Pierre de RONSARD (1524-1585)
Paris, veuve Maurice de La Porte, 1553.

DOux fut le trait, qu’Amour hors de sa trousse,

Pour me tuer, me tira doucement,
Quand je fus pris au doux commencement
D’une douceur si doucettement douce.

Doux est son ris, et sa voix qui me pousse
L’âme du corps, pour errer lentement
Devant son chant marié gentement
Avec mes vers animés de son pouce.

Telle douceur de sa voix coule à bas,
Que sans l’ouïr vraiment on ne sait pas,
Comme en ses rets Amour nous encordelle.

Sans l’ouïr, dis-je, Amour même enchanter,
Doucement rire, et doucement chanter,
Et moi mourir doucement auprès d’elle.

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de Muret

Doux fut le trait.) Il am­pli­fie la dou­ceur de son amour, et de sa dame. Ici on peut no­ter l’in­cons­tance per­pé­tuelle com­pagne des amou­reux, qui fait, qu’en un même mo­ment, ils jugent l’amour plus douce que miel, et plus amère qu’al­uine. Sa voix qui me pousse L’âme du corps.) Qui fait que mon âme me laisse pour suivre son chant. Ma­rié gen­te­ment Avec mes vers ani­més de son pouce.) Il veut dire, que Cas­sandre jouant du Luth, chan­tait des vers, qu’il avait faits, et le fai­sait d’une si bonne grâce, mi­gnar­de­ment pin­ce­tant les cordes, qu’elle sem­blait leur don­ner l’âme. Telle dou­ceur.) C’est une imi­ta­tion de Pé­trarque,

Non sa com’Amor sana, & com’ancide,
Chi non sa, come dolce elle sospira,
E come dolce parla, e dolce ride.

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[texte modernisé]
[R]

 
 

En ligne le 04/02/16.
Dernière révision le 10/03/22.