|
_______________________________
|
Tandis mes yeux
lassez qu'estes à contempler
Le uisage de celle, ou printes uostre mort,
Soyez (ie uous supplie) aduisez & d'accord,
Qu'amour ia uous deffie à souspirs radoubler.
Il est uray que mort seule à mes pensers combler
Peut l'amoureux chemin, qui les conduict au port
De leur doulce santé, & nous y peut troubler.
Mais cacher se peut bien à uous uostre lumiere
Par moindre obiect, d'autant, que moins estes rusez,
Et que uotre uertu est beaucoup moins entiere,
Que celle de l'esprit. Pourtant donc aduisez
Pour la fin, ains que soit l'absence coustumiere,
Qui tost, comme ie crains, nous rendra soucieuz,
Prenez au long trauail ce brief confort, mes yeux.
|
»»
texte modernisé |
««« ~#~ »»»
|
ARGUMENT selon
Philieul : Petrarque faisoit compagnie à cheual à ma Dame
Laure qui
alloit en Prouence: mais ce n'estoit que pour iusques à Durence,
dont
pensant qu'il se fauldroit separer au port, & luy retourner
arriere,
il enhortoit icy ses yeux de fort regarder leur Dame ce pendant qu'ilz
estoient ensemble, prognosticant bien qu'il la perdroit. |
|
|
MEs yeux las &
faschez pendant que ie vous mire
Dans les excellens yeux qui vous font presque morts,
Maintenant ie vous prie d'estre fins & accorts:
Car amour vous en veut & desia i'en souspire.
Mort seule à mon penser peut vser son empire
Et clorre le chemin qui les conduit aux ports,
Heureux de leur salut, mais à vous les supports
De vostre bien on peut celer pour obiet pire.
Car vous estes formez moins entiers & parfaits
Et de moindre vertu nature vous a faits:
Pource (dolens) auant que l'heure nous attire
Prenez à toute fin tout ainsi que ie fais
Des maux desquels desia ie sens venir le fais,
Quelque doux reconfort pour vn si long martire.
|
|
Mes yeux
lassez tant qu'en la belle veue
Ie vous retiens, de celle qui vous tue,
Soyez, ie prie, accorts, car le defy
Ia vous a fait Amour, dont i'ay ennui,
La mort serrer peut seule a mes pensées
L'amoureux pas, par ou elle, [gradées ?]
Sont au doux port, auquel leur salut est:
Vostre clarté se peut par moindre obiect
Celer a vous, comme faits de matiere
Moindre, & aiant la vertu moins entiere:
Mais tristes, las, deuant que des pleurs soient
Les heures cy, dont le temps ia nous point,
Ne faites faute, or' au partir de prendre
Vn brief confort à vn si long attendre.
|
»»
texte modernisé |
««« ~#~ »»»
|
COMMENTAIRE DE
MALDEGHEM : Comme le Poëte se deuoit eloigner de M. L. il alloit
prendre congé d'elle, par ou il prie par ceste chanson, à
ses yeux, qu'ils prennent deuant partir quelque confort des beaux yeux
d'elle, pour se pouuoir d'iceluy defendre, durant si longue absence,
contre le regret qu'ils auront d'estre priuez de sa veuë. |
|
|
|