SCALION DE VIRBLUNEAU,
sieur d’ofayel.
Ami lecteur, avez-vous jamais ouï parler de monsieur Scalion de Virbluneau, sieur d’Ofayel ?
Je parierais mes deux oreilles contre une bouteille de vin de Xerès authentique que vous ne vous doutiez même pas de son existence. C’est un bonheur qui n’est point donné à tout le monde, que de connaître monsieur Scalion de Virbluneau. — Ce bonheur, je l’ai, moi qui vous parle ; j’en suis fier, et cependant je ne le dois qu’au hasard : mais c’est une faiblesse habituelle à l’homme qui trouve quelque chose de s’en enorgueillir, comme si ce n’était pas l’effet de quelque rencontre fortuite plutôt que de son habileté et de ses combinaisons…
[…]
— Quant à Scalion de Virbluneau, sieur d’Ofayel, c’est très certainement un des plus détestables poètes qu’il soit possible de trouver. Son commentateur, s’il avait un commentateur, car je suis trop modeste pour me compter, serait embarrassé pour en faire l’éloge ; et cependant ces messieurs savent dénicher des beautés secrètes jusque dans les points et les virgules. — Brossette en personne, Brossette, ce niais annotateur de Boileau, y aurait perdu son grec et son latin : il est difficile, même à un poète lauréat, d’être plus outrageusement ennuyeux, plus dénué de passion et d’idées. — Cela est monstrueusement nul, démesurément plat et gigantesquement médiocre ; c’est au-dessous de tout ; cela n’est pas même mauvais. […]
Théophile GAUTIER,
Les Grotesques,
1844, chapitre II, pp. 61-71
[Gallica, NUMM-10454963, PDF_71_81].
Notes
Liens
* On peut trouver en ligne sur Persee, portail de publication électronique de revues scientifiques en sciences humaines et sociales, Cadre et figure dans les Emblèmes des Loyalles et pudicques amours de Scalion de Virbluneau (1599) article d’Olivia Rosenthal publié en 1990 dans la revue Réforme, Humanisme, Renaissance.
En ligne le 06/12/23.
Dernière révision le 06/12/23.