Francesco PETRARCA (1304-1374)
Di dì in dì… (Canz., 195)
Venise, 1470, f° 75v° [←Gallica].

DI di in di uo cangiando il uiso el pelo

ne pero smorso idolci inescati hami
ne sbranco iuerdi & in uescati rami
delarbor che ne sol cura ne gielo
senza acqua il mare & senza stelle il cielo
fia inanzi chi non sempre tema et brami
la sua belombra & chio non odi & ami
lalta piaga amorosa che mal celo

N on spero del mio affanno auer mai posa
infin chi mi disosso & sneruo & spolpo
o la nimica mia pieta nauesse.
esser puo inprima ogni impossibil cosa
chaltri che morte odella sanil colpo
chamor chosuoi begliocchi alcor mimpresse

Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, CXXVII, pp. 125-126 [←Gallica].

De iour en iour mon poil & tainct se change,
Ne puis pourtant ma uolunté changer,
Ne du fort gluc ne me puis desbrancher
De l’arbre uert digne à toute louange.

Plus tost sera que de la mer s’estrange
Tout le poisson, pour en l’air heberger:
Plus tost du ciel on uerra desloger
Astres & sainctz, que ie n’aime cest ange.

Ie n’ay espoir d’estre hors de mes peines,
Iusques que sois sans os, chair, nerfz & ueines,
Ou qu’à pitié elle se conuertisse.

Plus tost les mers submergeront les cieux,
Qu’autre que mort, ou elle me guerisse
Du coup qu’amour me fit par ses beaulx yeux.

Gramont, La mort ou sa dame… (1842)   ↓   ↑   ⇑  →t.m.
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CLXII, p. 135 [←Gallica].

la mort ou sa dame peuvent seuls le guérir de son amour.

De jour en jour je vois chan­ger mon vi­sage et mes che­veux, et pour­tant je ne cesse pas de mordre à l’amorce des deux hame­çons, et je ne romps pas les verts et per­fides ra­meaux de l’arbre qui n’a sou­ci ni du So­leil ni des hi­vers.

La mer sera sans ondes et le ciel sans étoiles, avant que je cesse de re­dou­ter et de dé­si­rer cet om­brage char­mant, et de dé­tes­ter et de ché­rir à la fois la pro­fonde plaie amou­reuse que je sais mal ca­cher.

Je n’espère pas trou­ver de re­pos à mon tour­ment, avant que j’aie lais­sé mon en­ve­loppe d’os, de nerfs et de chair, ou bien que mon enne­mie m’ait pris en pi­tié.

Toutes les choses impos­sibles peuvent arri­ver avant qu’une autre puis­sance que celle de la Mort, ou bien la sienne, ne gué­risse le coup dont ses beaux yeux, avec l’aide d’Amour, m’ont na­vré jus­qu’au cœur.

























Avignon, B. Bonhomme, 1555, I, CXXVII, pp. 125-126 [←Gallica].

De iour en iour mon poil & tainct se change,
Ne puis pourtant ma uolunté changer,
Ne du fort gluc ne me puis desbrancher
De l’arbre uert digne à toute louange.

Plus tost sera que de la mer s’estrange
Tout le poisson, pour en l’air heberger:
Plus tost du ciel on uerra desloger
Astres & sainctz, que ie n’aime cest ange.

Ie n’ay espoir d’estre hors de mes peines,
Iusques que sois sans os, chair, nerfz & ueines,
Ou qu’à pitié elle se conuertisse.

Plus tost les mers submergeront les cieux,
Qu’autre que mort, ou elle me guerisse
Du coup qu’amour me fit par ses beaulx yeux.

Gramont, De jour en jour… (1842)   ↓   ↑   ⇑ o
Poésies de Pétrarque, « Du vivant de Laure »,
Paris, Paul Masgana, 1842, sonnet CLXII, p. 135 [←Gallica].

la mort ou sa dame peuvent seuls le guérir de son amour.

De jour en jour je vois chan­ger mon vi­sage et mes che­veux, et pour­tant je ne cesse pas de mordre à l’amorce des deux hame­çons, et je ne romps pas les verts et per­fides ra­meaux de l’arbre qui n’a sou­ci ni du So­leil ni des hi­vers.

La mer sera sans ondes et le ciel sans étoiles, avant que je cesse de re­dou­ter et de dé­si­rer cet om­brage char­mant, et de dé­tes­ter et de ché­rir à la fois la pro­fonde plaie amou­reuse que je sais mal ca­cher.

Je n’espère pas trou­ver de re­pos à mon tour­ment, avant que j’aie lais­sé mon en­ve­loppe d’os, de nerfs et de chair, ou bien que mon enne­mie m’ait pris en pi­tié.

Toutes les choses impos­sibles peuvent arri­ver avant qu’une autre puis­sance que celle de la Mort, ou bien la sienne, ne gué­risse le coup dont ses beaux yeux, avec l’aide d’Amour, m’ont na­vré jus­qu’au cœur.

F. Brisset, De jour en jour… (1933)   ↓   ↑   ⇑  →t.o.
Pétrarque à Laure. Les Sonnets, « À Laure vivante »,
Paris, J.-A. Quereuil, 1933, CXLIII, p. 143 [←Gallica].

De jour en jour je change et de tête et de poil,
Sans pouvoir fuir l’appât qui m’a tant attiré,
Et je reste englué toujours aux branches vertes
De l’arbre qui ne craint ni soleil, ni gelée.

La mer sera sans eau et le ciel sans étoiles
Avant que je ne cesse et de craindre et d’aimer
Son ombrage charmant, de chérir, de maudire
La blessure d’amour que je cache si mal.

Si ma chère ennemie est toujours sans pitié,
Je n’espère à ma peine aucun soulagement
Jusqu’au jour où mon corps en lambeaux tombera.

On verrait l’impossible avant qu’on me pût voir
Par d’autres que la mort ou ma Donna, guéri
Des blessures d’amour faites par ses beaux yeux.

























textes modernisés
[R]

 

En ligne le 02/10/21.
Dernière révision le 02/10/21.