton, lié
de chaste amour,
Mon âme devant Dieu maintenant se repose,
Et mon corps en ce lieu attend le dernier jour, &c.
Les embarras du ménage ne ralentirent point l’amour de Madame Des Roches pour les lettres. Libre de tout engagement, elle avait commencé à les cultiver ; elle continua, depuis son mariage, à leur donner tous les moments qu’elle put légitimement ôter à ses autres occupations. Elle possédait bien la langue Latine, elle n’ignorait pas l’Italienne, et savait assez la grecque pour être en état de s’en servir dans le besoin. [R]
Elle n’eut de son mariage que Catherine Des Roches, qu’elle nourrit elle-même, et dont elle cultiva soigneusement les heureuses dispositions pour l’étude, qu’elle apporta en naissant, et qui se développèrent avec l’âge. Leur maison devint une espèce d’Académie où se trouvaient avec satisfaction tous ceux qui à Poitiers et aux environs avaient quelque goût pour la Littérature. Ces assemblées étaient fréquentes ; les conversations y étaient vives, animées, autant qu’elles étaient utiles ; et tous les Savants ou les beaux esprits de ce temps-là que le devoir ou la curiosité conduisaient aux Grands jours de Poitiers, ne manquaient pas de s’y trouver. [R]
Scévole de Sainte-Marthe qui s’était procuré souvent cet avantage, dit dans le court panégyrique qu’il a consacré à la mémoire des Dames Des Roches, que la sagesse et la modestie égalaient la beauté et l’étendue de leur esprit. Madeleine Neveu étant demeurée veuve, se concentra, pour ainsi dire, dans sa fille. L’union fut mutuelle ; l’affection fut réciproque. Catherine Des Roches refusa constamment les partis, même les plus avantageux, qui lui furent offerts, et méprisa les assiduités les plus persévérantes de Julien de Guersens, Sénéchal de Rennes, dont je vous dirai un mot ci-après. Elle avait coutume de dire, que la mort-même ne pourrait point la séparer de sa mère. Ce que son affection lui faisait déclarer, arriva en effet. La peste ayant affligé la Ville de Poitiers en 1587, elles moururent l’une et l’autre le même jour.
[…] [R]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XIII, 1752, pp. 256-257
[Gallica, NUMM-50656, PDF_282_283]
(texte modernisé).
Liens
Étude
* On lira l’article d’Anne R. Larsen consacré à Catherine Fradonnet, fille de Madeleine Des Roches, dans une page du Dictionnaire des Femmes de L’Ancienne France publié par la SIEFAR, Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime.
Liens valides au 10/07/19.
En ligne le 05/07/06.
Dernière révision le 20/03/22.