Louis Charondas LE CARON
(1534-1613)
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1554 : Les fiers Géants…

Un autre aimant,

je me suis désaimé.

 

 

« Quelqu’un enflam­mé de mé­di­sante envie ne trou­ve­ra bon qu’entre les dis­putes phi­lo­so­phiques j’ai mis le nom d’une Demoi­selle : comme s’il était mes­séant de phi­lo­sopher avec les femmes. Tou­te­fois assez m’excu­se­rait, ou la condi­tion de cet âge, ou l’exemple des autres, si telles rai­sons me conten­taient. Mais mon inten­tion, laquelle ne peut flat­ter les erreurs de la sotte mul­ti­tude, n’aspire ail­leurs, qu’à re­mettre au che­min de ver­tu les hommes éper­dus en vaines et mi­sé­rables volup­tés : duquel bien je vou­drais aus­si que les femmes par­ti­ci­passent : afin que de tous la véri­té des choses fût enten­due et nul ne se trou­vât igno­rant de soi-même. Autant me plaît le nom de Claire, qu’à Pla­ton celui de Phèdre. Les amours sont sem­blables, l’une et l’autre viennent de l’esprit, ont en lui leur cause, ori­gine, moyen et conten­te­ment  : et ne tendent qu’à la jouis­sance du sou­ve­rain bien, lequel tout homme bien né doit se pro­po­ser. »

Les Dialogues de Loys Le Caron, Paris, 1556, Avant-propos, au Lecteur, f° 2v°.
[Gallica, NUMM-64769, PDF_7]

Lucien PINVERT, 1902.

Louis Le Ca­ron, qui prit le sur­nom de Cha­ron­das, des­cen­dait d’une fa­mille grecque ve­nue en France au XVe siècle, à la suite du con­cile de Fer­rare. No­tons ce point : quand il adop­te­ra plus tard un nom grec, il se sou­vien­dra de ses ori­gines ; peut-être même ce nom, qu’il trans­met­tra à ses en­fants, n’était-il que la forme pri­mi­tive de son nom pa­tro­ny­mique. Il naquit à Paris, en 1536, le jour de la Sainte-Cathe­rine, c’est-à-dire le 25 no­vembre. Sa mère, née Val­ton, appar­te­nait à une famille de ma­gis­trats. Des­ti­né à la robe, il prit ses de­grés de bonne heure. Il étu­dia le droit à Bourges, où l’ensei­gne­ment de cette science je­tait alors un si vif éclat. Il y sui­vit les leçons de Jean Duaren. En 1552, il fut reçu avo­cat à Paris ; il avait seize ans. Il écri­vit alors des dis­ser­ta­tions en la­tin, Veri­si­mi­lium libri III, dont je n’ai pu décou­vrir aucun exem­plaire. Entre temps, il s’était épris d’une jeune fille nom­mée Claire, ou qu’il appelle ain­si, et l’amour le ren­dit poète. La Poé­sie de Loys Le Caron, pu­bliée en 1554, contient cent son­nets (décasyl­la­biques) en l’hon­neur de Claire. […][1] Claire était fort ins­truite. Quand le jeune Le Caron ve­nait de Bourges en va­cances, il la voyait chez ses pa­rents, et le temps s’écou­lait en doctes cau­se­ries sur le pro­pos de ses études. Un jour, il fut ques­tion « de la pru­dence de droit », c’est-à-dire de la ju­ris­pru­dence, et l’en­tre­tien eut tant de charmes pour notre étu­diant qu’il déli­bé­ra de le mettre par écrit. Il pu­blia donc (encore en 1554) La Claire ou la Pru­dence de droit, long, très long dia­logue entre Claire et l’au­teur sous le nom de Solon. […] Le vo­lume se ter­mine par La Clar­té amou­reuse : 83 son­nets en l’hon­neur de Claire (la plu­part dé­jà pu­bliés dans la Poé­sie) et un cer­tain nombre de pièces de formes di­verses. Quand l’ou­vrage parut, Claire était morte. l’au­teur exha­la son cha­grin dans la Pré­face, et dé­sor­mais il ne fit plus de vers. Un vrai poète eût pui­sé l’ins­pi­ra­tion dans sa dou­leur. Se taire, n’était-il pas d’un vrai amant ?

Lucien PINVERT,
Revue de la Renaissance,
deuxième année, tome II, Vendôme, 1902,
« Louis le Caron, dit Charondas », première partie, pp. 1-9
[Slatkine Reprints, Genève, 1968]
[Gallica, NUMM-15444, PDF_5_13].


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Notes

[1] On a reti­ré du corps de l’article les lignes qui suivent dans les­quelles, comme bon nombre de ces pas­sion­nés de Renais­sance qui écri­virent lon­gue­ment sur les poètes, l’au­teur montre son mé­pris pour la poé­sie de Le Caron et de ses pairs :
« L’imi­ta­tion de Ron­sard est fla­grante, et, du reste, cette poé­sie, pour la ju­ger en peu de mots, pré­sente tous les ca­rac­tères de la poé­sie amou­reuse telle qu’on la trouve chez tous les ri­meurs du temps : éta­lage, mo­no­tone jus­qu’à la fa­tigue, d’effu­sions raf­fi­nées et ver­beuses, affé­te­ries éro­tiques, mé­lange de ga­lan­te­rie et d’éru­di­tion, tout ce qu’on dé­signe sous le nom de pé­trar­quisme. »

 

Pour pandorer ta clarté surdivine

 
Frédéric GODEFROY, 1878
 

Louis Le Caron, sur­nom­mé Cha­ron­das, doit aussi être nom­mé par­mi les plus cé­lèbres ju­ris­consultes du sei­zième siècle. Né à Paris en 1534, il des­cen­dait d’une fa­mille grecque ve­nue en France au quin­zième siècle, à la suite du consul de France. Après avoir acquis une grande ré­pu­ta­tion comme avo­cat au Par­le­ment, il fut maître des Eaux et fo­rêts de Meaux et Crécy ; il réus­sit, pen­dant qu’il rem­plis­sait cette charge, à conser­ver au roi la ville de Cré­cy dont les li­gueurs avaient vou­lu s’em­pa­rer ; deve­nu maître des re­quêtes de la reine Ca­the­rine de Mé­di­cis, cette prin­cesse l’éta­blit, en 1567, lieu­te­nant gé­né­ral du bail­lage de Cler­mont, sur la de­mande expresse de la ville. Il fut élu dépu­té aux états de Blois de 1588, par le tiers état du com­té. Son dévoue­ment à la cause royale lui atti­ra les per­sé­cu­tions des li­gueurs qui, après avoir pil­lé sa mai­son et dé­truit sa bi­blio­thèque, l’obli­gèrent à quit­ter le pays : c’est pen­dant cet exil qu’il com­po­sa la plu­part de ses ou­vrages. Henri IV, pour le dé­dom­mager de ses pertes, lui accor­da, le 26 mars 1590, une ordon­nance de deux mille écus à prendre sur les biens meubles des re­belles de Cler­mont, et confir­ma, au mois de fé­vrier 1601, l’ano­blis­se­ment confé­ré, en 1497, à son aïeul. Il mou­rut le 18 septembre 1613, âgé de 79 ans. On lui doit sur quelques ma­tières de juris­pru­dence plu­sieurs trai­tés qui fai­saient auto­ri­té dans l’an­cien droit. Il pu­blia aussi un pa­né­gy­rique de Charles IX et divers écrits lit­té­raires.

Frédéric GODEFROY,
Histoire de la Litté­ra­ture fran­çaise, tome 1, XVIe siècle, prosa­teurs et poètes, Paris, 1878, p. 37
[Gallica, NUMM-23408, PDF_41].


Liens

Étude en ligne

* On peut lire, au format PDF, publié dans le n° 21 d’avril 2018 de la revue Camenae, un article de Stephan Geonget, « Louis Le Caron poète, phi­lo­sophe et ju­riste : pour une apo­lo­gie de la clar­té ».

Liens valides au 11/12/24.


 

Pour déjaunir ma langueur improspère

 
 
 


En ligne le 18/06/05.
Dernière révision le 04/04/22.