Livre second
Flots qui sur votre dos
emportez la lumière
Qui me donne le jour
au milieu de la nuit
Allez flots emportez
doucement
mes amours
CLAUDE DE TRELLON.
Claude de Trellon n’est guères plus connu que Roland Brisset [1], quoi qu’on ait du premier plusieurs éditions de ses poésies. C’était un militaire, qui avait porté les armes dès sa jeunesse ; mais quel grade avait-il ? c’est ce que j’ignore. Je n’ai trouvé aucun de nos Historiens qui fassent mention de lui ; et tout ce que je puis conjecturer de ses poésies, c’est qu’il commença à servir fort jeune sous M. de La Valette dans le Piémont, en Languedoc, et dans la Guyenne ; qu’il servit pareillement sous MM. de Nemours, de Guise et de Joyeuse, et qu’il était attaché au dernier lorsque celui-ci fut tué, après la bataille de Coutras, par ceux qui l’avaient fait prisonnier. Je vois encore qu’il avait suivi le parti de la Ligue, puisqu’en désavouant Le Ligueur repenti, qu’on avait imprimé sous son nom, il dit :
Tu augmentes mes vers, tu
gâtes mon ouvrage,
Tu te sers de mon nom pour me faire un outrage :
Méchant, il n’en est rien et tu en as
menti ;
J’écris les passions sans blâmer les
personnes,
Et ne leur donne pas le nom que tu leur donnes ;
Car je fus bien Ligueur, mais non pas Repenti.
Il n’est pas moins certain qu’il a parcouru presque toute l’Italie. Dans un endroit, il se plaint de l’impression qu’on avait faite de ses œuvres, lorsqu’il était allé en Pélerinage à Notre-Dame de Lorette. Dans le second livre de ses Amours, Sonnet second, il s’exprime ainsi :
Mon cœur passe les monts, et
court dans l’Italie :
Or il est dedans Rome, et contemple ravi
Ce séjour qui avait à soi tout asservi,
Qui fut jadis du monde et la gloire et l’envie :
Or il est à Venise,
où l’on voit à l’envi
Mille chemins ouverts pour la méchante vie,
Où l’âme aux voluptés
salement asservie
Voit, aussitôt qu’il veut, son désir
assouvi.
Or il est à Florence, et
tout environné
De Temples, de Palais, à demi étonné
D’une si belle Ville admire la richesse.
Or il est à Ferrare,
à Padoue, à Milan :
Mais tout cela ne peut divertir la tristesse
Que je porte dans l’âme il y a plus d’un
an.
Je sais bien que cette expression, mon cœur passe les monts, pourrait s’entendre d’un voyage fait seulement en imagination : mais vingt autres endroits des poésies de Trellon prouvent qu’il avait réellement visité presque toute l’Italie. Voyez en particulier le Sonnet 63e du troisième livre : il y souhaite avec ardeur de sortir de l’Italie dont il fait un portrait fort laid par rapport aux mœurs, et de retourner promptement en France. Dans des Stances qui suivent 66 Sonnets qu’on lit dans le second livre de ses Amours, on voit qu’il était alors à Turin, qu’il s’y ennuyait beaucoup, et qu’il y était déjà demeuré bien plus longtemps qu’il ne l’avait espéré. […]
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la
Littérature française,
tome XIII, 1752, pp. 375-378
[Gallica, NUMM-50656, PDF_401_404]
(texte modernisé).
Notes
[1] La « vie » de Claude de Trellon succède à celle de Roland Brisset dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet.
Liens
Étude en ligne
* On peut lire, d’Audrey Duru, Un geste éditorial : la publication de contrefaçons. L’exemple des recueils du poète Claude de Trellon sous la Ligue et sous Henri IV, article publié en 2017 dans le volume 13 de la revue Histoire et civilisation du livre, en ligne depuis le portail de revues de la Librairie Droz.
En ligne le 19/01/05.
Dernière révision le 18/12/20.