François HABERT
(v. 1510-ap. 1561)
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Plutôt au ciel bœufs prendront leur pâture     volant en l’air,     et en vélocité     pourront muer leur pondérosité

 

 
L’abbé GOUJET, 1752
 

FRANÇOIS HABERT.

Le règne poétique de Fran­çois Habert fut plus long et plus glo­rieux que celui de plu­sieurs des Poètes dont je vous ai dé­jà entre­te­nu.[1] Habert eut l’avan­tage d’être connu de nos Rois, d’être appe­lé à leur Cour, de tra­vail­ler par leurs ordres, et d’être hono­ré en par­ti­culier du titre de Poète de Hen­ri II. Vous savez dé­jà une par­tie de ces faits : les tra­duc­tions qu’Habert a publiées des Dis­tiques de Caton, des Sa­tires, et de quelques Épîtres d’Horace, des Méta­mor­phoses d’Ovide, et de quelques-unes des Élé­gies amou­reuses du même, de plu­sieurs opus­cules de Phi­lippe Béro­alde, tra­duc­tions dont je vous ai par­lé, m’ont aus­si don­né lieu de vous rap­por­ter plu­sieurs choses qui concernent le tra­duc­teur.

Habert ne par­vint cepen­dant que len­te­ment à la gloire qu’il recher­cha de bonne heure, et qui ne cou­ron­na presque que les der­nières années de sa vie. Né à Issou­dun en Ber­ry d’une fa­mille qui n’était guère connue alors, que dans le lieu de son éta­blis­se­ment, il vint jeune à Paris pour y faire ses études, et il y prit du goût pour la poé­sie La­tine et Fran­çaise. Il avait dans cette Ville un Cou­sin Ger­main, qu’il nomme Maître Jean Guil­lo­teau : ce Parent avait les mêmes incli­na­tions ; l’un et l’autre étaient à peu près de même âge ; la liai­son qu’ils for­mèrent entre eux fut si étroite, qu’Habert la com­pare à celle qui unis­sait Oreste et Pylade.

Leurs études et leurs plai­sirs étaient les mêmes ; ils se mon­traient leurs pro­duc­tions, et Guil­lo­teau applau­dis­sait tou­jours à son Cou­sin. Mais enfin il fal­lut se sépa­rer. Le père d’Habert voyant que son fils était près de fi­nir le cours ordi­naire des Études, et crai­gnant qu’il ne se dé­ran­geât dans une ville où la jeu­nesse a tou­jours ren­con­tré tant d’écueils, vint à Paris dans le des­sein de le rame­ner avec lui à Issou­dun. Il paraît que ce père si atten­tif fit quelque sé­jour dans la Capi­tale du Royaume, et qu’il y fut té­moin de la pas­sion de son fils pour la poé­sie, puisque celui-ci écri­vant dans la suite à Charles Bil­lon qui rési­dait à Paris, il lui rap­pelle ces cir­cons­tances :

Je crois qu’avez assez connu mon père,
Lorsqu’à Paris, en ma jeunese folle,
Il vint exprès pour m’ôter de l’École :
Et en ce temps vous étiez, ce me semble,
En un logis constitués ensemble,
Où il vous plut voir quelque fantaisie
De ma jeunesse, et tendre poésie ;
Non que des yeux tant clairs elle fut digne,
Mais par autant qu’un peu était latine.
Dont puis après, au pays de Berry,
D’ouïr mes vers n’avez été marri :
Ains quelquefois en merveilleux plaisir
De me récrire avez pris le loisir
En vers Latins, &c.

Habert demeu­ra peu en Ber­ry. Son père qui le des­ti­nait à la Juris­pru­dence, l’en­voya à Tou­louse où l’étude du Droit était très flo­ris­sante ; son fils sui­vit ses in­ten­tions ; il s’ap­pli­qua avec ardeur à ce qui lui était en­sei­gné, et il avait dé­jà acquis l’estime et l’affec­tion de ses maîtres, lorsque la mort trop prompte de son père vint dé­ran­ger ses pro­jets. Le défunt avait eu plus de pro­bi­té que de ri­chesses. Char­gé de quatre filles, il s’était incom­mo­dé pour don­ner à son fils une édu­ca­tion conve­nable. En le per­dant, Habert se vit pri­vé du seul fonds sur le­quel il avait été entre­te­nu jusque-là. […]

Il était encore éco­lier étu­diant à Tou­louse, lors­qu’il publia le pre­mier re­cueil de ses poé­sies, toutes en vers de dix syl­labes. Il y prit pour devise, fi de Sou­las, et l’in­ti­tula le Ban­ni de Liesse, titre par lequel il s’est dé­si­gné dans presque tous ses autres ou­vrages. Sa situa­tion peu com­mode, et les revers qu’il éprou­vait, le lui avaient fait prendre :

Puisque fortune incessamment me blesse,
Nommé je suis le Banni de Lyesse,
Ce nom m’est dû.

[…]

L’abbé GOUJET,
Biblio­thèque fran­çaise,
ou His­toire de la Litté­ra­ture fran­çaise,
tome XIII, 1752, pp. 8-14
[Gallica, NUMM-50656, PDF_34_40]
(texte modernisé).


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Notes

[1] La « vie » de Fran­çois Habert suc­cède, au début du trei­zième tome de la Biblio­thèque de l’abbé Goujet, à celles de Maclou de La Haye et de Nico­las Deni­sot, et à l’évo­ca­tion rapide des contri­bu­tions des poètes publiés dans le recueil col­lec­tif inti­tu­lé Les Can­tiques du sieur de Valagre : Valagre, la Maison-Fleur, Marin Le Saulx, Saute­mont, La Roche-Chandieu, &c.





Liens

Étude

* On peut lire, sur Les Visions d’Oger le Dannoys au Royaulme de Fairie publiées par François Habert en 1542, Une épopée à la mode humaniste, étude d’Émanuelle Hoyer-Poulain parue en 1996 dans le n° 2 des Cahiers de recherches médiévales.


 


En ligne le 08/05/09.
Dernière révision le 10/02/23.