Nicolas ELLAIN
(?-1621)
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La lamentable voix de ton chétif Ellain

 
 
L’abbé GOUJET, 1752
 

NICOLAS ELLAIN.

Nicolas Barge­dé avait cher­ché des pro­tec­teurs dans la Mai­son de Lor­raine, et son mérite joint à sa sagesse lui en fit trou­ver.[1] Un autre Poète de son temps, Nico­las Ellain, Pari­sien, recher­cha l’ap­pui de Mes­sieurs Du Bellay, qui ont tant favo­ri­sé les gens de lettres de leur temps ; et la manière dont il s’ex­prime dans ses poé­sies, porte à croire qu’il en obtint plu­sieurs faveurs.

Ellain fit ses études à Paris, et s’ap­pli­qua à la Pra­tique, pour laquelle il semble mon­trer peu d’at­traits. Je fonde cette con­jec­ture sur ce Son­net, adres­sé à un de ses amis :

Être au Palais à me rompre la tête
Pour courtiser, Deneux, un Conseiller,
Un Procureur, un Clerc, un Officier,
Et envers eux contrefaire l’honnête.

Faire dresser un extrait, une enquête,
Faire la Cour à Monsieur l’Huissier,
Et à son Clerc, faire signifier
Or un Arrêt, ores une Requête.

Ne faire rien sinon que tout de rang,
En ce Palais courant de banc en banc,
Vivre chétif en cette servitude :

Voilà, Deneux, voilà mon Galien,
Mon exercice Aristotélicien,
Voilà mon livre, et toute mon étude.

J’entre dans la peine d’Ellain ; les pro­cé­dures et tout l’at­ti­rail de la pra­tique tant civile que cri­mi­nelle, n’ont jamais eu de charmes pour un ami des Muses. Il faut que le devoir et la néces­si­té parle bien effi­ca­ce­ment pour enga­ger celui qui a du goût pour les lettres à se livrer à cette triste et ennuyeuse occu­pa­tion. Aus­si Ellain repre­nait-il tou­jours avec joie les routes du Par­nasse. Ce n’est pas qu’il y mar­chât avec une grande liber­té, ni que les hon­neurs se ren­con­trassent sur sa route ; mais pour conten­ter l’amour propre, il suf­fit qu’on se per­suade que si on n’est pas au pre­mier rang, au moins n’occupe-t-on pas un des der­niers.

Telle était la place où Ellain se met­tait. Sans pré­tendre l’en chas­ser, je vous dirai que deux choses m’ont déplu dans ses deux livres de Son­nets ; la pre­mière, c’est qu’ils sont vides de choses, et sou­vent de pen­sées et de sen­ti­ments ; la seconde c’est que le pre­mier livre, qui est adres­sé à Eus­tache Du Bellay, Évêque de Paris, res­pire beau­coup plus l’amour pro­fane, que le second livre que le Poète a offert à Jacques Du Bellay, comte de Ton­nerre. Puis­qu’Ellain vou­lait chan­ter sa Pan­dore, il me semble que ce n’était point à un Pré­lat, qu’il devait envoyer ses fri­voles chan­sons. […]

L’abbé GOUJET,
Bibliothèque fran­çaise,
ou Histoire de la Litté­ra­ture fran­çaise,
tome XIII, 1752, pp. 81-83
[Gallica, NUMM-50656, PDF_107_109]
(texte modernisé).


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Notes

[1] La « vie » de Nicolas Ellain succède dans la Biblio­thèque de l’abbé Goujet à celle de Nicole Bar­ge­dé.




En ligne le 16/09/09.
Dernière révision le 01/06/20.