Plutôt naîtra le
jour de l’ombre de la terre,
Le doux miel de la mer, le repos de la guerre,
Qu’au cœur tyrannisé se trouve un vrai amour
AUX DAMES.
Je l’avoue, Mesdames, mes épaules sont trop faibles pour le fardeau de vos mérites, vos louanges ne sont pas en lustre en mes paroles, et c’est un oser trop élevé pour les ailes de mon pouvoir, si devez-vous [1] accorder à mon zèle qu’il doit ce qu’il peut pour l’étoffement de vos trophées, et s’émouvoir avec raison : lorsqu’il oit les chantres du sexe contraire, entreprendre la publication de ce que vous valez pour avec une artificieuse malice taire les plus dignes de vos qualités, et déguiser celles que la force de la vérité leur fera confesser : Récusez ces faux amis Mesdames, et n’attendez pas que ceux qui n’apprennent à vos jeunes ans que l’ignorance, qui énervent les belles facultés de vos Âmes, par les manotes de l’oisiveté [2], qui ne vous veulent capables que du tournement d’un fuseau, nées que pour leur servir de Marrotes, destinées qu’à l’exercice de leur tyrannie, vous puissent exalter : que ces Nains dis-je qui pour s’élever vous abaissent, et de qui la chassie ne peut observer vos Soleils aiment les éclats de votre gloire. Non, Mesdames, leur encre charbonne votre nom : mais voici votre propre Apologie, elle sort de vous, parle pour vous, et se fortifie par vous, c’est un petit abrégé de votre excellence où autre que vous ne doit contribuer, c’est un tableau auquel vous fournissez, et l’art et la matière, et où brillantes de mille vives couleurs, vous faites flamboyer votre vertu. À vous donc la défense de votre défense, et à moi le bonheur que le sort m’ait éveillé des premières pour crier après l’ennemi du capitole, hé que de tant que je pourrais nommer entre vous, Mesdames, n’en vois-je quelqu’une effacer de lustres les lignes de ce Livret, marquer ses triomphes en l’anéantissement de mon labeur, et se montrer digne trompette, d’une si éclatante vérité, mon bon Démon le prophétisant ainsi me fait taire, Vivez contentes Dames vertueuses, et triomphez toujours puisque la vertu ne se désapprend jamais.
Jacqueline de MIREMONT,
Apologie pour les Dames,
où est montré la précellence
de la femme en toutes actions vertueuses,
1602, ff. 3v°-4v°
[Gallica, NUMM-1510450, PDF_12_14]
(texte modernisé).
Notes
[1] « si devez-vous » : néanmoins vous devez
[2] « qui énervent les belles facultés de vos Âmes, par les manotes de l’oisiveté » : qui affaiblissent les belles facultés de vos Âmes, par les menottes de l’oisiveté
Je suis de terre et lourd,
Ève vie et esprit
Liens
Extrait en ligne
* On peut lire l’extrait de l’Apologie pour les Dames consacré à Sapho dans une page de Saphisme.com.
En ligne le 12/11/21.
Dernière révision le 12/11/21.