La Gazzette françoise
par
Marcellin Allard
Chap. XLVIII. Excellentes vertus de plusieurs femmes. La beauté et perfection du sexe.
On loüe de singuliere beauté un Adonis, un Narcisse, un Ganimede, un Absalon et un Endimion (dont la Lune fut amoureuse :) mais ce ne sont que beautez triviales, il n’y a rien d’exquis, de transparant de merveilleux qu’on puisse nommer chef-d’œuvre de nature, miroir des yeux, prodige ne miracle, ainsi que la naifve que l’admirée et desirée beauté feminine. ô que n’ai-je l’eloquence d’un Ciceron, voicy un beau champ, pour luy donner carriere, voicy un bon echo, pour la bien faire resonner ? Que si je l’avois ? ô que si je l’avois elles en seroient dignement servies, et la tiendrois pour bien employee de loüer leurs beaux cheveux dorés, blonds, argentez, frisez, eslevez, retroussez, longs, mols et deliez, Leur front, (la Sale du bal des graces) spacieux, uny, poly, net et serain ? Leurs paupieres, arcs en Ciel reverberez de leurs beaux Soleils, roüantes, mouvantes vagabondes ? Leurs yeux, fenestres de l’ame, messagers de la pensee, trompettes du cœur, et arcenals d’amour, brillans, rians, follastres, courtois, delicieux, solatieux, azurez verts, argentins, linceans, souguignans attraitifs ? Leur nez, trophé d’honneur, ame de la beauté, gresle, longuet, traitif, troussé, licé ? Leurs jouës, agreables champs elizees, floureux parterres de Cipris, rondes, molles, delicates, fosseluës, yvoirines, Rosines, aurorines ? Leurs levres, avant-portieres du baiser, gaiges de l’amoureuse mercy, corallines, doucettes, molettes, humides, emmiellées, nectarées, riantes, blandissantes, leur bouche, l’Hymette actean, le magasin des beaux discours, rondelette, petite, sucrée, riante, flateresse, baiseresse ? Leur langue, neud gordien des cœurs, entre-lassante tremoussante, fretillante, moite, mielleuse, chanteresse, eloquente bien disante. Leur parler, le Circé des volontez, doux, courtois, gracieux, amoureux. Leur haleine, l’Arabie aromatique, nectarienne, ambrosienne, soueffleurante, Leurs souspirs, propos de l’ame, tesmoins de la pensee, doux-gemissans, ardans, redoublés passionnez, interrompus ? Leurs dents, baricades du doux baiser, perlines, blanches, petites, fermes, serrées, brunies, et bien rangees ? Leur menton, l’amphitheatre des avant-jeux d’Amour blondoyant, grosselet, rondelet fosselu ? Leurs oreilles, maistresses des comptes joyeux, grandes audiencieres du mot pout rire, delicates, rondes, petites, droites, ouvertes, entre-blanches et vermeilles ? Leur col, porte-carcan, gemmé, doré, emperlé, albastrin, longuet, poly, uny, blanchissant, flechissant ? Leur gorge, gallerie des amourettes, haut encollée, blanche, grasse, rondelette, doüillette, longuette ? Leur poitrine, l’Æole des Zephires d’amour, neigeuse, delicate, belle, large, haletante, souspirante ? Leurs tetins, gazons de laict, petits, relevés, pomelus, fermes, rougissans, delicieux, mignars ? Leur ventre, le phare, le promontoire de la mer douce, grasset, doucet, duret, eslevé, rond, blanc, uny, poly : Mais ? Qu’est cecy, d’où vient cecy, où en suis je ? que veut dire, que la parole me deffaut, quel doux souvenir charme mes sens, quelle allegresse ravit mes esprits, quelles blandices, quelles delices desmesurées, ha me voila aux abboix, entendez à moy je me pasme venant à parler de ce parnasse au double mont, de ce donne-vie, de ce peuple monde, appellé d’aucuns source d’amour, fontaine de plaisirs. De ce gentil petit, mouflard, jouflard, vermeillet, voluptueux, soulatieux, relevé, ferme, serré, embonpoint, chaleureux, follastre, delicat, voilé, peluché (& non encore escarmouché,) à vous Messieurs les verts-vestus, qui professez ces occultes sciences en seroit deferé la declamation. Et en continuant mes erres viendrois à celebrer leurs iumelles casemates, leurs fesses, grosses, grasses, charnuës, dures, troussees, rebondies. Leurs cuisses, anti-arcades palatiennes, fermes, blanches, potellees, glissantes. Leurs jambes, Collonnes, marbrines, longuettes, grossettes, doucettes. Leurs pieds, bases fondamentales, ramassez, fermes, serrez, troussez. Leurs bras, les cadenes d’amour, charnus, gros, ronds, polis. Leurs mains, la pierre afilloire des luictes veneriennes, blanches, belles, douces, mollettes, fretillantes. Leurs doigts, chatouille des dormeurs, sadinets, rosins, longs, gresles, subtils, tremblottans, fretillans, bref rien qui les concerne ne demeureroit sans condigne louange ? Où estes vous allez mesdisans ? où estes vous calomniateurs, outrageux, quereleux, desplaisans, malencontreux, infects, pestilentieux, qui non seulement prenez garde aux actions et aux paroles des femmes : mais encor faictes des paraphrases sur leurs imaginations. De quelle Ignorance brutale, opiniastre, impudente. De quelle Irreverence, desdaigneuse, effrontée, incivile. De quelle Haine, odieuse, pernicieuse, detestable. De quelle Malice, pourpensée, traistresse, maligne. De quel Orgueil, bouffy, superbe, arrogant. De quelle Audace, rogue, insolente, outrecuidée. De quels Blasphemes, execrables, abominables. De quelle Temerité, folle, aveugle, inconsiderée. De quelle Violence, foudroyante, tiranique, imperieuse. De quelle Impieté, barbare, maudite, malheureuse. De quelle Ire, forcenée, rougissante, escumeuse. De quelle Fureur, felonne, insencée, tempestueuse. De quelle Cruauté, inhumaine, enragée, tigrine. Venez vous ainsi à mesdire du sexe feminin ?
Marcellin ALLARD,
La Gazzette Françoise,
Paris, Pierre Chevallier, 1605,
« Excellentes vertus de
plusieurs femmes. La
beauté et perfection du
sexe », chap. XLVIII, ff. 359r°-362v°
[Gallica, ark:/12148/btv1b86262153/f757,
PDF_757_764],
(texte original).