Antoine Fouquelin,
La Rhétorique
française,
Paris, André Wechel, 1555,
Figure, Anadiplose, pp. 63-66.
L’anadiplose est un nombre [1] par lequel un même son est répété à la fin du premier vers, et au commencement du suivant. Ronsard :
Doncques avare cesse,
Cesse avare et délaisse
Tant de biens amasser.
Le même au même livre :
Tirant un gain de ton dommage,
Dommage que l’on ne sent point.
Baïf aux Amours de Méline :
Dedans cet œil Amour a mis sa
flamme,
Flamme qui vient mes forces consumant.
En laquelle manière de nombre, plusieurs mots peuvent être répétés, comme aux autres ci-devant expliquées. Tahureau en l’ode à Messieurs les enfants :
Ne veuilles heureuse jeunesse
Refuser le jeune labeur,
Le jeune labeur que j’adresse
Devers votre jeune grandeur.
Ronsard :
Et le plaisir qui ne se peut passer
De les songer, penser et repenser,
Songer, penser et repenser encore.
Ce nombre est affecté par les poètes, en la Rime qu’ils appellent fratrisée et annexée : exemple de la fratrisée est en un Épigramme de Marot à Charon.
Mets voile au vent, cingle vers nous
Charon,
Car on t’attend, et quand seras en tente
Tant et plus bois bonum vinum Charon.
Qu’aurons pour vrai, doncque sans longue attente,
Tente tes pieds à si décente sente,
Sans te fâcher, &c.
Exemple de l’annexée est aux chansons de ce même auteur :
chanson 1
Plaisir n’ai plus, mais vis
en déconfort,
Fortune m’a remis en grand’ douleur :
L’heur que j’avais est tourné en
malheur :
Malheureux est, qui n’a aucun confort.
Fort suis dolent, et regret me remord,
Mort m’a ôté ma Dame de valeur,
L’heur que j’avais est tourné en
malheur :
Malheureux est qui n’a aucun confort.
Le même :
chanson 3
Dieu gard ma Maîtresse et
Régente,
Gente de corps, et de façon.
Son cœur tient le mien en sa tente
Tant et plus, d’un ardent frisson.
S’on m’oit pousser sur ma chanson
Son de Lucs, ou Harpes doucettes,
C’est Espoir qui sans marrisson,
Songer me fait en amourettes.
La
Rhetorique françoise d’Antoine Foclin
de Chauny en Vermandois,
Gallica, ark:/12148/bpt6k63291011,
pp. 63-66
(texte modernisé).
Notes
________
[1]
« Il y a deux sortes
de figures : l’une est en la
diction [le mot, l’expression], l’autre en la sentence
[la pensée].
La figure de la diction est une figure qui
rend l’oraison [le discours] douce et harmonieuse, par une
résonance de dictions,
appelée des anciens Nombre,
laquelle s’aperçoit avec
plaisir et délectation.
Parquoi si je dis du nombre, je dirai de la
figure de diction.
Le nombre est une plaisante
modulation et harmonie en
l’oraison.
Le nombre se fait, ou par une certaine mesure et
quantité de syllabes,
gardée en l’oraison :
ou par une douce résonance des
dictions de semblable son. »
La Rhétorique française, p. 35.