Je suis homme,
et n’ai rien
d’humanité étrange
GUY LE FÈVRE DE LA BODERIE.
Guy le Fèvre de La Boderie ne borna pas ses études, comme Claude de Trellon, à faire des vers, et à lire seulement les exploits militaires des grands Capitaines [1] ; ce fut un Savant profond, à qui les langues Orientales, de même que le Latin, l’Italien et l’Espagnol, étaient familières, et qui fit de ses connaissances un usage utile.
La Croix-Du-Maine, Du Verdier, et tous ceux qui ont parlé de ce Savant sur la foi de ces deux Bibliothécaires, le disent né à Falaise en Normandie ; ils se sont trompés. Le Fèvre, dans ses Divers Mélanges poétiques, imprimés en 1582, et adressés au Roi Henri III dit lui-même qu’il était né à la terre de la Boderie, lieu situé dans la Basse Normandie, sur un petit ruisseau appelé le Lambrun. Il nous apprend au même endroit qu’il naquit la veille de Saint Laurent, par conséquent le neuvième d’Août. Ô lieu plaisant, dit-il dans son Élégie à la Boderie, lieu de sa naissance,
.....Terre trois fois bénie,
Où en naissant me reçut mon génie,
En l’avant jour de S. Laurent lauré,
Jà dès le bers de laurier entouré.
Il est vrai qu’il ne marque point l’année, mais nous la trouvons dans l’inscription de son portrait qui accompagne son Encyclie, imprimée en 1571. Cette inscription porte qu’il était alors dans sa trentième année ; ainsi il était né en 1541. Jacques Le Fèvre, son père, était Seigneur de la Boderie, et il en a donné l’Épitaphe dans l’ouvrage que je viens de citer ; et dans ses Hymnes Ecclésiastiques, il dit que sa mère se nommait Anne de Mombray. Il a eu plusieurs frères et sœurs, qu’il nomme dans ses mêmes Hymnes et dans ses Mélanges, savoir, Anne, Nicolas, Pierre, Antoine, Hippocras, et Jean.
[…]
Par l’Épître au sieur Caradau, Breton, il paraît que la Boderie fut tenté de se marier dans sa jeunesse, et qu’il fut épris fortement d’une tendre affection pour une Demoiselle qui demeurait près de sa terre de la Boderie, où il eut l’occasion de la voir ; mais il résista aux mouvements de cette passion naissante, et pour effacer de son esprit jusqu’à l’idée de celle qui l’avait fait naître, il dit lui-même qu’il quitta les bords du Lambrun, et vint à Paris, d’où il passa à Lyon, à Mâcon, et en Bretagne. Je conjecture même d’une autre pièce qu’il adressa à Marguerite de France, Reine de Navarre, qu’il embrassa l’état Ecclésiastique, et qu’il reçut au moins la Tonsure Cléricale : car il y marque, que quoi qu’il n’aspire ni à un Évêché, ni à une Abbaye, il se croyait néanmoins en droit d’attendre une honnête récompense de ses travaux.
Je ne demande pas, je n’aspire,
ni baye
D’épouser maintenant
Évêché ni Abbaye,
Bien que j’ose assurer sous votre autorité,
Que mes labeurs sont tels qu’ils ont bien
mérité
Quelque honnête guerdon, au jugement des maîtres
Lesquels ont supporté quelque travail des lettres.
[…]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque
française,
ou Histoire de la
Littérature française,
tome XIII, 1752, pp. 395-399
[Gallica, NUMM-50656, PDF_421_425]
(texte modernisé).
Notes
[1] La « vie » de La Boderie succède dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet à celle de Claude de Trellon.
Liens
Étude en ligne
* On peut lire, de Jean Céard, « L’héroïque et les longs poèmes de Guy Le Fèvre de La Boderie », paru en 2004 dans le numéro 11 spécial consacré à « l’héroïque » des Cahiers de Recherches Médiévales.
Compte rendu de publication
* On peut lire aussi, de Roland Guillot, le compte rendu de lecture des Diverses Mélanges poétiques, édition critique par Rosanna Gorris parue chez Droz en 1993, publié dans le Bulletin de l’Association d’étude sur l’Humanisme, la Réforme et la Renaissance, n° 38, 1994. pp. 134-136, en ligne sur Persée, portail de publication électronique de revues scientifiques en sciences humaines et sociales.
Liens valides au 04/10/24.
En ligne le 06/11/05.
Dernière révision le 04/10/24.