De Clément Desaurs on ne sait presque rien. Le seul volume connu de L’Eraton, passé en vente publique en 2004, a été préempté par la BnF. Il a été mis en ligne sur Gallica le 15 mai 2017.
CLÉMENT DE SAURS
Né à Gaillac, en Guyenne.
Son recueil de poésies contient des sonnets, des odes, des élégies et plusieurs autres poèmes amoureux qu’il composa pour une dame qu’il aimait et qu’il appelle Jeanne. Et en cela son intention était de l’éterniser à l’égal des Cassandre et des Diane de Ronsard et de Desportes. Mais certes il en fut bien éloigné puisque le nom de sa maîtresse et le sien même sont morts éternellement avec son livre, si ce n’est par hasard qu’il ressuscitent dans le mien. Mais comme je suis en possession de rapporter toujours ici quelque chose de nos poètes dont je parle, voici le premier des sonnets amoureux de celui-ci :
Qui voudra voir, exempt de sa rigueur,
Quel est l’amour, quelles sont ses flamesches,
Quel est son arc et quelles sont ses flesches,
Qu’il vienne voir l’enfer de ma langueur.
Qui voudra voir sous les pieds
d’un vainqueur
Un flanc percé de mille et mille bresches,
Et comme encore un chaut désir desseche
D’un pauvre amant et le sang et le cœur ;
Vienne vers moy, et comtemplant la cendre
De la raison d’une jeunesse tendre,
Pleure mon sort et blâme ce pervers.
Il verra lors son trophée et
sa gloire
Pendus à l’œil qui causa sa victoire
Et la fureur des assauts dans mes vers. [a]
C’est une chose étrange que le premier sonnet de Ronsard, qui commence ainsi :
Qui voudra voir comme amour me surmonte, etc
ait fait tant de mauvais singes ! Vous diriez que la plupart de ceux de son temps, et après son temps même, n’eussent su par où débuter leurs sonnets amoureux s’ils n’eussent eu celui-là pour règle et pour modèle [b]. Mais, ô misérables copies, que vous êtes aussi éloignées du mérite de cet original qu’un simple grotesque commencé est éloigné des portraits achevés de Michel-Ange !
(Bibl. du Louvre, Colletet,
Hist. des poètes français,
t. VI.)
Achille de ROCHAMBEAU,
La famille de Ronsart,
chapitre V, Pierre de Ronsard, ses juges et ses imitateurs,
Paris, Librairie A. Franck, 1868, pp. 255-256
[gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k27819p, PDF_259_260]
(texte modernisé).
[a] Graphie et ponctuation de Colletet (ou de Rochambeau) sont assez éloignées de celles de l’édition originale.
[b] Colletet semble ignorer que le modèle de Ronsard lui-même est le sonnet de Pétrarque, « Chi vuol veder… » (Canzoniere, 248), qui figure parmi les six sonnets de Pétrarque traduits et publiés par Clément Marot vers 1539.
En ligne le 22/05/17.
Dernière révision le 30/10/23.