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Le gras dormir,
la gueule, & plume uaine
Ont la uertu hors du monde enuoyée:
Dont de son cours nature est desuoyée,
Vaincue ainsi par coustume mondaine.
Et si estaincte est la grace haultaine,
Par qui la uie a meurs est conuoyée,
Que pour diuine est la teste aduouée,
Qui faict sortir d'Helicone
fontaine.
Mais quel proffit du Laurier & du Murte?
Pourette & nue aux champs Philosophie.
Dict le peuplard, qui au seul uil gaing hurte.
De là auras peu de ta compagnie:
Gentil esprit, tant plus te prie & prise
De ne laisser ta si noble entreprise.
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texte modernisé |
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ARGUMENT selon
Philieul : Il écrivit ce sonnet à Jean Boccace son grand
ami, l'exhortant à étudier, & pour le dire de folles
gens ne laisser l'étude de Philosophie et de Poésie.
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LA gule, la
paresse, & la plume ocieuse
Ont d'entre les humains toute vertu bannie:
Dont quasi de son cours s'esgare & se desnie
Nature submergee en meurt pernicieuse.
Et du ciel est esteincte la clarté gracieuse,
Et la lueur benigne instruisant nostre vie,
Tant que pour chose rare au doigt se magnifie
Qui fait du Helicon
sortir braise fumeuse.
Quel Amour de laurier? de mirthe quel soucy?
Va pauure desolee Philosophie: ainsi
Dit la turbe ignorante au vil profit apprise.
Par l'autre peu i'auray de compagnons aussi,
Mais plus prisé seras s'il te plaist prendre icy
Desir de ne quicter la meilleure entreprise.
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Gourmandise
& sommeil & la trop niche
plume
Ont du grand vniuers banni toute vertu,
Par ou nostre nature estant de son cours deu
Foruoiée, a quité sa place à la coustume.
Et tout ce que du ciel la vie humaine allume
Et guide a faire bien, est si peu recognu,
Que pour chose admirable n'est monstre & veu
Qui faire d'Helicon
naistre vn fleuue presume.
A quoy sert le laurier? a quoy le mirte vain?
Pauure Philosophie, & nue ou est ton gain?
Dit la trouppe a qui sert le vil profit de gage.
Par l'autre voie auras des rares compagnons,
Pourtant esprit gentil tant plus ie te semonds
A suiure ton but noble auecque bon courage.
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texte modernisé |
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COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Le Poète envoie ce Sonnet à quelque sien ami,
ou comme aucuns pensent, à M. Jean
Boccace lequel suivant les honorables études de la Philosophie,
se tirait en arrière, voyant qu'un chacun les fuyait. &
ainsi
y allègue la cause par où les vertus sont
méprisées,
lesquelles sont la gueule & le sommeil, à savoir la
volupté
& l'avarice : mais puis l'enhorte à se reprendre, &
d'autant
plus qu'elles sont méprisées d'un chacun, que tant plus
il se doit évertuer de suivre si louable emprise
commencée. |
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