Francesco PETRARCA (1304-1374)
Chi vuol veder… (Canz., 248)
Lyon, Jean de Tournes, 1545, p. 206 [←Gallica].

Chi vuol veder quantunque puo Natura,
E’l Ciel tra noi, venga a mirar costei:
Ch’è sola vn Sol, non pur a gliocchi miei,
Ma al Mondo cieco, che virtu non cura:

E venga tosto, perche Morte fura
Prima i migliori, e lascia star i rei:
Questa aspettata al Regno de gli Dei.
Cosa bella mortal passa, e non dura.

Vedrà, s’arriua a tempo, ogni virtute,
Ogni Bellezza, ogni real costume
Giunti in vn corpo con mirabil tempre.

Allhor dirà, che mie rime son mute,
L’ingegno offeso dal soperchio lume:
Ma se piu tarda, haurà da pianger sempre.

Paris, Gilles Corrozet, 1539, sonnet 3, ff. 2v°-3r° [←Gallica].

Qui voudra voir tout ce que peut Nature,
Contempler vienne une qui en tous lieux
Est un soleil, un soleil à mes yeux,
Voire aux ruraux, qui de vertu n’ont cure.

Et vienne tôt, car mort prend (tant est dure)
Premier les bons, laissant les vicieux,
Puis cette-ci s’en va du rang des dieux :
Chose mortelle et belle bien peu dure.

S’il vient à temps verra toute beauté,
Toute vertu, et mœurs de royauté,
Joints en un corps, par merveilleux secret :

Alors dira que muette est ma rime,
Et que clarté trop grande me supprime,
Mais si trop tarde aura toujours regret.

Paris, Étienne Groulleau, 1553, Sonnets, f° 11r° [←Gallica].

Qui voudra voir ensemble apertement
Ce qui fut onc de grâce, et gentillesse,
Et de beauté, s’en vienne à ma maîtresse
La contempler, mais vienne promptement.

Voye l’or fin qui si parfaitement
Orne son chef, puis ce front qui m’adresse,
Puis cette bouche, où la plus grand’ richesse,
De l’Orient est chose exactement.

Ces yeux après les flèches, rets, et flamme,
De quoi Amour blesse, prend, et enflamme,
Les cœurs, hélas, des dolents bienheureux.

Mais si pitié parmi ces saintes grâces
Il rencontrait, ô sort aventureux
Un plus grand heur je crois que tu n’embrasses.

Gramont, Quiconque désire voir… (1842)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure », sonnet CCX,
Paris, Paul Masgana, 1842, p. 167 [exemplaire personnel].

excellence de sa dame.

Quiconque désire voir tout ce que peuvent la Na­ture et le Ciel ici-bas, vienne contem­pler celle-ci qui est seule un so­leil, non seu­le­ment pour mes yeux, mais pour ce monde aveugle et in­sou­cieux de la ver­tu.

Et qu’il vienne promp­te­ment ; car la Mort en­lève d’abord les meil­leurs, et laisse vivre les mé­chants : cette belle créa­ture atten­due au royaume des Dieux est mor­telle, et elle ne fait que pas­ser sans s’ar­rê­ter.

Il verra, s’il arrive à temps, toute ver­tu, toute beau­té, toute royale ha­bi­tude, réu­nies dans un corps avec une admi­rable har­mo­nie.

Alors il dira que mes rimes sont muettes, l’es­prit étant acca­blé par l’ex­cès de la lu­mière : mais s’il dif­fère da­van­tage, il se pré­pare un éter­nel su­jet de larmes.

























Paris, Gilles Corrozet, 1539, sonnet 3, ff. 2v°-3r° [←Gallica].

Qui voudra voir tout ce que peut Nature,
Contempler vienne une qui en tous lieux
Est un soleil, un soleil à mes yeux,
Voire aux ruraux, qui de vertu n’ont cure.

Et vienne tôt, car mort prend (tant est dure)
Premier les bons, laissant les vicieux,
Puis cette-ci s’en va du rang des dieux :
Chose mortelle et belle bien peu dure.

S’il vient à temps verra toute beauté,
Toute vertu, et mœurs de royauté,
Joints en un corps, par merveilleux secret :

Alors dira que muette est ma rime,
Et que clarté trop grande me supprime,
Mais si trop tarde aura toujours regret.

Paris, Étienne Groulleau, 1553, Sonnets, f° 11r° [←Gallica].

Qui voudra voir ensemble apertement
Ce qui fut onc de grâce, et gentillesse,
Et de beauté, s’en vienne à ma maîtresse
La contempler, mais vienne promptement.

Voye l’or fin qui si parfaitement
Orne son chef, puis ce front qui m’adresse,
Puis cette bouche, où la plus grand’ richesse,
De l’Orient est chose exactement.

Ces yeux après les flèches, rets, et flamme,
De quoi Amour blesse, prend, et enflamme,
Les cœurs, hélas, des dolents bienheureux.

Mais si pitié parmi ces saintes grâces
Il rencontrait, ô sort aventureux
Un plus grand heur je crois que tu n’embrasses.

Gramont, Quiconque désire voir… (1842)   ↓   ↑   ⇑  o
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure », sonnet CCX,
Paris, Paul Masgana, 1842, p. 167 [exemplaire personnel].

excellence de sa dame.

Quiconque désire voir tout ce que peuvent la Na­ture et le Ciel ici-bas, vienne contem­pler celle-ci qui est seule un so­leil, non seu­le­ment pour mes yeux, mais pour ce monde aveugle et in­sou­cieux de la ver­tu.

Et qu’il vienne promp­te­ment ; car la Mort en­lève d’abord les meil­leurs, et laisse vivre les mé­chants : cette belle créa­ture atten­due au royaume des Dieux est mor­telle, et elle ne fait que pas­ser sans s’ar­rê­ter.

Il verra, s’il arrive à temps, toute ver­tu, toute beau­té, toute royale ha­bi­tude, réu­nies dans un corps avec une admi­rable har­mo­nie.

Alors il dira que mes rimes sont muettes, l’es­prit étant acca­blé par l’ex­cès de la lu­mière : mais s’il dif­fère da­van­tage, il se pré­pare un éter­nel su­jet de larmes.

























textes modernisés
[R]

 

En ligne le 02/04/24.
Dernière révision le 02/04/24.