Marin  Le  Saulx 
 Le Préambule… 
Théanthropogamie
en forme de dialogue par sonnets chrétiens
 BnF Gallica, ark:/12148/bpt6k71977q/f121 
Londres, Thomas Vautrolier,
1577
Pages limi­naires Sonnets 1 à 20 Sonnets 21 à 40 Sonnets 41 à 60 Sonnets 61 à 80 Sonnets 81 à 100
Sonnets 101 à 120 Sonnets 121 à 140 Sonnets 141 à 160 Sonnets 161 à 180 Sonnets 181 à 200 Sonnets 201 à 215
Sonnets 161 à 180
texte modernisé
161. Je reconnais ma faute, et vers vous me viens rendre…
163. Quand libre je vivais franche des passions…
165. Si j’approche ce mont à la croupe gemelle…
167. Il m’en souvient fort bien, il était lors Dimanche…
169. Ce chef d’or ondoyant sur le blanc col d’ivoire…
171. Cestui-là que je vis dans le ciel très-luisant…
173. Sous le sépulcre creux la vie était captive…
175. Meure cent, et cent fois Christ mon loyal époux…
177. Je dépite la mort et toute sa puissance…
179. Qui est ce brave Duc qui sur l’épaule porte…
162. Je reconnais vraiment que ta Foi n’est pas morte…
164. Quand libre je vivais en l’immortelle gloire…
166. Si j’approche ce mont qui courbe volontiers…
168. Il m’en souvient fort bien : car lors en la campagne…
170. Ce gracieux maintien, cette Angélique face…
172. Ceste-là que je vis grande et grave Princesse…
174. Sous l’importable faix de deux monstres terribles…
176. Meure cent, et cent fois ma blanche colombelle…
178. Je dépite d’Enfer cette gueule gourmande…
180. Qui est cette beauté angélique et céleste…
 
 
 
 
 
sonne  161 
sonne  162 

JE reconnais ma faute, et vers vous me viens rendre,
Vers vous, mon cher Époux, venez me secourir,
Je sens mon mal mortel, ne me laissez mourir,
Et ne me dédaignez encor que je sois cendre :

Mes péchés sont trop grands, je ne les puis comprendre
Et sans votre merci je suis prête à périr.
Périrai-je pourtant, qui ne veux recourir
Quà lAsile assuré de votre pitié tendre ?

Jai commis adultère avec le bois et lor,
Jai folle dissipé votre riche trésor,
Jai pollué le lit de notre mariage.

Jai fait tout le rebours de ce que je devais,
Et ne me reste rien de tout ce que javais,
Quun grain de Foi germant dedans votre héritage.

JE reconnais vraiment que ta Foi nest pas morte,
Et quil lui reste encor quelque peu de vigueur,
Qui germe et croît en herbe au Jardin de ton cœur,
Et jà monte en tuyau dune vertu plus forte.

Si tu veux quen épi sa tige monte et sorte,
Et rompe le fourreau de ma juste rigueur,
Qui retient justement tes esprits en langueur,
Arrose-la de leau quen mes vaisseaux je porte.

As-tu de ma justice à ma miséricorde
Appelé hardiment, Christine, je laccorde :
Je ne te veux nier vers moi aucun accès.

Tu dis avoir failli, mais que jai pour ta faute
En ma chair satisfait à ma justice haute :
Il est vrai, je paierai les dépens du procès.

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sonne  163 
sonne  164 

QUand libre je vivais franche des passions,
Qui ores mon vouloir rudement tyrannisent,
Et ma raison plus forte à leur vouloir maîtrisent,
J’étais exempte aussi de tant d’afflictions :

Mais depuis qu’asservi j’eus mes affections
Au diable et au péché, qui dans mon cœur attisent
Mille cuisants désirs, qui mille maux produisent,
J’ai vu tout le rebours de mes intentions.

Si le Fils qui est franc me rend ma liberté,
Je dépite Satan et toute sa fierté,
La mort, le ver rongeant et l’Enfer je dépite :

Je dépite l’horreur du péché que j’ai fait,
Si Christ un jour permet me baigner à souhait,
Dans le fleuve sacré de son divin mérite.

QUand libre je vivais en l’immortelle gloire,
Franc de chair, franc de mort, franc de peine et souci,
Christine que tant j’aime était esclave ici
De chair, et de péché, et de mort triste et noire :

Quand ma chair par la mort eut du péché victoire,
Et de mort, et de chair, et de péché aussi
J’affranchis ma Christine, et au marbre adouci
De son cœur, j’engravai de mes faits la mémoire.

Celle qui pour avoir abusé follement,
De cette liberté qu’elle eut premièrement,
Avait sa liberté à un autre soumise :

Pour s’être puis après asservie à son Christ,
Lui soumettant par Foi, cœur, corps, âme et esprit,
Jouit serve, à jamais d’une douce franchise.

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sonne  165 
sonne  166 

SI j’approche ce mont à la croupe gemelle,
Qui tremble et qui gémit sous l’éclat foudroyant
D’un tonnerre enroué, fièrement poudroyant
De son foudre brutal cette double coupelle :

Si j’ois tonner d’en haut cette voix immortelle,
Qui pousse devant soi un éclair flamboyant,
Avec un tourbillon en toupil tournoyant,
Qui menace en grondant de mort l’homme infidèle :

Si j’ois retentir l’air au son d’une trompette,
Qui bruit si hautement, que même le Prophète
Au visage de jour, en frémit quelquefois,

Je sens un tel horreur, qu’une pâle froidure
Vient courir dans mes os, qui mon cœur enfroidure,
Et me ravit le pouls, et l’haleine, et la voix.

SI j’approche ce mont qui courbe volontiers
Dessous Hiérusalem cité céleste et pure,
Qui ses palais d’or pur de Jaspe riche emmure,
Fondé sur Diamants et Saphirs tous entiers :

Qui loge heureusement les Anges à milliers,
Et les hommes élus sous même couverture :
Qui de son gré produit sans nulle agriculture
L’Arbre qui donne vie aux bons et droituriers :

Et qui douze huis aussi bâtis de fines perles,
Tient tout arrière ouverts, afin que les fidèles
Entrent au plus secret du temple de l’Agneau :

Et si là j’aperçois Christine belle et blonde,
Qui nageant dans le lait se blanchit en son onde,
Je ne sache plaisir ni plus grand, ni plus beau.

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sonne  167 
sonne  168 

IL m’en souvient fort bien, il était lors Dimanche,
Quand je fus en esprit hors ces terrestres lieux,
Ravie au plus secret du plus hautain des cieux,
Où je vis l’engendré de l’Éternelle hanche.

Son chef était plus blanc que la neige n’est blanche,
Deux brandons très luisants sortaient de ses deux yeux,
Et de sa bouche ronde un couteau furieux,
Tranchant des deux côtés du bout jusques au manche.

Sa grosse voix bruyait de la même manière,
Qu’on oit bruire l’orgueil d’une grande rivière,
Enflée outre ses bords des torrents amassés :

Il portait engravé en sa cuisse gemelle,
Le premier, le dernier, Dieu, Père et Roi fidèle
Des siècles à venir, et des siècles passés.

IL m’en souvient fort bien : car lors en la campagne
Royalement monté sur un beau coursier blanc,
Je faisais chevaucher près de moi flanc à flanc
L’exercite du ciel, qui partout m’accompagne :

Et je vis au coupeau d’une haute montagne,
Celle qui nage et boit au fleuve de mon sang,
Qui des deux pieds foulait le Dragon dans l’étang
Qui regorge de feu, et la mort sa compagne,

D’un glaive flamboyant qu’en sa main j’avais mis,
Ayant coupé le col de ses fiers ennemis,
Elle appendit leurs chefs en signe de victoire :

Puis d’un chant tout dévot par elle retenté,
De mes armes le los fort loin fut éventé,
Me donnant du combat tout l’honneur et la gloire.

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sonne  169 
sonne  170 

CE chef d’or ondoyant sur le blanc col d’ivoire,
Qui s’assied rondement sur l’albâtre bruni
Du corps tant bien formé, et proprement uni
Aux pilastres marbrins, si beaux qu’on saurait croire :

L’or aussi des deux pieds enrichis de la gloire
D’Onyx orientaux : ce tendre front garni
D’un beau sourcil d’Ébène, en demi-rond fini,
Font vivre mon Époux toujours en la mémoire.

C’est celui qui la mer touche de son pied dextre,
Qui sur la terre ronde étend son pied senestre,
Qui touche de sa main le Ciel haut élevé.

Qui enfante en parlant sept tonnerres horribles,
Qui son nom et le mien par ses gestes terribles,
A ici, et au Ciel en mille lieux gravé.

CE gracieux maintien, cette Angélique face,
Ces gestes graves-doux compassés au niveau
Des plus rares vertus, qui servent de flambeau
Pour guider mes élus droit au port de ma grâce :

Ces pieds chaussés de paix, de la paix qui efface
Toutes larmes des yeux, qui du ciel clair et beau
Montre aux fils de Christine un sentier tout nouveau
Sont les belles beautés que toujours je pourchasse.

Celle qui de son père a le sang généreux,
Le courage hardi, et le bras belliqueux,
Qui se montre en tout temps aux dangers immuable,

C’est celle que toujours je poursuis ardemment,
Et celle belle encor que j’aime tendrement,
Et qui seule est aussi à mes yeux agréable.

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sonne  171 
sonne  172 

CEstui-là que je vis dans le ciel très-luisant,
Sur un trône d’or pur de beauté admirable,
Avait les yeux ardents, et le regard semblable
À Jaspe, ou à Sardoine, ou Cristal reluisant :

Quatre animaux pleins d’yeux le louaient en disant,
Saint, Saint, Saint, tout-puissant, tu es seul immuable:
Deux fois douze Anciens d’un maintien vénérable,
Retentaient sur la harpe un autre accord plaisant.

L’arc du ciel varié se voûtait en courtine,
Sur ce trône, plus clair que l’émeraude fine,
Dont tonnerres, et voix, et éclairs procédaient.

Là sept lampes de feu étaient toujours ardentes,
Qui de Phare servaient aux âmes doux flottantes
Sur l’onde de cristal, et au port les guidaient.

CEtte-là que je vis grande et grave Princesse,
Avait à ses côtés cent mille millions
D’Empereurs, Rois et Ducs de toutes nations,
De Princes, de Seigneurs et de belle noblesse :

Tous courbés à ses pieds la clamaient leur maîtresse
Esclaves devenus de ses perfections,
Et elle s’égayant de leurs dévotions,
De l’œil les chérissait du milieu de la presse.

Tous ceux-ci pour avoir ployé dessous ses lois,
De blanc crêpe vêtus, couronnés comme Rois,
Possédaient en commun le ciel sans jalousie.

Là l’Époux leur donnait dedans l’or blondoyant,
Sa blanche chair sucrée, et son sang ondoyant
Le Nectar des Élus, et la douce Ambroisie.

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sonne  173 
sonne  174 

SOus le sépulcre creux la vie était captive,
Et la mort sur son chef fièrement tempêtait,
Qui la chair sous ses pieds çà et là agitait,
Quand Christ brisa son fort par sa chair deux fois vive.

Alors on pouvait voir une clarté naïve,
Qui l’obscur du tombeau loin de soi écartait,
Et de ses rais épars un midi apportait,
Chassant la nuit de mort qui rend la chair craintive.

Ô bienheureuse mort ! ô sainte passion !
Qui produis de la chair la résurrection,
Par la chair qui du ciel a pris son origine :

Ne crains donc plus, ma chair, de la mort la rigueur,
Car Christ ressuscité reprend vie et vigueur,
Et lave ton péché de son eau cristalline.

SOus l’importable faix de deux monstres terribles
Christine était captive et ses enfants aussi,
Qui étreignaient leurs cœurs d’un éternel souci,
Lequel les déchirait par tourments très-horribles.

Le péché les perçait de pointes invincibles,
Et la mort coup sur coup martelait sans merci,
Du marteau de la Loi, sur l’enclume noirci,
Des Enfers foudroyants, leurs âmes invisibles.

Pour mettre en liberté Christine et ses enfants,
Et les rendre à jamais dans le ciel triomphants,
En mourant j’ai meurtri du péché la malice :

Ma chair morte a meurtri la mort et les Enfers,
Ma chair ressuscitée a brisé les gros fers,
Qui captivaient sous eux la vie et la justice.

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sonne  175 
sonne  176 

MEure cent, et cent fois Christ mon loyal époux,
Je ne puis par sa mort sinon mourir encore,
Si sa mort de ma mort la force ne dévore,
Qui martèle ma chair de mille et mille coups.

Mais si l’esprit de Christ mu d’un juste courroux,
Vient étendre son bras que tout le ciel adore,
Pour assommer la mort de sa chair que j’honore,
Je dépite la mort et le vieil serpent roux.

Sa mort est de ma chair la mort toute présente,
Mais cette seule mort mon esprit ne contente,
Qui désire de vivre immortel dans les cieux.

Et pourtant Christ vaincu, et vainqueur tout ensemble
Ressuscitant des morts, la chair morte rassemble
À l’esprit immortel, qui la porte aux saints lieux.

MEure cent, et cent fois ma blanche colombelle,
Que le méchant meurtrier au courant de son sang
Trempe cruellement, et l’un, et l’autre flanc,
S’égayant en son cœur d’une victoire telle,

Si ne peut telle mort par sa rage cruelle,
Ma colombe priver du ciel pur, net et blanc,
Cette mort n’est point mort, qui l’esprit libre et franc
De tout ennui renvoie en la vie éternelle.

Le feu, l’eau, le couteau, la corde et le tombeau
Ne ternissent le teint de son plumage beau,
Et les saints de sa mort malgré la mort renaissent :

Ainsi que du Phénix le sépulcre poudreux,
En engendre un nouveau de son germe cendreux,
Devant les yeux du ciel, qui au ciel apparaissent.

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sonne  177 
sonne  178 

JE dépite la mort et toute sa puissance,
Qui morte est maintenant dessous une autre mort,
Qui forçant bravement son imprenable fort,
A trempé dans son sang l’aiguisé de sa lance.

Rends les armes, ô mort, fais des morts délivrance,
Que tu tenais captifs sous ton bras raide et fort,
Cil que tu as meurtri a brisé ton effort,
Se vengeant par sa mort de ton outrecuidance.

Tu as courbé sous toi le saint Adam céleste,
Mais sa mortelle mort est ta mortelle peste,
Qui du sépulcre creux a brisé le pouvoir.

Je le vois, je le vois au plus haut de sa gloire,
Portant au front gravé l’honneur d’une victoire,
Qui le rend redoutable aux ennemis à voir.

JE dépite d’Enfer cette gueule gourmande,
Trois fois horriblement à Christine aboyant,
Puisque par mon enfer de l’Enfer foudroyant
J’ai faussé bravement la force la plus grande.

Rends-toi, horrible Enfer, à celle qui commande
L’air, la terre, et la mer, et le ciel flamboyant :
Car étant pris aux rets de ce chef ondoyant,
De toi pour ma rançon je lui fais une offrande.

Celle qui redoutait ton soufre injurieux,
Possède le vaincu et le victorieux,
Le vaincu sous ses pieds, le vainqueur en son âme.

Je la vois, je la vois sur la voûte des cieux,
Remplir du fleuve saint ses vaisseaux précieux,
Pour éteindre l’ardeur de ta vengeuse flamme.

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sonne  179 
sonne  180 

QUi est ce brave Duc qui sur l’épaule porte
L’importable fardeau d’une pesante croix,
Portant en sa devise écrit le Roi des Rois,
Et de cette grand’ croix fausse des cieux la porte ?

Qui sur un char monté d’une royale sorte,
Écartèle les cieux en plus de mille endroits,
Et fait entrer à foule à mille, et mille fois,
Ceux qui suivent le train de sa brave cohorte ?

Et qui pour honorer son triomphe royal,
Mène serfs et captifs le Péché déloyal,
Enfer, Satan, la Mort et leur force bourrelle ?

C’est le Roi éternel de la terre et des cieux,
Qui guerrier a forcé leur fort pernicieux,
Et entre maintenant en sa gloire éternelle.

QUi est cette beauté angélique et céleste,
Qui de toutes beautés la plus belle apparaît,
Cette Phèbe du ciel qui jamais ne décroît,
Et que le clair luisant du Soleil ne moleste ?

Qui au plein du midi sa clarté manifeste,
Et qui par sa lueur divinement accroît
De ces astres luisants, qu’au ciel on reconnaît
Sur l’obscur de la nuit, la beauté pure et nette ?

Cette belle beauté qui tout ce qui est ord,
D’un glaive à deux tranchants découpe et met à mort,
Et saute des Enfers en l’immortelle gloire ?

C’est Christine au beau chef qui volant après moi,
Ailée aux deux côtés des ailes de la Foi,
Ne craint plus les enfers, ni la mort sombre et noire.

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En ligne le 09/10/05.
Dernière révision le 21/02/25.