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MARIN
LE
SAULX |
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Théanthropogamie en forme de dialogue par sonnets chrétiens |
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Londres,
Thomas Vautrolier 1577 |
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Christ répond |
SONNET 81 Marteler sur le chef de mon loyal époux, D’une horrible fureur l’horreur de mille coups, Et sa prière avec rudement repoussée : Je voyais puis après une vague poussée D’un fort vent, qui soufflait d’un terrible courroux, Agiter rudement, puis dessus, puis dessous Une hurque flottant sur la vague insensée : Le ciel ayant lâché ses éclats foudroyants, Et la mer écumé tous ses flots effroyants, Tant que de mon époux la mort s’est ensuivie, J’ai vu incontinent rasséréner les cieux, Et la mer apaiser ses flots audacieux, La hurque en paix flottant, et le mort plein de vie. |
JE voyais sous les cieux dans le vague de l’air, De sacres et d’autours une bande bourrelle, Sifflant d’un bec crochu, et fendant l’air de l’aile, En rouant çà et là légèrement voler : Je voyais au milieu lentement bavoler D’une aile mi-rompue, une colombe belle, Fuyant les grifs mortels de la troupe cruelle, Qui cuidait aux Enfers la faire dévaler : Je voyais dessous elle en la terre immobile, Mille loups enragés, mille lions, et mille Qui cruels pourchassaient et sa chair et son sang : Chacun d’eux espérait l’engloutir tout entière, Quand un Aigle sacré d’une aile plus légère, La tira du danger dans le ciel net et blanc. |
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Christ répond |
SONNET 83 Ainsi comme l’on dit, quelque déluge d’eaux, Je l’appelle, et la mer, et les lacs clairs et beaux, Les fleuves et torrents courant parmi la plaine, Pour faire un seul courant, qui fasse une fontaine Dans mon cerveau humide, et de là deux ruisseaux, Coulant par mes deux yeux, comme par deux tuyaux, Qui témoignent l’aigreur de l’ennui qui me gêne. Pleurez avecques moi pucelles de Sion, Ayez fils de Judas de moi compassion, Sentez l’aigre rigueur de ma douleur chétive, La mort a retranché l’espoir de tout mon bien, Serrant mon cher époux d’un fier mortel lien. Réjouis-toi, ta mort sous sa mort est captive. |
S’Il y a sur la terre encor quelque justice, Et entre les humains quelque juste amitié, Quelque compassion, quelque douce pitié, Qui déteste l’horreur de quelque sanglant vice. S’il est quelque équité qui damne l’injustice, S’il est quelque douceur franche d’inimitié, Balancez droitement une seule moitié Du tort que l’on me fait, pour mon loyal service. Vote infâme péché, votre importable tort, M’a causé sans merci, et l’Enfer, et la mort, Par lesquels vous avez, et le ciel, et la vie : Je me suis à la mort pour l’homme abandonné, Et lui ai des hauts cieux l’héritage donné, Et cet homme pervers a sur ma gloire envie. |
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SONNET 85 Dessus le chef battu de mon loyal époux, Et la terre vomi l’aigreur de son courroux, Et la mort le mortel de son sanglant martyre, Satan voyant perdu le fort de son empire, Qui soulait captiver la liberté de tous, Arma le bras meurtrier qui ouvrit à grands coups Le rocher de la chair qui fait qu’aux cieux j’aspire. De son côté percé sortit une fontaine, Qui deux divers ruisseaux enfanta par la plaine, L’un de sang, l’autre d’eau courant par l’Univers, Qui pour venger de Christ la mort injurieuse, Noyèrent au profond de leur onde écumeuse, Le Diable et le péché, la mort et les enfers. |
LE ciel ayant lâché de son courroux
l’orage Dessus le chef doré de Christine aux beaux yeux, Et la terre vomi son courroux odieux, Et les enfers profonds leur dépiteuse rage, L’Antéchrist non content d’un si cruel dommage, Étant du propre bien de Christine envieux, Jeta d’un feu brûlant la flambe en mille lieux, Cuidant de ma Christine affaiblir le courage : Mais ce feu qui brûlait d’une ardeur violente, Se voûtant comme un arc sur Christine dolente, Le métal de son cœur a si bien refondu, Qu’il reluit maintenant sans aucune rouillure, N’ayant perdu au feu que l’ord de sa souillure, Et ce meurtrier se voit dans son feu confondu. |
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SONNET 87 Et fouillent dans le sein de ses secrets divers, Pour montrer puis après aux yeux de l’Univers De ses secrets éclos la vive portraiture. Disent que le serpent occit de sa pointure, Les fils du Pélican dans leur nid découverts, Qui arrosés du sang de ses côtés ouverts, Renaissent derechef vainqueurs de la morsure. Ô mille et mille fois miracle émerveillable#8239;! Ô sacré sacrement saintement remarquable ! Que nature a donné aux saints dévotieux De ce grand Pélican unique en son espèce, Qui sauve ses petits de la mort dompteresse, Par le sang de sa chair et les ravit aux cieux. |
CEux qui plus curieux cherchent soigneusement, Le secret naturel d’une chacune chose, Au sein de la nature étroitement enclose, D’un esprit fatigué docte soulagement, Disent que la colombe inviolablement, Garde société, et jamais ne dépose La première amitié, ains comme chaste épose Aime son cher mari perpétuellement. La colombe en la Loi servait au sacrifice, La colombe apporta au héraut de justice Le Sacrement de paix pour sa postérité : La colombe de Christ en loyauté unique, Porte dedans son bec la paix Évangélique, Offrant son corps pour Christ la vie et vérité. |
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SONNET 89 Et gravir au coupeau de quelque arbre sauvage, Un Dragon aguettant d’une mortelle rage, L’Éléphant qu’il a vu de cet arbre approcher, Et d’une dent bourrelle en la croupe accrocher Cet animal grondant en vain dessous la charge, Pour boire ivrognement son sang d’un gosier large, Et l’ardeur de sa soif de ce sang étancher, Puis l’Éléphant perdant avec son sang son âme, En tombant accabler ce dragon tout infâme, Et en mourant meurtrir le meurtrier de sa vie, Ainsi voit-on la mort qui d’une dent bourrelle, Poursuivait mon époux d’une mort très cruelle, Morte dessous sa mort, par sa mortelle envie. |
COmme on voit quelquefois le Sacre audacieux, Pourchassant le Héron d’une haine mortelle, Se perdre dedans l’air d’une si hautaine aile, Qu’on dirait qu’il voudrait écheler les hauts cieux, Et puis incontinent refondre en ces bas lieux D’un cingler plus isnel, et d’une force telle S’enferrer l’estomac de la propre allumelle, Du Héron qui meurtrit le sacre injurieux : Ainsi voit-on souvent sur cette terre basse, Les sacres des Enfers qui d’une fière audace Pourchassent à la mort ma colombe aux yeux verts, Qui tendant de son bec cette pointe aiguisée, Des sacres met à mort la troupe déguisée : Car son bec peut fausser les portes des Enfers. |
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________________ ¶ sacre : rapace. ¶ isnel (vers 6) : rapide (de l’allemand schnell) [La Curne, tome 7, p. 94, Gallica N0050686]. ¶ allumelle (vers 7) : lame d’épée, de poignard, de couteau; fer d’arme tranchante : arme tranchante quelcon- que [Godefroy, tome 1, p. 216, Gallica N0050634]. |
SONNET 91 Quatre monstres hideux tout recouverts d’écailles, Qui soulaient aux humains causer mille batailles, Je vis pâlement morts tout d’un coup trébucher. Dessous le dextre bras je vis à l’approcher, Le péché qui soulait de ses rouges tenailles Pincer les cœurs humains, couverts de ses entrailles, Pressé comme du faix de quelque grand rocher. Sous l’autre était l’Enfer : Satan courbait le chef Dessous le dextre pied : et la mort derechef Sous le gauche haussait sa tête demi-vive, Qui cuidait de nouveau les humains abîmer, Mais sentant l’Esprit vif ce corps mort ranimer, Elle a quitté le prix à la chair deux fois vive. |
SOus le faible pouvoir d’une main indomptable, J’ai vu courber le chef aux Princes et aux Rois, Et d’un cœur tout dévot baiser les saintes Lois De celle qui des Rois est l’effroi redoutable. De son Empire saint le sceptre inviolable, Qui fait sous l’équité de ses célestes voix, Trembler les plus puissants, n’est rien plus que sa Aux bons et aux pervers douce ou épouvantable. Tous ceux-là qui sont joug sous son autorité, Adorant de ses lois la sainte vérité, Vivent francs de la mort en l’immortelle gloire. Car ma mort a vaincu ses puissants ennemis, Que j’ai sous le pouvoir de ses secrets soumis, Pour la faire jouir du fruit de ma victoire. |
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SONNET 93 N’enfante que rondeur, droiture, et équité, Qui ce monstre hideux, qu’on nomme iniquité, Étrangle de ses mains, avec son injustice, Voyant l’homme meurtri du poison de son vice, Abandonner chétif des jours l’antiquité, Après avoir Justice et Vérité quitté, De Justice et de vie a vaincu leur malice. Pour ne perdre bénin l’ouvrage de ses mains, Il a abandonné le Christ chef des humains À la vengeuse mort, du péché juste peine. Pour sauver le pécheur il meurtrit l’innocent, À une injuste mort sa justice consent, Sans violer des droits l’équité souveraine. |
CE grand père des temps qui les temps a conçu, Pour enfanter de temps une âge mesurée, Sous qui le rond poli de la sphère azurée Tourne le temps qui coule et n’est point aperçu, Voyant que ma colombe au flanc avait reçu, D’une flèche bourrelle, au venin teinturée De l’éternelle mort, qui sa mort a jurée, Un âpre coup mortel du creux abîme issu, Pour sauver de la mort ma blanche colombelle, Fit fouiller dans mon sein d’une longue allumelle, Et trouver en mon mal à ce coup guérison : Ainsi mon mal mortel a donné santé pleine, À celle que la mort d’une mortelle peine, Gênait dedans l’étroit de sa fière prison. |
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SONNET 95 Me pourchassant à mort par une injuste envie, Dans la mer de la mort fit abîmer ma vie, Qui submergeait les sens de mon cœur déjà mort, Quand le Christ mon époux par une mort qui mord, Le péché, qui la mort à me meurtrir convie, Mordit jusqu’à la mort la mort par mort suivie, Mettant à mort ma mort et mon péché plus ord. Sa mort donc a meurtri ma noire mort mortelle, Sa mort donne la mort et la vie immortelle À ma chair, qui sous mort sans cette mort gisait. Ainsi ma mort vaut mieux que ma vie insolente, Qui meurtrissait ma chair d’une mort violente, Qui sans Christ tout le monde à son gré maîtrisait. |
CE dragon boursouflé, ce monstre audacieux, Chef de tous réprouvés, et d’eux aussi le pire, Qui de mort, qui d’Enfer tient le puissant empire, Voulut un jour priver l’homme des hautains cieux : Pour séparer la terre et son rond spacieux Du haut ciel immortel, ce meurtrier (qui conspire La mort de tous humains,) vint bâtir et construire Un mur d’iniquité en ces terrestres lieux. Mais je qui en ma chair par une mort cruelle, Meurtris tout le mortel de sa mort éternelle, Privant par mort la mort de son empesté dard, D’un torrent de mon sang sortant de ma poitrine, J’ai faussé de ce mur l’imprenable machine, Sur qui Satan fichait son sanglant étendard. |
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SONNET 97 Je suis en m’égarant d’une course légère Le péché que je fuis, et sa coulpe meurtrière, Et de ses fruits amers mon ventre je remplis : Ce que je hais de cœur, de fait je l’accomplis, Ce que j’aime de cœur, je le rejette arrière, J’ai en haine la mort, et si suis sa bannière, Je souhaite les cieux, et fuis les cieux polis. [stante, Que dis-je que je suis ? c’est ma chair incon- Qui suit mort et péché, que d’ardeur violente L’Esprit déteste et fuit, et embrasse le ciel : Ô Christ délivre-moi de cette chair mortelle, Et sauve dans ton ciel ma pauvre âme immortelle, Qui boit dedans sa chair du péché l’amer fiel. |
PAr un sentier ouvert à la chair inconnu, Je poursuis en la chair des cieux hautains la trace, Et fais voir à la chair l’Éternel face à face, Au ciel où sans ma chair nul ne fût parvenu. Ma chair, franche de chair, en chair a subvenu, À cette chair de chair, lui faisant au ciel place, Ma chair meurtrit la chair, ma chair de sang efface Le meurtrier de la chair, des creux Enfers venu. Ma chair donne à la chair par mort vie éternelle, Ma chair donne l’esprit à cette chair charnelle, Ma chair guide la chair aux cieux par ses enfers. Ma chair donne à la chair de sa chair nourriture, Ma chair fait à la chair de tous biens ouverture, Par le sentier des maux que ma chair a soufferts. |
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SONNET 99 Dessous les pieds meurtriers du cruel vendangeur, Qui d’une avare main, au pressoir ravageur, De la boiteuse mère a la fille épurée, N’emmielle un goût plus doux de sa douce purée, Que de l’amour de Christ la naïve douceur, Emmielle tous mes sens, et d’un nectar plus seur Enivre l’immortel de mon âme assurée. La mort est le pressoir, et Christ est le raisin, Son sang qui coule doux est la liqueur du vin, Qui enivre mes sens d’une immortelle vie. Ô de mon cher époux la fidèle amitié ! Qui pour moi s’abandonne à la mort sans pitié, Qui pourchassait ma mort d’une mortelle envie. |
LE cristal de la source enfantant par la plaine Mille et mille ruisseaux d’un cristal tout pareil, Qui d’un pré plein de fleurs arrose le vermeil, Et murmure un doux bruit de longue, et longue Le Jardin arrosé d’une vive fontaine, [haleine, Qui prodigue au Printemps un émail nonpareil D’un million de fleurs, qu’au coucher du Soleil Zéphire en s’ébattant doucettement haleine, Ne peuvent apporter tant de plaisir aux yeux, Que m’apportent au cœur les astres radieux Qui décorent le chef de ma Christine belle. Le Jardin est Christine, et ses fils sont les fleurs, Les ruisseaux sont l’Esprit, et ses dons les couleurs, Et Zéphire est le Christ qui sa Christine appelle. |
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