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Tres amers pleurs pleuuent de mes deux yeulx,
Auec un uent angoisseux de souspirs,
Quand à uous uoir ie prens tous mes plaisirs,
Pour qui me tiens loin du monde ennuyeux.
Vray est qu’un peu ce soubris gracieux
Va appaisant l’ardeur de mes desirs,
Et en rongnant ces miens grandz desplaisirs,
Voz yeulx me font moins triste & soucieux.
Mais mes espritz deuiennent puis
glaçons,
Quand au depart uois ces doulces façons
Tordre de moy mes fatales estoiles.
L’ame à la fin des
clefz d’amour laschée
Sort de mon cœur, & pensiue &
faschée,
S’en arrachant uous suit à pleines uoiles.
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texte modernisé |
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ARGUMENT selon
Philieul : Icy est monstré le dueil, qu’ont les
seruiteurs des dames se voyans hors d’esperance de iamais
pouuoir de leurs amours iouyr, comme Petrarq; & m.d. Laure q.
auoient voué, de iamais ne se marier. |
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ALors
ameres pleurs me
pouuent du visage,
Auec vn vent spirant & souspirs angoisseux
Quand vers Madame sont girouëttant mes yeux,
Pour qui seule du monde i’ay quitté
l’heritage.
Vray est que mes desirs en leur ardente rage
Se trouuent appaisez par vn ris gracieux,
Ils me tirent du feu du martyre aux yeux
Quand à la contempler i’employe le courage.
Mais moy & mes espoirs sommes apres
molestes
Au despart, nous voyant tant d’actions honnestes
Et douces separer de ma fatale estoile.
A la fin par la clef amoureuse deliure,
Mon ame sort du corps & desirant la suyure,
D’infinis pensemens fait promptement la voile.
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Comme pluie en ma veuë vne eau amere abonde,
Auec vn vent serré des souspirs angoisseux,
Tousiours quand enuers toy i’achemine mes yeux,
Par qui seule en abstract ie delaisse le monde.
Il est vray, que ton ris dont la douceur
seconde
Vn plaisible maintien, appaise mes zeleux
Et enflammez desirs, m’emblant du feu affreux,
Qui me bourelle alors qu’en toy mon oeil fait ronde.
Mais peu apres mes sens deuiennent
engelez,
Quand ie voy au partir de tes gestes miellez
Les estoiles partir, qui me sont destinées.
L’ame enfin elargie auec les
clez d’Amour
Du corps sort, à te suiure autant de nuit qu’au
iour,
Et d’iceluy s’elance auec mille pensees.
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texte modernisé |
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COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Le Poëte demonstre par ce Sonnet des effects
diuers disant que tousiours quand il regardoit les yeux de M. L. il
souspiroit
& pleuroit amerement, par auenture meu de la pitié
de soymesmes, & de la douceur [sic, pour douleur] qu’il sentoit de son long
trauail;
& puis il dit, qu’aprez quasi subitement en riant,
elle le remplissoit de merueilleux plaisir, appaisant la douleur,
& le tirant du martire ; & puis
quand il voit avec des doux gestes se retirer de luy les beaus yeux
pour partir, il deuient vne froide glace, & que l’ame
en fin
animée par l’amour, sort du coeur en
s’elançant
de luy
auec des profonds souspirs. |
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