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MARIN LE SAULX |
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Théanthropogamie en forme de dialogue par sonnets chrétiens |
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Londres, Thomas Vautrolier 1577 |
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Christ répond |
SONNET 201 Devant lequel s'enfuit, et le ciel, et la terre, Ayant vaincu la Loi qui me faisait la guerre, Et noyé mon péché dans le lac de son sang, Par les hérauts du Ciel fit appeler de rang, Et la Mort, et l'Enfer, qui les pécheurs enferre, Lesquels avec leurs morts d'un éclat de tonnerre Furent précipités au soufre de l'étang. Mais mes fils qui étaient écrits au Sacré livre : Furent portés au Ciel de mort franc et délivre, Pour jouir à jamais de l'immortalité. Là le Christ mon époux de sa fontaine vive, Leur esprit immortel lave, abreuve, et avive, Qui heureux et content vit dans l'Éternité. |
LA Princesse qui tient sous soi la Lune blonde, Qui du Soleil luisant entoure tout son corps, Qui porte sur son chef, au lieu d'un chapeau tors, De douze astres luisants une couronne ronde, Voyant le Christ assis, et juge, et Dieu du monde, Par les hérauts du ciel fit assembler ses morts, De blanc crêpe vêtus, qui de leurs doux accords Faisaient une musique à nulle autre seconde : Lors le Christ connaissant sa géniture chère, Embrassa doucement, et les fils, et la mère, Et grava sur leur front de son nom la grandeur : Puis il les fit entrer au secret de son temple, Où chacun vis à vis ores son Dieu contemple, Remplis jusques aux yeux de biens et de bonheur. |
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Christ répond |
SONNET 203 Pour mon vice sanglant au juge a satisfait : [tice, Rends-toi mortelle mort, Christ ma vie a défait Ton pouvoir seul vengeur de ma propre injustice. Rends-toi hideux Enfer, bourreau de ma malice, Car Christ des cieux venu pour purger mon méfait, Me donne place aux cieux. Rends-toi serpent infect, Le Lion de Juda m'a rendu Dieu propice. Qui sont ces monstres-là horriblement hideux, Qui liés pieds et poings, dolentement piteux Marchent après le char de ce Roi vénérable ? Ce sont les ennemis que Christ a surmontés, Et leurs sanglants efforts à son vouloir domptés, Qu'il traîne après son char en triomphe honorable. |
REnds-toi à la merci de ce doux amoureux, Qui poursuit ta beauté, ô blanche colombelle ! Rends-toi à sa merci, ô chaste toute belle ! Si jouiras à gré de son Ciel très heureux : Si cueilleras pour toi en son Jardin fleureux, L'aspic, et le safran, le baume et la cannelle, Si jouiras des biens de sa gloire éternelle, Suçant des immortels le Nectar savoureux. Si rempliras encor tant que sois assouvie, Ton estomac béant de ce doux fruit de vie, Qui croît au Paradis sur le cristal des eaux. Il t'appelle en commun pour jouir de sa gloire, Il réserve pour toi le fruit de sa victoire, Viens belle, viens puiser au bord de ses ruisseaux. |
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SONNET 205 De l'abîme profond des ouvrages divers, De celui qui du doigt fait branler l'Univers, Et de rien a bâti ce long et large monde. La raison me défaut, quand la raison profonde Je cherche par raison de ses secrets couverts, Et de ses jugements qui mettent à l'envers De l'humaine raison la raison plus féconde. La raison me défaut, quand par raison humaine Je recherche pourquoi la bonté souveraine, A de péché guéri de péché la poison, Et pourquoi sur sa chair il a ma chair mortelle, Par la mort élevée en la vie immortelle, La Foi seule en mon Dieu est ma seule raison. |
LA raison de la chair, de l'esprit ennemie, Ne peut par sa raison comprendre l'infini, De cil qui a formé tout ce qui est fini, Au gré de sa sagesse en sa force affermie. Si la raison pouvait dedans l'Académie De son sens concevoir celui qui est uni En Trinité vrai Dieu, de son cercle infini La parfaite rondeur ne serait que demie. Si la raison pouvait par son sens concevoir Ce secret que les cieux n'ont pu apercevoir, Qui joint ma Déité à une chair de cendre, Ce secret ennemi de l'humaine raison, Serait connu de tous, et en toute saison, Mais la Foi seule en Dieu peut ce secret comprendre. |
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SONNET 207 Porte-moi sur le char de ta chair immortelle, Doux ami, où le clair de ta vive étincelle Fait sans aucun minuit le midi d'un plein jour. Tire-moi sur ce mont qui découle à l'entour, Le doux miel regorgeant d'une source éternelle, Et le blanc lait coulant d'une façon nouvelle, Qui cerne tout ce mont d'un large et long détour. Ce mont donne lavande, aspic, safran et lis, Thym, roses et œillets tout fraîchement cueillis, Et couronne son chef de mille autres fleurettes, Portant sur son coupeau douze beaux arbres verts, Qui courbent sous le faix de mille fruits divers, Qui servent d'Ambroisie aux fils de tes Prophètes. |
TIre du côté droit au haut de la montagne, Le chemin est étroit, sueux et gourd-foulant, Emprunte de la Foi le chariot volant, Prends l'Espérance encor pour fidèle compagne, Tu trouveras au haut une pleine campagne, Qui franche de l'horreur du tonnerre grondant, De l'orage mutin, et de l'éclair brillant, Produit œillets et lis que le clair cristal baigne, Enfonce hardiment les portes du palais, Vois comme tout reluit de Rubis et Balais, Tous ces biens sont à toi, car l'Époux te les donne. Marche deux pas encor dedans l'Éternité, Goûte le doux Nectar de l'immortalité, Malgré la noire mort, puisque ton Christ l'ordonne. |
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SONNET 209 Qui remplis terre et ciel de ton infinité, Qui engloutis les temps par ton éternité, Qui enclos en ton poing cette sphère azurée : Éternité qui n'es par l'âge mesurée, Tout bon, tout saint, tout pur, Père en la Trinité, Qui ne détruit pourtant ta divine unité, Père, source et surgeon de gloire bien-heurée, Qui de toute action es principe et auteur, Et de tout ce grand tout tout-puissant créateur, Invisible, immortel et incompréhensible, Œillade cette fois l'Épouse de ton Fils, Et rends ses ennemis sous elle déconfits, D'un seul branler du doigt puisque tout t'est possible. |
SAuveur de l'Univers, Père du firmament, Fils éternel de Dieu, parole essentielle, Qui as l'être du Père, et qui es éternelle, Seul du Père engendré dès le commencement, Qui étais chez le Père avant que l'élément De l'air cernât en rond la terre universelle, Qui as formé la claire et luisante étincelle Qui est du jour fuyard le luisant ornement, Ô divine bonté ! ô sage sapience ! Qui est d'avant les temps en l'Éternelle essence, Fils, parole et portrait du Père souverain, Jette les yeux vers moi ton humble tourterelle, Meurtris du roux Dragon la puissance mortelle, Et m'enlève avec toi dedans ton Ciel serein. |
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SONNET 211 Qui rechaussais au sein de la masse confuse, La forme que donnas par ta vertu infuse, Au monde avant qu'il fût poli de bout en bout, Esprit qui son esprit retiens toujours debout, Esprit de qui la force agiter ne refuse Le mouvement total, du tout que le temps use, Et qui son corruptible ainsi en rien résout : Vertu, Force et Vigueur, et du Fils et du Père, Procédant de tous Deux, dont la vertu tempère Le long et large tour de ce rond Univers, Agite par dedans les esprits de mon âme, Brûle du corps massif le mortel de ta flamme, Et me fais voir mon Christ dedans tes cieux ouverts. |
ESsence unique et simple, ô
Dieu en Trinité ! [fable, Tout bon, tout saint, tout pur, tout grand, tout inef- Tout puissant éternel à qui nul n'est semblable, Père, parole, esprit, ô triple en unité ! Un en trois, trois en un, unique éternité, Créateur souverain du grand tout admirable, Qui comprends Ciel et terre, et la mer navigable D'un point du cercle entier de ton infinité : Essence en qui le Père, et le Fils, et l'Esprit, Distinctement unis, guide, conduit, régit De ce globe poli la masse universelle : Immortel, infini, Éternel Dieu par soi, Du monde passager l'inviolable Loi, Guide-moi sur ton char en ta gloire immortelle. |
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SONNET 213 Puisque tu as senti le frais de la nuit brune, Que sur le char mouvant de la Foi importune Tu as atteint le haut du céleste séjour : Cerne d'un pas léger ce mont tout à l'entour, Vois la grande cité aux fidèles commune, Qui ne truande point sa clarté de la Lune, Et n'attend du Soleil le désiré retour : Viens cueillir fleurs et fruits dessous l'arbre de vie, Et puis bois à longs traits, tant que sois assouvie, De ce cristal coulant du trône de l'Agneau : Contemple maintenant ton Seigneur face à face, Jouis avecques lui des trésors de sa grâce, Et reçois de sa main cet immortel chapeau. |
JE sens un feu brûlant au fond de ma poitrine, Qui a pris peu à peu une telle vigueur Dans mon cœur embrasé, que sa douce rigueur Me transforme en son feu par son ardeur divine. Je ne suis rien que feu, qui de sa flamme fine A du tout affiné le métal de mon cœur, Qui d'enfer, qui de mort, qui de péché vainqueur Règne heureux et content sur la ronde machine. Ce feu vraiment divin, de son ardeur nouvelle Embrase le plus froid de mon âme immortelle, Qui hors de soi ravie en l'Éternel séjour, [bruire Ne peut plus maintenant penser, chanter ni Que ce grand Dieu vivant, que grand je puis bien S'il entoure du poing le monde tout autour. [dire, |
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SONNET 215 Car tu vis maintenant d'une immortelle vie. Mon âme éjouis-toi, sois saintement ravie Hors de toi à celui qui seul est éternel. Jouez divinement d'un ton perpétuel Cent-mille doux accords de plus douce harmonie, Que le luc et la harpe à la voix l'on marie, Faites retentir l'air du nom de l'immortel. Tu es principe et fin de toute chose née, Et ton âge n'est point d'aucune âge bornée, Tu as fondé sur rien tout ce grand univers. Tu as ployé sous moi toute force contraire, Je règne ainsi par toi sans aucun adversaire : Tu seras pour jamais le sujet de mes vers. |
F I N . |
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