Si de ta sainte voix j’ai fait un nez de cire,
Si j’ai pensé, mon Dieu, de renverser ta voix,
Que je sois dès cette heure en la terre engloutie.
J’ai été plus satisfait des poésies spirituelles d’Anne de Marquets [1], Religieuse de l’Ordre de Saint Dominique. Cette pieuse fille était Française, d’une famille noble, et fut élevée avec beaucoup de soin, même dans l’étude des lettres humaines. Mais elle méprisa tous les avantages que le siècle pouvait lui offrir, pour se consacrer à Dieu dans la vie Religieuse. Elle fit profession à Poissy, où il paraît qu’elle a fait sa demeure jusqu’à sa mort. Elle vivait encore en 1571 puisque Claude Despence, dans son Testament, qui est du mois d’Octobre de ladite année, lui laissa 30 livres de rente ; et l’on voit par un Sonnet de P. Cointerel, qu’elle ne mourut que le onze de Mai 1588, jour de devant les Barricades. Elle avait perdu la vue deux ans avant sa mort.
Anne de Marquetz (car c’est ainsi qu’elle signe son nom, et non Des Marquets, comme on le lit dans quelques Écrivains,) avait eu d’étroites liaisons avec Despence, de même qu’avec quantité d’autres personnes de son temps distinguées dans l’Église et dans la Littérature, qui estimaient ses talents, et plus encore sa modestie et sa piété.
Je vous ai parlé ailleurs de sa traduction en vers Français [a], des poésies pieuses faites en vers Latins par Marc-Antoine Flaminio, et de celle de la Paraphrase des Collectes de l’Église, composée aussi en vers Latins par Claude Despence. Mais j’ai oublié de vous dire alors que la première traduction, qui est de l’an 1568, est précédée d’une longue Épître en vers Français, où Anne de Marquets donne d’excellents avis concernant les devoirs de la vie Chrétienne, et rabaisse beaucoup ses propres talents. Cette Épître est adressée à Madame Marguerite sœur du Roi très Chrétien Charles IX, et suivie d’un Sonnet, à la même, où elle loue cette Princesse. Les poésies Spirituelles de notre Religieuse, sont à la suite de cette traduction. Elles consistent en onze Cantiques ou Chansons Spirituelles, et 40 Sonnets. Il y a dans ces poésies beaucoup de piété ; et l’Auteur y montre une grande connaissance de la Religion, et un zèle solide et éclairé. Gilles Durant de La Bergerie, Ronsard, et plusieurs autres Poètes du même temps en ont fait l’éloge en plusieurs endroits de leurs poésies. Cette pieuse fille laissa en mourant à Madame de Fortia, Religieuse du même Couvent, 380 Sonnets Spirituels sur les Dimanches et principales Solennités de l’année [2], qui furent imprimés en 1605, avec toutes les poésies Latines et Françaises qu’on put recueillir, et qui avaient été faites pour célébrer les talents et les vertus de l’Auteur.
L’abbé GOUJET,
Bibliothèque française,
ou Histoire de la Littérature
française,
tome XIII, 1752, pp. 109-111
[Gallica, NUMM-50656, PDF_135_137]
(texte modernisé).
Notes
[1] La « vie » d’Anne de Marquets succède, dans la Bibliothèque de l’abbé Goujet, à celle de Georgette de Montenay, qui s’achève par ces mots : « Le recueil [des emblèmes] finit par […] une Énigme de plus de 70 vers, où je n’ai rien entendu. »
[a] Note marginale : «Bibl. Franç. t. 7 p. 66 & suiv.»
[2] Les sonnets spirituels sont au nombre de 480, non 380.
Ha rompez les filets, désengluez vos ailes
Liens
Compte rendu d’édition papier
* On peut lire un compte rendu bibliographique de Robert Bossuat, publié en 1932 dans le n° 93 de la Bibliothèque de l’École des Chartes, sur l’ouvrage de Sœur Mary Hilarine Seiler, C. D. P. Anne de Marquets, poétesse religieuse du XVIe siècle (Université catholique de Washington, 1931), sur Persée, portail d’édition électronique de revues scientifiques en sciences humaines et sociales.
Notice bio-bibliographique
* Une page de la Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime est consacrée à Anne de Marquets.
Liens valides au 07/07/21.
En ligne le 14/10/06.
Dernière révision le 07/07/21.