Jacques Le Gras, avocat à Rouen et traducteur d’Hésiode, fit publier à Paris en 1586 un recueil d’hommages, pour la plupart en vers, adressés par les amis du défunt et par lui-même, ainsi que par son frère Jean, à son père Richard Le Gras, docteur en médecine à Rouen, mort en 1584.
À NOBLE HOMME
MAÎTRE RICHARD LE
gras docteur en medecine, mon
père.
MOnsieur mon Père, si on doit présenter les livres à ceux ou que l’on respecte sur tous autres, ou desquels on a reçu quelques insignes plaisirs : à bon droit et pour l’une et pour l’autre considération je vous dédie ce mien petit ouvrage, vous étant celui à qui je dois le principal honneur après Dieu, et vers lequel je suis obligé en la première, la plus grande, et la moins raquittable dette de toutes les dettes. Davantage il est bien raisonnable que donnant à plusieurs autres de mes telles quelles compositions, j’en mette aussi en lumière sous le nom de celui qui dès mon enfance a eu en souveraine recommandation de me faire instruire ès bonnes disciplines, et m’y a très libéralement entretenu. Or je vous fais présent du plus beau et du plus profitable de tout tant qu’il nous reste d’Hésiode, savoir est ses Besognes et ses Jours. Qui est l’œuvre duquel je crois qu’entend parler Isocrate quand il dit qu’Hésiode est l’un des poètes lesquels ont très bien conseillé aux hommes comment ils doivent bien et heureusement vivre. Parquoi anciennement les enfants apprenaient par cœur les vers d’Hésiode, desquels on faisait tant de cas, que l’on s’en servait à chaque propos comme de quelques maximes. Et même Apollon quelquefois en a usurpé en ses oracles. Hésiode donc n’est point seulement vénérable pour son antiquité, étant indubitablement de même temps qu’Homère : mais il est à priser et chérir pour les belles et fréquentes sentences qui y sont. Je sais bien que vous le savez tout en sa langue : même que vous n’avez que faire des enseignements et instructions tant pour la vie que pour le ménage, dont ce livre est plein. Mais aussi ne le vous offré-je que pour quelque témoignage de ma piété envers vous,
Monsieur mon père, auquel je prie Dieu de donner en bonne santé longue et heureuse vie. De votre maison à Rouen, ce dernier jour de l’an 1582.
Votre très humble et très obéissant fils,
Jacques Le Gras.
Les Besognes et les Jours
d’Hésiode Ascréan,
mis en français par Jacques Le Gras de Rouen,
Paris, Estienne Prevosteau, 1586, pp. 3-4
[Gallica, NUMM-71784, PDF_4_5]
(texte modernisé).
En ligne le 26/06/09.
Dernière révision le 10/04/21.